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 Avec le temps [pv — Inaliel]

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Aurore Opéra

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MessageSujet: Avec le temps [pv — Inaliel]   Avec le temps [pv — Inaliel] EmptyDim 21 Avr 2019 - 17:27

Avec le temps


Aurore Opéra passa une porte ouverte, la tête basse, le pas traînant. Il ne savait pas lui-même ce qu’il faisait ici, perdu dans les galeries de l’Usine Abandonnée. Il se sentait las, vide d’énergie, l’esprit lourd de souvenirs flous, d’images découpées, comme une vidéo dont il manquait certaines séquences. Les plus belles étaient parties en premier, comme si elles n’avaient jamais existé. L’étalon soupira. Il ne voulait pas oublier.

Que faire, pourtant ? Le temps effaçait peu à peu les détails. Il ne savait plus s’il faisait beau, si les nuages grondaient au loin, menace inutile contre la vilenie d’une créature qui ne fera jamais face à la justice. Faisait-il froid ? Le rouquin ne voulait pas croire qu’elle ait eut froid, que sa dernière pensée aille à un frisson, une envie de chaleur qu’elle ne connaîtrait jamais. Avait-elle entendu le magnifique chant d’un oiseau avant de soupirer pour la dernière fois ? Aurore ne savait plus. Il lui semblait ne rien avoir entendu, comme suspendu dans un instant figé, en dehors du temps, incapable de sauver la chair de sa chair, celle qu’il aurait aimé plus que tout autre chose au monde. Celle qui lui manquait sans jamais l’avoir connue. Celle qui aurait dû être le plus beau succès de sa vie et qui devenait un échec terrible, une erreur monumentale, irréparable.

Le rouquin entra dans une nouvelle pièce. Au sol, une étrange peinture bleue amenait de la couleur dans ce paysage morne. L’étalon n’eut même pas l’envie de l’admirer, d’imaginer son histoire, ni la raison de ces traces de pas tout autour. Il se contenta de ronfler des naseaux et de passer son chemin. En s’engouffrant dans un autre couloir, son sabot percuta un outil, par terre. Le petit objet métallique semblait presque trop neuf, perdu dans un univers de désolation, d’abandon. Cela lui rappela son propre corps, réceptacle fissuré emprisonnant un vice incurable. Il détourna le regard pour ne pas se replonger dans de mauvaises pensées. Mais arrivait-il jamais à penser à autre chose ?

Derrière lui, dans l’entremêlement de pièces et de couloir, un bruit résonna contre les murs. Aurore se retourna. Il sentait presque poindre en lui l’espoir de voir apparaître une sirène dégoulinante d’eau salée, son regard noir agrémenté de flammes vengeresses. Il soupira. Ce n’était pas pour cela qu’il était venu… Il valait mieux qu’il s’en aille. Pourtant, il ne bougea pas d’un pouce, ses yeux sombres fixés sur le bout du couloir.
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MessageSujet: Re: Avec le temps [pv — Inaliel]   Avec le temps [pv — Inaliel] EmptyDim 21 Avr 2019 - 19:16

Inaliel comptait bien intégrer le troupeau des Secrets. Par ailleurs, elle se considérait déjà comme l'une des leurs et n'avait qu'une hâte : rencontrer cette Naëlle, la dominante. Une figure féminine forte, qui gouvernait ces terres. Terres qu'elle foulait actuellement. Son nouveau foyer.

L'alezane inspira profondément un air gonflé d'humidité et de fraîcheur. Le temps n'était pas au grand soleil et des nuages gris, parfois noirs, recouvraient le plafond du monde. Ina leva les yeux sur ce dernier, s'imaginant nager la tête à l'envers dans les vagues voluptueuses et sombres que les cumulonimbus formaient. Un fin sourire étira ses lèvres. Elle aimait croire que dès lors qu'un ciel d'orage s'annonçait, il s'agissait en réalité d'une grande fête menée par les dieux et que le tonnerre n'était autre que le bruit de leurs pas dansants, et les éclairs des éclats de rire divins.
Puis la pluie. Une douce averse qui crapotait sur sa robe chocolatée.

La jeune aventurière descendit de son perchoir, petite colline surplombant un bâtiment. Elle n'avait jamais rien vu de tel, n'avait jamais entendu ni parlé d'humain. La curiosité guidait ses pas, elle allait confiante et sereine. Le cœur vaillant, un peu téméraire peut-être. Elle pénétra sans crainte, et l'obscurité la happa. Dehors l'orage grondait.
Inaliel marchait calmement, les sens en éveil. Parfois, la lumière grise et peu puissante traversait la texture transparente d'une vitre sale. L'endroit était rempli d'objets en tout genre. Tant de nouveautés. Elle laissait ses naseaux toucher, ses vibrisses reconnaître et enregistrer. Les odeurs aussi, par milliard. Parfois dominé par un parfum âcre de renfermé et de vieillissant.

Ina continuait son exploration, l'endroit était silencieux et elle l'était tout autant. Sa hanche percuta malencontreusement une étagère alors qu'elle s'était avancé dans un endroit un peu plus étroit. Quelques objets tombèrent, provoquant un sacré raffut qui résonna encore, de façon lointaine. Un pot de peinture explosa sur le sol. Bleu, électrique, sur le sol gris et terne. Son regard s'y accrocha et elle posa ses antérieurs sur la flaque. Ce liquide était magnifique mais il sentait mauvais. Ina recula, marquant le béton de ses traces de pas. Elle les observa un instant, puis rit.
Elle sauta toute entière dans la peinture bleue, puis prit un petit galop rassemblé pour dévaler dans un couloir... et si ? Elle revint sur ses pas en trottinant gaiement : peu lui importait à présent de briser le silence. L'endroit n'était plus si effrayant. La peinture, la joie de jouer, de découvrir. Elle laissa libre court à son esprit créatif alors qu'elle jetait au sol un deuxième pot de peinture, jaune soleil comme les tournesols.

Inaliel piaffa dans la couleur jaune et reprit sa course à travers l'usine, laissant son rire cristallin et enfantin de jeune demoiselle résonner à travers le bâtiment.
Elle se laissa aller, entre les étagères, entre les tables, entre les outils. Elle galopait comme elle le pouvait, ce n'était pas facile et elle devait faire appel à toute la souplesse de son corps pour ne pas se blesser. C'était enivrant pourtant. Elle laissait derrière elle ses traces, et du bout de sa queue des traînées sur les murs. En sautant dans la flaque de peinture, elle s'en était éclaboussée. Ina tourna court, prenant un long couloir. Au bout, une silhouette brune mouchetée de blanc : un équidé. Le sourire faisait rayonner son visage, Inaliel freina des quatre fers, se posta à quelques mètres de l'inconnu le regard pétillant de malice, la tête haute et la queue panachée comme une pouliche. Elle lui lança un coup de tête et fit volte-face, avant de tourner dans une nouvelle pièce.

De là, elle tourna encore et encore. Ralentit son rythme pour s'approcher à pas de loup. Dans l'embrasure d'une porte, elle pouvait voir la croupe de l'étranger roux. Sans aucune gêne, elle lui tira une mèche de crins de sa queue de flammes, et repartit dans un rire joyeux.
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MessageSujet: Re: Avec le temps [pv — Inaliel]   Avec le temps [pv — Inaliel] EmptyMar 23 Avr 2019 - 16:34


Aurore Opéra laissait traîner, dans un coin de son esprit, le souvenir d’une peau noire agrémentée de taches blanches sous la surface claire de l’océan. Elle riait, ce jour-là. Depuis le rire l’avait quittée. Il avait vu l’eau investir ses beaux yeux noirs, la colère déformer ses traits de dame. Tout ceci, par sa faute. Pourrait-il se le pardonner ? Il avait tant de choses à se faire pardonner… Tout ceci n’était pas juste. Il n’y arriverait jamais. Il ne sentait même pas poindre en lui l’envie d’essayer, de se battre pour être excusé. Que lui restait-il d’autre à faire de sa vie, pourtant ? Errer inutilement dans l’Usine Abandonnée. Hanter les vestiges d’une civilisation oubliée comme un fantôme, un oiseau de mauvais augure. Assurément, il apporterait le malheur à celui qui aurait la malchance de le croiser.

L’étalon releva la tête, décidé à tourner les talons, à s’éloigner du bruit qui remontait le couloir. Il resta immobile, le regard fixé sur un espoir fou, une envie qu’il ne devait pas avoir. Cela aussi, était injuste. Comme un poison qui le bouffait de l’intérieur, l’empêchait de redresser la tête vers le soleil, d’en apprécier les couleurs, la chaleur. Un mal qui finirait par le tuer, un jour ou l’autre, après tant d’années d’agonie qu’il ne pourrait plus dire avoir « vécu ». Même « survivre » était un terme trop fort pour la léthargie, la passivité dans laquelle il s’était enfoncée.

L’apparition gicla dans le couloir comme une fée drapée de paillettes colorées. Elle balança du bleu, du jaune, sourit de ses petites dents d’esprit espiègle et sautilla dans une autre pièce, laissant derrière elle une longue traînée de joie.

La fée disparue, la pièce retrouva ses nuances sombres, son odeur étrange, mélange de peinture, de renfermé et de poussière remuée. Aurore, lui, ne bougea pas d’un pouce, ses yeux noirs fixés sur les taches colorées, au bout du couloir. La fée l’avait laissé avec les miettes de son passage éclair, comme un avertissement, un conseil inutile qui lui susurrait de sourire, d’apprécier la beauté d’un monde qui vivait sans lui. Opéra ne voulait pas. Il ne voulait plus. Lui qui avait tant aimé le monde… aujourd’hui, il ne savait plus l’apprécier.

L’étalon s’apprêtait à repartir, continuer son périple vers une terre qu’il n’osait pas fouler, partir à la recherche d’une sœur qui ne voulait plus de lui non plus. Il n’en eut pas le temps. Dans son dos, la fée revint à la charge. Elle enroula ses doigts fins autour des crins du rouquin et tira. Aurore Opéra fit un pas en avant, surpris par l’attaque, et se retourna. Dans une porte, la fée jeta ses paillettes colorées et fit demi-tour. Sa robe bronzée flottait sur ses chevilles. Puis elle disparut à nouveau.

Aurore resta seul avec le rire de la jeune fée. Que faire ? Il ne voulait pas jouer. Au fond de lui, l’envie de s’amuser était morte depuis longtemps, abandonnée sur le côté, dans un fossé le long de la route qui l’emmenait vers un désir qu’il n’assouvirait jamais, un vulgaire fantasme. Un rêve de gamin qui avait grandi trop vite. Néanmoins, l’étalon roux avait pu apercevoir les sabots peinturée de l’inconnue. Il eut soudain peur qu’elle ne glisse dans un couloir, dans une salle, s’écrase contre une machine dangereuse, un outil abandonné dans la précipitation des anciens propriétaires. S’il lui arrivait du mal ? Aurore Opéra ne se le pardonnerait pas. Même s’il ne la connaissait pas.

Alors le rouquin partit à sa recherche. Le nez bas pour renifler les relents de peinture qu’elle laissait derrière lui, il suivit la fée guillerette. Il lui semblait recouvrir la lumière de la jeune dame par sa propre obscurité. Il s’arrêta à cette pensée. Il ne voulait pas lui voler sa joie de vivre. Devait-il continuer ?

Le rire résonna à sa droite. Aurore bifurqua, contourna une grosse machine et traversa un nouveau couloir. Il connaissait l’Usine, il savait où aller pour couper la route de la fée. Du moins, il le croyait. Il n’était pas sûr de lui. Il tenta tout de même.

Au détour d’un dernier couloir, Opéra s’arrêta vers le fond qui se terminait en cul de sac. Devant lui, sur la gauche, une unique porte. Si la fée passait par là, elle devrait jouer des freins pour ne pas lui rentrer dedans, mais au moins, il était sûr de pouvoir l’arrêter avant qu’elle ne glisse et se blesse.
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MessageSujet: Re: Avec le temps [pv — Inaliel]   Avec le temps [pv — Inaliel] EmptyDim 28 Avr 2019 - 14:54

Inaliel courrait entre les machines. Elle repassa dans la flaque de peinture bleue, piétina et piaffa en tournant sur elle-même pour être certaine de s'en remettre plein les sabots. Les couleurs se mélangeait sur le sol, bleu et jaune donnèrent un vert vibrant dont elle se para aussi, trempant la pointe de sa queue à l'intérieur. Elle ne pouvait empêcher son sourire d'étirer ses lèvres, alors qu'elle s'amusait à sauter comme un mouton plus en avant, marquant le sol de béton des marques de ses quatre fers.
Il lui en manquait une pourtant. L'alezane donna un grand coup de croupe dans l'étagère à peintures, qui vacilla, faillit l'écraser mais elle s'y échappa à temps. Les pots roulèrent, par terre, ouvert à moitié, pour certains explosés. Beaucoup étaient vides. Pourtant, elle était là. Celle tant attendu : le rouge passion, le rouge du courage et de la rage. Le rouge qui donnait de la force, du caractère. Inaliel s'en empara. Elle se laissa tomber à genoux, frotta son encolure tout contre. C'était froid, visqueux ou bien liquide. Elle y jouait comme un enfant tremperait ses doigts pour peindre sans pinceau.

Une moitié de poitrail et d'encolure rouge vif, ses sabots tricolores, multicolores, ses crins verts. La robe tâchée d'une myriade d'éclaboussures bleues et jaunes. Inaliel illuminait dans l'usine, sombre et sans vie. Elle rit encore, repartit de plus belle. Sa hanche tamponna une table, bousculant des outils qui roulèrent sur le sol, dans un joyeux vacarme. Peu importait, elle n'était pas blessée. Derrière elle, dans son sillage, elle parait les murs et le béton d'explosions de couleurs, de traits fins ou grossiers. On la suivait à la trace.
Elle repartit de plus belle, prise dans son propre jeu. Comme si elle n'avait jamais grandi.
En réalité, elle n'avait juste jamais oublié ce qu'était que d'être une enfant.

L'arabe bifurqua vers une porte. Et devant elle, une statue de cuivre parsemée d'une multitude de points blancs. Une statue, immobile, solide, lui barrant la route. A cette vitesse, elle ne pouvait l'éviter. Surprise pourtant, son premier réflexe fut de reporter tout son poids vers l'arrière et d'avancer un freinage d'urgence. Mais la distance était trop courte et son élan trop grand.
Elle ne put qu'atténuer le choc comme elle put. Son poitrail rencontra le sien, elle ferma les yeux pour ne pas voir. Elle sentit des crins lui chatouiller le bout de nez, tourna la tête pour ne pas se prendre le corps du mâle en plein visage. Poitrail contre poitrail, encolure contre encolure. Elle faillit emmêler ses antérieurs aux siens, mais les tint bien droits et rigides afin de ne pas l'écraser de tout son poids. Cela fut rapide, une ou deux secondes à peine et juste le temps de lâcher un cri.

Inaliel recula d'un pas, reprenant ses esprits. Le chanfrein à quelques centimètres de celui de l'étranger, elle plongea son regard surpris mais encore pétillant de jeu dans le sien. La peinture rouge le tâchait à son tour. Elle reprit son équilibre sur ses quatre jambes, sautillant encore comme pour s'assurer qu'elle n'avait rien de cassé, puis s'enquit de lui.

« Aaah ouf... Ça aurait pu être pire... Tu vas bien, tu n'as rien ? Je suis désolée, je ne t'ai pas vu à temps et le couloir est bien trop étroit pour que je puisse t'esquiver. » lui dit-elle alors, pleine d'entrain. Elle lui offrit un sourire, recula encore d'un pas, car la proximité lui semblait à présent un peu étrange. Son regard glissa sur le rouge. « Oh bah, je t'en ai mis partout ! » Elle rit, amusée de sa propre bêtise.
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MessageSujet: Re: Avec le temps [pv — Inaliel]   Avec le temps [pv — Inaliel] EmptyMar 30 Avr 2019 - 17:33


Aurore Opéra se planta dans le couloir. Il lui sembla prendre racines, s’enfoncer dans le béton froid et s’étaler sous terre. L’énergie remonta la multitude de doigts rachitiques qui remuaient sous le bâtiment. Une bouffée de chaleur glissa le long de ses antérieurs, se logea dans son poitrail et explosa à l’intérieur de son crâne, comme une bombe d’oxygène qui aurait pu le rejeter à terre, l’achever dans l’instant-même. L’étalon n’arrivait pas à assimiler cette nouvelle force qui bouillait en lui, lui susurrait à l’oreille de se laisser aller, de s’amuser. Il rejeta la vague, cracha sur le feu pour l’éteindre et reprit possession de son corps. Il ne s’amuserait pas. Sa fille n’avait pas ce droit, alors lui non plus. Il ne le méritait pas.

Ses racines coupées, le rouquin n’en resta pas moins solide comme un roc, posé en travers du couloir pour bloquer le passage à la fée espiègle. Pourrait-il l’arrêter à temps ? Ou tenterait-elle de passer à côté, fière de sa taille de guêpe ? Il pourrait attraper sa robe bronze entre ses dents, tirer en arrière pour ramener l’enfant guillerette à la raison, mais il ne voulait pas lui faire de mal. C’était tout le contraire qui l’animait, qui faisait couler assez de plomb dans ses veines pour tenir sa position. Il ne flancherait pas. Ses muscles lui serviraient peut-être à faire le bien, pour une fois.

Opéra redressa la tête en entendant ses sabots cliqueter contre le sol de l’usine. Le son passait la porte et s’écrasait contre les murs pour l’englober tout entier. L’esprit joyeux avançait vers lui. Il sentit tout son corps se raidir, appréhender l’impact si la fée ne trouvait pas le temps de s’arrêter. Il apprécia la vie qui remuait dans ses membres, remontait son encolure, brûlait sa colonne. Peut-être, oui, qu’il pouvait encore servir à quelque chose. Vivant, il pouvait agir.

L’étalon roux fixa ses yeux noirs sur la porte. La fée débarqua dans une entrée théâtrale. Ses paillettes giclèrent tout autour. Du bleu, du jaune, du rouge. Du rouge ? Aurore essaya de fixer son regard sur l’encolure de l’enfant joyeuse. La robe bronze ne battait plus contre ses chevilles. Le visage espiègle s’allongea, de petites oreilles émergèrent sur son crâne et une crinière rousse remplaça les longs cheveux bruns. Sous ses yeux fatigués, l’étalon assista à la transformation de la fée sans réussir à se concentrer sur les taches rouges qui luisaient sur son poitrail.

Puis il ferma les yeux.

La fée s’écrasa contre lui dans une explosion de paillettes colorées. Aurore Opéra tourna la tête pour limiter le mal de la jument qui le heurtait. Il força sur ses postérieurs, bandit ses muscles et réceptionna la belle enfant du mieux qu’il put. L’arabe se lova contre lui dans une étreinte qu’il aurait, fut un autre temps, trouvé fort gênante. Des souvenirs d’une timidité extrême lui revinrent en mémoire. Puis le rouge, le sang, l’enfant. Il rouvrit les yeux.

Face à lui, la petite arabe recula. Elle resta si près de lui qu’il aurait pu la toucher en tendant à peine les naseaux. Il n’en fit rien, statue de marbre plantée au milieu du couloir, ses yeux noirs fixés sur l’inconnue. Le chanfrein concave de la fée lui rappela sa jolie sœur, ses derniers mots dans cette même bâtisse, la forme de son corps de jument tandis qu’elle s’éloignait de lui pour ne plus jamais revenir. Aurore Opéra soupira. Que faisait-il ici ?

Il s’apprêtait à demander à la jument bronzée si elle allait bien. Les mots s’accumulèrent sur ses lèvres, l’envie lui brûla la gorge, mais il fut devancé. Il darda sur elle un regard interloqué. Il demandait toujours si les autres allaient bien, toujours. Lui avait-on déjà demandé la même chose avant qu’il ne le fasse lui-même ? Il n’arrivait pas à s’en souvenir. Les mots se plantèrent dans son corps et le forcèrent à détourner les yeux.
Là, le rouge dégoulinait sur l’encolure de la petite jument. Le rouquin fixa son regard dessus et tendit les naseaux, sans la toucher. Il huma l’odeur du liquide carmin, chercha à savoir si le sang abîmait sa belle robe, l’inquiétude au creux du ventre. De la peinture. Juste de la peinture. Une peinture rouge qui luisait dans la faible luminosité qui passait par la fenêtre. Du rouge dont la fée l’avait lui-même recouvert. Aurore lorgna la tache sur son propre corps.

Ce n’est rien, dit-il du bout des lèvres, accroché au souvenir d’une journée où il s’était trouvé recouvert de peinture bleue. Vous allez bien ? (L’inquiétude au fond des yeux, il scruta le couloir, les taches de couleur tout autour de la jument, sur sa robe brûlée.) Vous ne devriez pas courir dans l’usine avec toute cette peinture sur les sabots, c’est dangereux. Les lieux ne sont pas très propres, un accident est vite arrivé… Ne recommencez pas, s’il vous plaît.

L’inquiétude bouffa ses mots. Aurore ne voulait plus être témoin d’un drame. Il ne voulait plus se sentir coupable, responsable d’un accident qu’il aurait pu éviter. Arriver un peu plus tôt, une minute à peine aurait suffi. Une minute… Une petite minute.

Je m’appelle Aurore Opéra, se présenta-t-il finalement.
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MessageSujet: Re: Avec le temps [pv — Inaliel]   Avec le temps [pv — Inaliel] EmptyJeu 2 Mai 2019 - 18:13

Celui-là était étrange. Du moins, Inaliel le ressentait ainsi, il y avait quelque chose qui clochait. Il ne réagissait pas, ou très peu. Il aurait pu se mettre en colère, elle l'avait bousculé, l'avait tâché de cette peinture rouge. Il aurait pu la rejeter avec froideur, ou bien l'attaquer avec des mots violents. Il aurait pu, au contraire, rire avec elle de sa bêtise, lui faire un sourire. Il n'en fit rien. Il ne lui offrit pas même un sourire. Un simple sourire.
Il semblait plus intéressé par la peinture que par sa personne, aux premiers abords. Il s'approcha même d'elle, pour en humer l'odeur, comme si l'espace d'un instant elle n'existait plus en tant qu'être vivant. Ce sentiment fut éphémère, il s'enfuit aussi rapidement qu'il lui était venu.

La statut d'ocre parla, d'une voix grave de jeune étalon ayant fini sa croissance. Ils ne devaient pas être plus vieux l'un et l'autre. Il lui demanda tout d'abord si elle allait bien. Au contraire d'Inaliel, il la vouvoya, et elle sentit comme un rejet de sa part, comme s'il la rappelait à l'ordre "On ne se connait pas, je ne vous permet pas". Elle recula d'un pas, son visage s'éteignant quelque peu à mesure qu'il parlait.
Suivant la question, des réprimandes. La jument fronça les sourcils. Son visage s'était éteint précédemment. A présent, il se rallumait d'une flamme nouvelle : la colère. Son regard s'enflamma, alors qu'elle fixait son visage. Bien qu'elle l'écoutait parler, ses oreilles filèrent en direction de sa croupe. Si elle avait pu hérisser le poil, elle l'aurait fait.

Il lui parlait comme un père à sa fille. Comme s'il avait en face de lui une pouliche, inconsciente. Comme si elle avait un manque d'éducation, et qu'elle devait bien se tenir. Comme si devenir adulte et mature, c'était arrêter de jouer avec la peinture.
Il finit par se présenter, dans un calme olympien. Inaliel contre-attaqua, prenant la suite sans laisser le silence s'abattre entre eux. Elle bouillonnait trop pour qu'un froid s'installe.

« Et ça vous arrive souvent de prendre les autres pour des enfants, Aurore Opéra ? » lui balança t-elle, cinglante, en insistant bien et sur le vouvoiement, et sur son nom. « Si moi je suis une enfant, vous, vous êtes un rabat-joie. » finit-elle en relevant quelque peu son minois, revêche, fouaillant de sa queue brune.
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MessageSujet: Re: Avec le temps [pv — Inaliel]   Avec le temps [pv — Inaliel] EmptyLun 6 Mai 2019 - 9:51


Aurore Opéra ne comprenait pas. Tant de questions s’accumulèrent dans son esprit, se pressèrent les unes contre les autres, se mélangèrent. Il voyait bien que ses mots, qu’il n’avait jamais voulu méchants, ne plaisaient pas à la petite jument. Sous son regard perdu, il vit la jolie fée perdre son sourire, reculer. Elle aussi, le rejetait. Elle ne le connaissait pas, mais déjà, elle ne voulait plus de lui si proche d’elle. Il pouvait comprendre. Lui-même aurait aimé pouvoir s’écarter de sa propre personne. Abandonner son corps dans un coin de l’île, détruire cet esprit coupable qui ne semait que le mal. Il ne pouvait pas. L’étalon roux n’avait pas ce pouvoir. Il était impuissant, totalement impuissant, et, au contraire du reste du monde, lui n’avait pas le choix. Il devait se supporter. Survivre avec lui-même.

Puis vint la colère. Comme un feu, un brasier dévastateur qui s’allumait dans ses prunelles. Aurore déglutit. Il ne détourna pas le regard. Il affronta la fureur de l’inconnue. Il la méritait. Peut-être savait-elle déjà qui il était. Peut-être pensait-elle qu’il était mal placé pour lui donner des conseils, pour lui dire ce qu’elle devait faire. Après tout, qui était-il pour se le permettre ? Un mauvais fils, un mauvais frère, un mauvais père. Un raté du début à la fin.

Les oreilles brunes disparurent dans la crinière rousse. Aurore Opéra se referma sur lui-même, comme un enfant qui attendait qu’on le gronde, qu’on lui reproche ses bêtises. Le rouquin comprenait, peu à peu, que tout chez lui était à refaire. L’essence-même de sa personne mettait les autres mal à l’aise, hors d’eux. Il ne voulait être que lui, inquiet pour les autres avant lui-même, essayer de prévenir le mal plutôt que le guérir. Il ne savait pas guérir. Il ne savait que mettre les deux sabots dans le plat, appuyer là où il ne fallait pas, démontrer une attitude déplacée pour les gens qu’il ne connaissait pas. Il voulait être gentil, mais il ne l’était pas. Qu’était-il, alors ?

La jument rétorqua à la vitesse de la lumière. Ses mots frappèrent l’étalon avec la force de la foudre. Il resserra les épaules, se tassa un peu sur lui-même, retrouva en lui la forme cabossée de son paternel, son attitude de dominé face au dominant. Comme un gamin réprimandé par sa mère pour avoir joué là où il ne fallait pas. Il baissa la tête, honteux, et laissa les reproches fuser contre lui, légitimes. Puis vint la signification des mots, mal secondaire qui enfonça plus profondément le couteau dans la plaie, ramena à son esprit fatigué l’image d’une enfant écrasée par le mal suprême, celui qui ne broie que les innocents.

Aurore Opéra releva des yeux brillants sur la jument brune. Il n’avait vu en elle qu’une jeune jument guillerette qui risquait de tomber, de se briser une jambe, de se blesser. Et lui, juste devant, impuissant, qui contemplerait l’horreur sans savoir quoi faire parce qu’il serait trop tard pour agir. Trop tard. Comme à son habitude, plongé dans l’inutilité, à la poursuite d’un mirage impossible à atteindre, ni même frôler. Il ne pourrait jamais aider personne, jamais sauver ceux qu’il aimait. Jamais.

Vous n’êtes pas une enfant, grinça-t-il, pris à la gorge par la tristesse et le désespoir que ce mot nourrissait. Mais je suis un rabat-joie. Il n’y a, en moi, rien qui se rapproche, de près ou de loin, à la pureté de vos rires joyeux. Vous devriez peut-être fuir avant que mon mal ne vous contamine. C’est mieux, oui. Non. (Il changea d’avis en glissant ses yeux noirs sur la peinture bleue au sol.) C’est moi qui devrais partir, je n’ai rien à faire ici. C’est beaucoup mieux, oui.

Légèrement perdu, plongé dans des souvenirs qui se mêlaient à la réalité de l’instant présent, Aurore Opéra ne fit pourtant pas le moindre pas. Il crut entendre d’autres sabots dans l’usine, puis un petit hennissement de pouliche joyeuse, un hurlement glaçant. Il tressaillit et reposa ses yeux sur l’inconnue. Fuir, oui, c’était la seule chose qu’il savait faire. Contempler le mal qui s’abat sur les autres, puis fuir.
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MessageSujet: Re: Avec le temps [pv — Inaliel]   Avec le temps [pv — Inaliel] EmptySam 11 Mai 2019 - 22:35


Inaliel s'attendait à plein de choses, mais certainement pas à ça. Elle s'attendait à ce qu'il réplique, blessé dans son égo de mâle machiste ou sexiste, trop courtois ou pensant être parfaitement éduqué avec les femelles à en  oublier qu'elles peuvent supporter la douleur d'une mise bas. Elle s'attendait à ce qu'il la rejette, rentrant dans son jeu, piquant frappant blessant. Elle s'attendait à une réaction, une défense, une contre-attaque. Elle s'attendait à quelque chose qui lui aurait éclaté au visage, un brasier de passions soudaines, brûlantes parfois terrifiantes, les passions qui font se sentir vivant. La colère, passagère, mais les sensations de picotements, d'échauffements, les mots qui fusent, les objets qui volent et enfin, le climax où l'on éclate après la colère, on éclate littéralement dans tous les sens du terme, on éclate et ensuite, on s'aime.

Inaliel était passion. Inaliel était pleine, Inaliel était authentique. Si vraie que oui, parfois elle blessait. Franche, brute, encore non polie par la vie, par les mauvaises rencontres ou les bonnes qui finissent par tourner au vinaigre. Intouchée par les expériences qui forment, qui tassent : rentre dans le moule, tu es comme tout le monde. La vie d'adulte, les responsabilités, l'enfance envolée.
Mais Inaliel était passion. Elle était survoltée, à la fois du tout au tout furieuse enragée et amoureuse amourachée.

Il fit voler en éclats ses inexistantes protections, la toucha en plein cœur, touchée coulée, elle coula ou se laissa couler par la main tendue de ce triton au chant pareil à une sirène. Elle plongea corps et âme dans ses yeux brillants d'où luisait un éreintement, un mal-être, une blessure. Elle plongea cœur et âme dans son regard fatigué, perlant de larmes pensait-elle, dont elle n'était pas à l'origine savait-elle, mais dont elle se sentait responsable. Attendrie, prise au piège, parce qu'elle était passion. Parce que son cœur criait "Ne l'abandonne pas", parce que son cœur lui disait qu'il avait mal.

Mais tout cela, ne fit qu'une ou deux secondes. Un impact, l'explosion. Elle le ressentit, ne le comprit pas. Pourtant, fit ce qu'on lui criait. Elle lui tendit la main. Viens.

« Non, reste. »

Quoi dire, quoi faire ? Elle patinait, elle ramait, il était si loin déjà tanguant près du bord de la falaise, il jouait avec la physique, observait son propre reflet ou le vide. Elle courrait vers lui, soudain, l'urgence. Il était en danger, lui était vraiment en danger. Ça n'avait plus rien d'un jeu d'enfant et pourtant, il aurait besoin d'un peu d'enfance.
Mais de tout cela, elle n'en avait pas conscience, c'était subconscient, inconscient. On appelle ça l'empathie.

« C'est juste que... Si je devais arrêter de m'amuser ainsi, à quoi bon vivre ? Je m'ennuierai vite. »

Se justifier peut-être, comprendrait-il ? Elle n'en était pas certaine et pourtant, elle ressentait l'expresse besoin de lui partager son point de vue, son ressenti, le pourquoi du comment. Elle pataugeait encore, le regard cherchant aussi un point de repère. Elle ressentait un mal-être qui n'était pas le sien, ne savait pas exactement si c'était l'ambiance ou si c'était elle ou lui. Elle rectifia le tir, reprenant pied sur quelque chose dont elle était certaine : son identité.

« Je m'appelle Inaliel. Mais tu peux m'appeler Ina. »

Elle lui sourit, simplement avec toute l'authenticité qui la caractérisait si bien.
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MessageSujet: Re: Avec le temps [pv — Inaliel]   Avec le temps [pv — Inaliel] EmptyVen 31 Mai 2019 - 18:15


Fuir. Comme un ordre qui résonnait à l’intérieur de son corps, qui faisait battre son cœur un peu plus fort. Une plainte murmurée à son oreille, un appel à l’aide, un cri de détresse. Non pas fuir pour se sauver lui, mais fuir pour sauver les autres de lui, de son influence néfaste, de ce qu’il traînait derrière lui sans pouvoir s’en dépêtrer. Une longue traîne, un boulet d’homme maudit. Quelque chose de profondément malsain, vilain. Comme une aura qui détruisait tout sur son passage. Une aura, oui, peut-être était-ce cela. L’aura la plus néfaste de l’île, faite de mal pur. Si pestilentielle que la fée avait perdu son rire cristallin et ses paillettes colorées pour une colère noire, puissante devant laquelle il courbait l’échine.

Il voulait partir.

Pourtant, il n’y arrivait pas. Au fond de lui, quelque chose manquait. Un rouage grippé empêchait le mécanisme de se mettre en marche, de tourner les talons, sortir de l’Usine et fuir vers une autre Terre, loin de la compagnie d’un monde qu’il ne supportait plus. Aurore Opéra ne comprenait pas lui-même pourquoi il restait là, face à la belle inconnue, le regard rivé sur des formes qu’il devinait sans les voir vraiment derrière les larmes qui recouvraient ses yeux noirs. Que cherchait-il ? Qu’espérait-il d’une jument qu’il ne connaissait pas ? Peut-être sa colère, les reproches, la culpabilité. Que quelqu’un ose enfin lui dire que tout était de sa faute, qu’il aurait pu tout empêcher, mais qu’il n’avait servi à rien, qu’il ne servait jamais à rien. Peut-être était-ce cela, en effet. Afin de briser le dernier mur qui le retenait encore de sauter dans le vide.

Non.

L’ordre se planta directement dans l’étalon roux qui releva un regard mi-interloqué mi-fautif. Que devait-il faire alors ? Partir ou rester ? La fée colorée lui demandait de rester, de ne pas s’enfuir, de continuer à l’envahir de sa mauvaise humeur. Il voyait tout le mal qu’il lui avait fait en quelques minutes… Sa joie, sa passion pour la vie, cette force qui lui permettait de s’énerver, se mettre en colère contre un traitement injustifié… Il n’y avait plus rien. Plus rien qu’une jument brune, le nez recourbé sur son sang arabe. Une jeune dame qui ne devait pas être plus vieille que lui ne l’était.

Aurore Opéra fit ce qu’on lui demandait. Il faisait toujours ce qu’on lui demandait, marionnette entre les mains de ses dictatrices, petit pantin solidement accroché à ses fils, comme pour contrer le gamin obéissant qu’il n’avait jamais été. Il resta en travers du couloir, le regard fixé sur l’inconnue. Les mots le gênèrent plus qu’ils ne l’auraient dû. Il remua légèrement, changea d’appui pour écarter les mauvaises pensées que la fée lui offrait. Néanmoins, ces interrogations grimpaient les pentes abruptes de son esprit et se trouvaient une place de choix, là où il ne pourrait plus les déloger, pour le torturer. Il ne put donc s’en empêcher et souffla tout bas :

Je ne me suis jamais amusé ainsi… est-ce ce qui a manqué à ma vie ?

Le rouquin avait été un poulain trop mature, inquiet des autres avant lui, de faire plaisir, d’aider son prochain. Il avait pris conscience de la mort avec celle de son arrière-grand-mère. Il était encore jeune et naïf, n’avait pas tout compris à cette information qui, pourtant, s’était fichée en plein dans son cœur et l’avait torturé à son insu. Aujourd’hui, il savait qu’il s’était forgé autour de cela et c’était peut-être ainsi qu’il avait tout perdu.

Ne s’était-il jamais amusé dans sa vie ?

Aurore connaissait la réponse à cette question, mais le souvenir d’une sirène à la peau noire le contraint à ne pas y répondre, à garder ces pensées dans un coin dans son esprit. Il n’était pas encore temps pour lui de revenir sur ces choses-là.

Inaliel… songea-t-il tout haut. C’est un très joli nom, doux et chantant, comme…

Le rire d’une enfant. La fée portait un nom qui lui allait à merveille, mais qui traînait derrière lui l’ombre d’une pouliche qui n’aurait jamais le droit de s’amuser comme Inaliel le faisait. Opéra détourna le regard pour essayer de penser à autre chose. Ina lui rappelait le surnom qu’il donnait à sa sœur. Inanna, déesse de tant de choses qu’il ne savait plus les nommer. Rose Madder… depuis combien de temps ne l’avait-il pas vue ? Aurore sentit le besoin de la trouver. Comme une nécessité vitale qui l’empêchait de respirer. Il se reprit néanmoins pour ne pas offrir à Inaliel l’affreuse vision d’un dépressif au bord du gouffre trop lâche pour sauter de lui-même.

Vous… venez d’arriver ? demanda-t-il, laissant volontairement sa question ambiguë.
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MessageSujet: Re: Avec le temps [pv — Inaliel]   Avec le temps [pv — Inaliel] EmptySam 22 Juin 2019 - 14:54


Quel personnage étrange et profondément triste, pensa t-elle. Mais ne lui apparaissait-il pas étrange, parce qu'il était différent ? Assurément. Sa remarque la fit réfléchir, même si elle s'adressait plutôt à lui-même qu'à elle, lancée dans un murmure qui disparut aussi rapidement qu'il avait été soufflé. Elle était pourtant assez proche pour l'attraper, de ses petites oreilles brunes. Il fit son chemin dans son esprit, et Inaliel se rendit compte qu'elle avait un milliard de questions à poser à cet étalon. Elle voulait le connaître, savoir pourquoi il pensait ainsi, et peut-être l'aider.
C'était une de ses qualités, mais aussi un des ses plus grands défauts. Ina voulait aider les autres, coûte que coûte. Qu'ils en aient besoin ou non, au final.

Pas très observatrice des petits détails, l'alezane ne remarqua pas son malaise face à sa propre personnalité. Elle ne se doutait absolument pas qu'elle lui rappelait des mauvais souvenirs. Souvenirs qui n'existeraient jamais.
Elle remarqua cependant qu'il ne termina pas son compliment au sujet de son nom. Comme ? Doux et chantant comme quoi ? Il détourna le regard, et elle lut enfin son malaise, fit pivoter ses oreilles d'arrière en avant, cherchant à comprendre quelque chose qui lui échappait totalement.
Quelque chose qu'il enfermait en lui, qu'il ne laissait qu'entrevoir, sans le laisser s'échapper. Elle lut dans son regard l'ombre d'une détresse soudaine, et se demanda à quoi ou qui il pensait.

Inaliel se sentit brutalement inutile voire... Inexistante. Elle était là, sans l'être. A ses yeux, elle était là sans qu'il ne la voit vraiment. Sa question lui donna l'effet d'une de celles que l'on lâche comme une obligation à continuer la conversation. Parce que trop poli, parce que trop gentil. Sans pour autant être intéressé. A vrai dire, plutôt ennuyé, avec l'envie irrépressible de partir.
Ina eut une inspiration plus grande que les autres et l'espace d'une seconde, elle laissa son regard glisser sur les murs de l'usine, avant de les fixer de nouveau sur Aurore Opéra, chassant ces mauvaises ondes. Elle répondit à sa question sur le même ton, ennuyé et frôlant la froideur.

« Il y a peu oui. Je cherche à intégrer le troupeau de Naëlle. » Elle n'avait rien à cacher de ce côté-là, était même plutôt fière de l'annoncer.

L'alezane sentait le malaise s'installer confortablement dans ce petit couloir. Il la fit piétiner un peu, tanguer de gauche à droite sur ses membres et respirer profondément. Elle décida qu'il était grand temps de briser la glace.
Ina toucha la pointe de l'épaule rouge de peinture d'Aurore, puis fit volte-face agilement sur ses sabots postérieurs qui glissèrent dans un feulement sur le sol froid de l'usine. Elle disparut dans l'embrasure de la porte dans un trot aérien.

« C'est toi le loup ! »
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MessageSujet: Re: Avec le temps [pv — Inaliel]   Avec le temps [pv — Inaliel] EmptyMer 3 Juil 2019 - 11:09


Il devait retrouver sa sœur. Cette certitude s’était plantée en lui, devenue besoin vital. Il devait quitter les terres de la belle Naëlle, fuir la présence de la jolie pie et retrouver sa sœur pour lui confier ses malheurs, sa culpabilité, ce mal qui le bouffait. Il savait qu’avouer ses crimes ne les pardonneraient pas, qu’il ne se sentirait pas mieux après, mais il avait besoin de la tenir au courant, de lui confier quel idiot il avait toujours été. Au fond, Rose devait s’en douter. Elle voyait ce qu’il était mieux que lui ne se voyait. Elle devait avoir compris, depuis longtemps déjà, qu’il se laisserait piétiner par le monde entier. Il ne doutait pas qu’elle en profitait, ou en profiterait elle aussi. Il ne lui en voulait pas. Au contraire, il était presque heureux de savoir que sa sœur pouvait, d’une manière ou d’une autre, rester près de lui, même si, pour ce faire, il devait être manipulé. Cela ne le dérangeait pas.

Ce qui l’effrayait, en revanche, c’était que ses aveux ne décident sa sœur à le quitter pour toujours. Ils ne se parlaient plus depuis longtemps, coincés dans une incompréhension étrange, comme s’ils n’avaient jamais partagé le même sang, les mêmes parents. Leurs logiques étaient différentes, leurs caractères, leurs ambitions. Aurore n’avait pas d’ambition. Rose en avait eu trop pour elle seule. Des ambitions qu’elle avait partagées avec son amie, au final. Et il n’y avait eu que lui, idiot depuis la naissance, pour ne pas le comprendre. Pour ne le voir que trop tard.

Les mots de la jument brune le ramenèrent sur terre. Aurore vrilla sur elle ses yeux noirs et se recroquevilla un peu plus sur lui-même. À nouveau, il faisait une erreur. Sa question n’avait rien eu d’innocente. Elle s’était plantée dans le cœur de la jument comme une insulte. Le rouquin ne comprenait pas. Il n’avait pourtant rien dit de mal. Il pensait ses mots, se demandait vraiment si la fée était nouvelle sur les Terres de la Déesse des Secrets des fonds marins ou s’il avait été trop bête, occupé là où il n’aurait pas dû l’être, pour connaître le troupeau qu’il avait pourtant rejoint depuis longtemps. Mais la jeune Inaliel l’avait mal pris et il s’inclinait devant le résultat, coupable.

Naëlle… souffla-t-il du bout des lèvres, tandis que son nom ramenait à lui les souvenirs de leur dernière rencontre. Elle sera une très bonne dominante.

L’étalon roux se surprit lui-même, mais au fond de lui, cette certitude vibrait depuis longtemps. Il l’avait ignorée, lâche devant la vérité, les révélations qui avaient réduit à néant l’innocence de la pouliche qu’il s’était surpris à aimer. Coincé dans sa stupidité, Aurore n’avait jamais réussi à avouer à Naëlle ce qu’il pensait vraiment. Aujourd’hui, les mots lui venaient si facilement devant Inaliel qu’il n’eut pas le temps de les retenir. À quoi bon les retenir ? Une autre envie, plus étrange encore que toutes les précédentes, se formait en lui, réchauffait son cœur éploré et faisait naître un nouvel espoir dans sa gorge. Lui, il était trop bête pour se faire comprendre, mais peut-être Inaliel pourrait-elle transmettre à Naëlle tout le bien qu’il pensait d’elle et ce, peu importait le rôle qu’elle jouerait pour le troupeau à l’avenir. Non, justement. Ce rôle importait. Il comprenait maintenant. Personne ne méritait mieux ce rôle qu’elle.

Le contact d’Inaliel sur son épaule le fit sursauter. Tiré de ses pensées, Aurore eut tout juste le temps d’accrocher le regard de la jeune jument qu’elle criait au loup et s’enfuyait en courant. Impuissant, le rouquin regarda la fée disparaître dans la prochaine pièce, emportant avec elle ses couleurs chatoyantes et sa bonne humeur. Lui resta bloqué dans le couloir sombre, tâché de rouge. Ce rouge qui lui allait bien, alors que le bleu allait mieux à la dominante des Secrets. Même ces détails les séparaient. Était-il temps pour lui de renoncer aux Secrètes ?

Ne c-…

Aurore Opéra s’interrompit lui-même dans ses conseils. Il revoyait le début catastrophique de cette rencontre, le mal que ses mots avaient fait à la petite jument. Il ne pouvait pas recommencer sous prétexte qu’il s’inquiétait pour elle. Que faire alors ? Devait-il l’arrêter à nouveau ? Lui ne voulait pas jouer. Ni à chat, ni à loup, ni à rien. Il se complaisait dans ses soupirs, dans sa déprime. Mais elle… peut-être avait-elle besoin de lui pour s’amuser ? Il eut soudain besoin de se sentir utile, utile pour quelqu’un qui n’avait pas d’arrières-pensées, de motivations plus obscures qu’un besoin premier, innocent, celui de jouer.

L’étalon se lança à la poursuite de la fée colorée. Il essaya de concentrer son attention sur les lieux, ce qu’il en connaissait et la possibilité de couper la route à Inaliel. Ses muscles le chauffèrent atrocement, peu habitués à l’effort qu’il leur demandait maintenant. Ils s’étaient habitués à sa léthargie, à rester spectateur du monde. La course les mettait à l’épreuve, leur demandait de prouver au monde qu’ils existaient, que le rouquin n’avait pas perdu sa force, qu’il lui suffisait juste d’apprendre à l’utiliser pour protéger ceux qui restaient. Le rire d’une sirène aux yeux noirs le fit bondir en avant. Aurore traversa une salle, dérapa dans un couloir et se planta devant une porte, bien décidé à barrer la route de la fée joyeuse. Sauf que cette fois-ci, Aurore Opéra était redevenu lui et si la belle dame lui fonçait dedans… Il s’écarterait quoi qu’il lui en coûte ! Il était hors de question de blesser Inaliel intentionnellement ou non.
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MessageSujet: Re: Avec le temps [pv — Inaliel]   Avec le temps [pv — Inaliel] EmptyMar 9 Juil 2019 - 15:20

Inaliel ne s'attarda pas vraiment sur les mots de l'étalon concernant Naëlle. Elle ne comprit pas vraiment pourquoi il lui indiqua qu'elle serait une bonne dominante alors que elle était déjà une bonne dominante. Ina le savait, elle était certaine parce que, sans prétention, elle n'abandonnerait pas sa vie de nomade pour quelqu'un de banal et pour un chef incapable. C'était trop précieux à ses yeux pour être gâché de cette façon. Naëlle était une bonne dominante et elle rejoindrait son troupeau, celui d'Aurore, portant fièrement l'étendard des Secrets.

Clac clac clac, clac clac clac. Fshuuuu.
Inaliel stoppa son trot dans une salle remplie de machines étranges, glissant quelque peu sur le sol lisse de l'usine. Ici, ils se trouvaient dans un endroit construit par des humains. Elle en avait aperçu, une fois une seule, avec sa mère. Les humains étaient des animaux très étranges. Ils n'avaient pas de poils, se comportaient de façon incompréhensible et faisaient beaucoup de bruit pour rien. Mais ils avaient quelque chose qui leur permettait de construire, de bâtir. Comme des petits dieux.

Ina renifla quelques clous laissés sur une table, puis se rappela un autre conseil de sa mère : ne pas toucher la rouille. Elle s'écarta doucement, puis fit pivoter ses oreilles en quête d'un son produit par l'étalon rouan : elle n'avait pas oublié la partie de jeu qui faisait à peine de commencer. Aurore Opéra ne l'avait pas suivie longtemps, il avait bifurqué quelque part et elle se doutait qu'il connaissait bien mieux les lieux qu'elle. Petit tricheur.
Un fin sourire étira ses lèvres quand elle entendit un bruissement non loin. Elle s'approcha et une souris détala en vitesse, la faisant sursauter et reculer contre une table. Table sur laquelle se trouvaient des morceaux de tubes d'acier qui tombèrent sur le sol et roulèrent dans un fracas mémorable. Ina fit la grimace.

« Oups... »

Elle décida de ne pas trop rester dans les parages et s'approcha d'une porte close à l'autre bout de la salle. La vitre était semi-opaque et de l'autre côté, elle pouvait entrevoir l'ombre de la silhouette d'un cheval. Elle sourit alors, puis se mit à observer les gonds de la porte. La poignet était ronde, impossible donc de frapper dessus pour ouvrir. Il fallait tourner, mais la dernière fois qu'elle avait tenté l'expérience, quelque part ailleurs que sur Horse Wild, elle avait failli se déchausser une dent. Ina toqua. Il ne lui restait pas grande possibilité.

« Toc, toc, toc ! Recule un peu Aurore ! » le prévint-elle.

Inaliel fit un pas en arrière, leva un antérieur, puis donna un coup dans la fenêtre de la porte, visant un coin. Elle se fissura mais tint bon. Le verre, bien que vieillit, était plutôt solide. L'alezane piétina sur place, à la vue du résultat. Il lui fallait trouver un autre chemin pour rejoindre l'étalon. A moins qu'elle défonce la porte ?

La jument recula.
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MessageSujet: Re: Avec le temps [pv — Inaliel]   Avec le temps [pv — Inaliel] EmptyMer 10 Juil 2019 - 12:33


Aurore Opéra ne pensait pas tricher. Il aurait horreur d’avoir une telle pensée. De toute façon, il ne pensait pas non plus jouer. Ses jeux s’étaient arrêtés sur une plage abandonnée, comme une décharge publique sur laquelle tout était jeté. Il avait fait partie des déchets laissés sur le côté. La chaleur de Naëlle contre lui ne calmait pas la tristesse de la séparation. Elle ne voulait plus de lui à ses côtés. Lui ne savait plus ce qu’il voulait. Son cœur lui criait tout à la fois de graviter autour d’elle comme un électron autour de son atome et de la fuir pour ne pas la blesser de sa seule présence. Un dilemme qui le laissait amorphe, incapable de décider s’il devait faire un pas en avant ou en arrière.

Puis venait l’autre question. Celle à trois millions. Celle qu’il n’osait plus poser de peur d’en connaître la réponse. Aurore voulait rester égoïste, faire comme s’il ne se rendait compte de rien, comme s’il était incapable de comprendre ce que l’on attendait de lui. Il ne comprenait pas vraiment, mais il devinait. Ou croyait deviner. Il n’était pas intelligent, sa vie entière reposait sur une bêtise si profonde que les dieux eux-mêmes devaient regretter de l’avoir laissé vivre et intégrer un troupeau. Mais il n’était pas assez bête pour ne pas entendre, dans les mots de la sirène, l’adieu dissimulé derrière un au revoir. Elle ne voulait plus le voir. Alors revenait la fameuse question à trois millions.

Était-il banni des Terres Secrètes ?

Un grand bruit le tira de ses songes. Le rouquin vrilla son regard sur la porte close devant lui. Derrière elle, il devina la silhouette d’Inaliel qui venait de frapper le verre, sûrement dans l’intention de le briser. Néanmoins, la bâtisse n’avait pas honte de ses vestiges et résista à l’assaut de la jument. Opéra, lui, resta bouche bée devant le spectacle, incapable de choisir entre l’indignation de voir la fée faire tout l’inverse de ses avertissements, la peur de la voir se blesser ou cette envie, toujours présente, de fouiller l’île pour trouver sa sœur. Ce qui, il fallait l’avouer, n’avait aucun rapport avec la situation.

Mais arrêtez ! souffla-t-il. Vous allez vous faire plus de mal qu’à la porte qui n’a, d’ailleurs, rien demandé.

Aurore Opéra gardait au fond de lui, bien caché sous la dépression et le deuil, ce caractère bien à lui qui lui ordonnait de ne rien déranger, de toujours laisser les choses comme il les trouvait. Cela lui jouait bien souvent des tours, mais il s’en fichait. Il n’aimait pas cela, un point c’est tout.

Si vous recommencez, je m’en vais.

L’étalon roux ne savait pas s’il s’agissait de la meilleure « menace » qui soit. Après tout, Inaliel ne le connaissait absolument pas et pouvait tout aussi bien penser qu’elle serait mieux sans lui. Ce n’était pas faute de l’avoir prévenue. Il n’était même pas certain de pouvoir mettre à exécution ses propres menaces…

Je vais trouver un autre chemin.

N’étaient-ils pas censés « jouer » au chat ? Même lui ne savait plus quel était ce jeu dans lequel elle les avait poussés.
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MessageSujet: Re: Avec le temps [pv — Inaliel]   Avec le temps [pv — Inaliel] EmptyDim 28 Juil 2019 - 10:24


Décidément, Aurore Opéra n'était pas drôle.

Il n'avait, pour ainsi dire, aucun humour, ni aucune envie de passer un moment agréable avec elle. Il était trop sérieux, trop... Enfin, quoi ?! Elle voulait simplement jouer, s'amuser. Rire avec lui.
Cet étalon lui bouffait toute sa joie de vivre, à chaque instant. Ne fais pas ça, ne fais pas ci. Savait-il dire autre chose ?

Oui ok, la porte n'avait rien demandé, aussi Inaliel s'arrêta dans son geste de lui foncer dedans pour l'ouvrir. Mais ensuite, cette menace ? Ce chantage digne d'un poulain de six mois ? Et quoi d'autre ? Il la prenait vraiment pour une pouliche en fait. L'alezane releva l'encolure, et recula de quelques pas, alors qu'Aurore lui disait partir à la recherche d'un autre chemin pour la rejoindre.
Merci mais non merci en fait.

Elle ne désirait pas passer plus de temps avec lui, s'il continuait à se comporter de cette façon. Elle était toute joie, toute sourire et lui la réprimandait à chaque fois qu'il ouvrait la bouche ou qu'elle faisait quelque chose. Inaliel avait horreur de faire du mal aux autres, mais elle était franche, et elle ne supportait pas l'attitude qu'il avait avec elle. Et pourquoi il restait là alors, si tout ce qu'elle faisait n'était pas bien à ses yeux ? Et pourquoi elle restait là, elle, puisqu'il commençait à l'insupporter ?

Parce qu'elle devait lui dire. Parce que partir sans prévenir, ce n'était pas son genre. Partir comme une voleuse, en le laissant comme un gland au milieu de l'usine, sans qu'il sache que c'était à cause de son comportement ? Non, elle devait lui dire, lui donner une explication. Même si cela devait signer la fin du début de leur relation inexistante. Ils n'étaient peut-être pas fait pour s'entendre. S'il restait de marbre comme ça, déprimant et déprimé, c'était même certain.

Inaliel ne bougea donc pas, attendant la venue du mâle, sa queue fouaillant l'air, agacée et cherchant les mots qu'elle allait lui dire. Elle le blesserait c'était certain. Mais elle le blesserait moins que de le laisser planter comme un idiot dans l'usine et l'abandonner en le fuyant sans lui en donner la raison.
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MessageSujet: Re: Avec le temps [pv — Inaliel]   Avec le temps [pv — Inaliel] EmptyDim 28 Juil 2019 - 11:30


Aurore Opéra était tout à la fois ici et ailleurs, plongé dans le présent et le passé, perdu quelque part entre deux mondes qui se mêlaient l'un à l'autre et faisaient miroiter, au coin de ses yeux sombres, une idée vague de ce que serait son avenir. Il ne s'y voyait jamais sur les Secrètes, paria mis à la porte par la belle sirène qui en gardait l'entrée. Il ne se voyait pas non plus sur les autres Terres. Il ne voulait pas fouler des territoires qui n'étaient pas le sien. Alors, s'il était banni, où finirait-il ? L'image de ses parents s'imposa d'elle-même à son esprit. Il pourrait faire comme eux. S'exiler, se plonger dans une solitude qu'il ne supporterait jamais. Il mourrait seul, mais au moins, il ne ferait plus de mal à personne.

Le silence de la jeune Inaliel ramena Aurore au présent. Ses yeux noirs glissèrent sur la porte qu'elle avait agressée. Il effleura la silhouette floue de l'autre côté et se demanda ce qu'elle pouvait bien penser. La réponse le frappa en plein cœur alors qu'il prenait soudain conscience de ses erreurs. Il n'avait pas choisi les bons mots, les bonnes intonations, les bons gestes non plus, d'ailleurs. Tout, soudain, semblait lui crier qu'il s'était trompé et qu'il ne pouvait plus revenir en arrière. La belle arabe devait lui en vouloir, penser de lui qu'il n'était qu'un gros idiot, un mâle macho peut-être, qui croyait pouvoir la commander parce qu'il était plus vieux qu'elle. L'était-il vraiment ?

Opéra se demanda soudain ce qu'il devait faire. Le mal couvait en lui, prenait racine si profondément qu'il n'arrivait plus à réfléchir. Il lui semblait que tout serait mauvais, une erreur irréversible qui monterait la jument contre lui. Elle n'avait, après tout, rien demandé et lui se dressait sur son chemin, tache de néant, trou béant qui ne demandait qu'à aspirer sa joie, ses jeux, pour ne jamais les recracher. Il ne s'en nourrissait même pas. Il prenait seulement tout ce qui passait devant lui et corrompait le monde de son mal-être. Devait-il vraiment chercher un autre chemin pour rejoindre la petite fée ? La réponse, soudain, lui parut évidente.

Je suis désolé, souffla-t-il à travers la porte. Je ne voulais pas vous faire de mal.

De nouveau, la question à trois millions lui sauta au visage, le nargua en riant. Devait-il partir ? Il lui semblait que cela était la seule solution à cette étrange rencontre. La fée pouvait encore retrouver ses couleurs, ses rires joyeux. Elle pouvait continuer de colorer le monde pendant que lui l'assombrissait. Il devait juste s'écarter de son chemin.

L'étalon recula.

Prenez soin de vous, Inaliel, dit-il à la silhouette derrière la porte. Et prenez soin d'elle, aussi, s'il vous plait.

Il implorait presque l'étrange inconnue de veiller sur Naëlle pour lui, car il ne savait toujours pas s'il avait sa place ici. Le rouquin ne préféra rien ajouter de plus, il en avait déjà trop fait. Il était temps de retrouver sa sœur et de lui demander de l'aide.
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MessageSujet: Re: Avec le temps [pv — Inaliel]   Avec le temps [pv — Inaliel] EmptyMar 13 Aoû 2019 - 16:25

Elle comptait l'attendre, pour qu'il la rejoigne et enfin s'expliquer avec lui. Elle comptait l'attendre et lui dire ses vérités, pour encaisser les siennes et peut-être repartir sur des bases plus saines. Mais la silhouette d'Aurore Opéra ne bougea pas, derrière la fenêtre craquelée par son coup de sabot. Interloquée, elle se demanda ce qu'il pouvait espérer en restant planté derrière cette porte. Il lui avait pourtant demandé de ne plus bouger, sous-entendant qu'il allait venir lui-même dans la même pièce qu'elle.

Pourtant, il souffla des excuses, qu'elle ne comprit qu'à moitié. Il souffla des excuses qui lui servaient aussi d’échappatoire. Ça, elle le comprenait. Elle vit la silhouette disparaître, parce qu'il recula, hors de la portée de son regard à présent.
Il venait de lui intimer, subtilement, de dégager.

Inaliel émit un ronflement grave, bruyant, qui résonna dans la pièce vie où elle se trouvait. L'alezane fit ensuite volte-face, pivotant souplement sur son arrière-main et prit le trot, partant sous la demande silencieuse, non-dite, de l'étalon rouan.

[OUT]
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