M'accompagneras-tu dans ma quête ? | REKKLES [OUT. A FERMER. ]

Du sable d'ocre s'envolait dans le ciel tandis que mon sabot grattait petit à petit la terre des rocheuses. Cela faisait un bon moment que je n'étais plus venue sur ces falaises oranges. En réalité, il me semble que j'ai plus visiter les territoires adjacents que mon propre, futur, territoire. Je le connaissais tellement par coeur ... Il n'y avait que le Désert de l'Oubli que je ne connaissais pas. Je l'ai visité récemment, y rencontrant Blake, mais pas plus. Il était intéressant, mais surtout inquiétant. Bien sûr, j'aimais la chaleur, mais cette dernière m'avait tellement atteinte dans cet endroit, que j'avais eu l'impression de mourir à certains moments. Heureusement pour moi, la soif s'était fait sentir à un tel point que l'Oasis était apparue, comme un miracle. Peut-être que mon nom avait eu une certaine connotation à cet instant précis, je ne saurais le dire. Cependant, je remercie le ciel de m'avoir offert cette vue. Cependant, grâce à ce désert, j'avais pu voir à quoi ressemblait Aléas. Il n'était pas si beau que je me l'étais imaginé ... Je le voyais plus simple, plus cheval ... Là, on aurait dit un poulet dans le corps d'un cheval. Il était plus ridicule qu'autre chose, en fait. Et puis ses questions étaient connes en fait. Sérieux, même un poulain aurait pu répondre à l'énigme qu'il avait énoncé à Blake. Les dunes, quoi.

Soudain, une odeur de solitaire se fit ressentir dans l'air. Mes oreilles se plaquèrent immédiatement dans ma crinière tandis que je cessais mon manège. J'espère sincèrement que ce n'est pas cette blonde que j'ai pu croisé dans le Golfe, sinon je la tue immédiatement. Elle m'a cherché, elle m'a trouvé. On ne s'impose pas sur mes futures terres impunément. Surtout sur le Golfe ... Bien sûr, les corps d'humains en avaient souillé les plages, mais il était hors de question que la puanteur d'une solitaire l'empiète. Finalement, je marche tranquillement, presque furtivement, jusque la fin de mon promontoire et pose mon regard sur une silhouette qui se déplaçait. Assez facilement, je dirais, comme si elle connaissait ce territoire. Je me cabre brutalement et pousse un profond hennissement, beaucoup plus grave que celui d'une jument. Mon côté garçon manqué, sans doute. Puis me repose sur mes quatre membres et ouvre la bouche.

" Qui va là ? " hurlai-je du haut de ma falaise.

Un petit espoir naissait dans mon esprit. Rekkles. Oui j'espérais que ce soit lui. Mon plan se mettrait alors en route.

Rekkles avait pris l'habitude d'éviter les Terres Trompeuses. Après sa rencontre avec Cyrius, le dominant, il pressentait fortement qu'il n'était pas le bienvenu dans ce royaume. Aussi n'y avait-il encore jamais posé les pieds. Mais les mois s'écoulaient, et il se prit au piège lui-même. Perdu dans ses réflexions et ses pensées, il avait longtemps marché et avait pénétré dans le territoire de l'alezan. Les Rocheuses bordaient les Trompeuses et les Secrètes, là où il avait voulu bifurquer et rater le coche. La curiosité le poussant à continuer un moment en territoire ennemi, malgré le danger de rencontrer un allié du roi de ces lieux, Rekkles marchait d'un bon pas sur les roches dures.

Il s'était arrêté sur une falaise surplombant le territoire, il laissait son regard glisser sur l'île d'Horse Wild. Quant lui vint l'envie de faire demi-tour, sa raison reprenant le dessus sur son cœur, car il fallait bien se l'avouer c'était beaucoup trop dangereux pour lui de rester ici, il fit volte-face et reprit sa marche. Trop tard, à l'entente d'un hennissement rauque, agressif, sonore. L'appel fut suivi de près par une apostrophe peu agréable, qui ne signifiait rien de bon pour lui.
L'étalon s'immobilisa, stoppant son pas, et poussa un profond soupire, se maudissant intérieurement d'avoir fait l'erreur d'entrer sur les Terres Trompeuses.

Rekkles glissa ses prunelles sur les environs à la recherche de l'individu l'ayant remarqué. Sur une autre falaise, à une distant relative, se tenait un équidé à la robe dorée. La brise lui apporta l'odeur mielleuse d'une jument, puisqu'en cette saison ces dames étaient en chaleur. Peu importait, ça ne l'intéressait guère de s'accoupler à une trompeuse. Le bai resta droit, immobile, à la fixer. Il n'avait aucune crainte. De toute manière, fuir ne servait à rien, et le desservirait plus qu'autre chose.

Qu'elle vienne, au lieu de le héler comme un chien.

Mon regard se porte sur la silhouette en contre bas et mes oreilles demeurent dans ma crinière. Je ne suis pas comme mon père : je ne supporte en aucun cas que des inconnus foulent des terres qui ne leur appartiennent pas. Pour qui se prenaient-ils ? Comment osaient-ils ? Savaient-ils réellement où ils étaient et qui les dirigeaient ? Ils pensent réellement que mon père en est le souverain : où est-il lorsque les choses dérapent ? Il n'est pas là tout simplement. A une époque, je ne cessais de répéter qu'il ne méritait pas ce rôle, qu'il ne méritait cette couronne, mais avec le temps je me suis rendue compte que je n'avais pas à en juger. Les Dieux l'ont choisi et personne ne peut dire le contraire. Mais mérite-t-il vraiment ce rôle ? Pourquoi l'ont-ils choisi ? Un tel rôle ne se prend pas avec le mérite ? Avec les batailles que l'on livre ? Je ne saurai le dire. Mais une chose est sûre, c'est que je prouverai à ces dieux que j'ai tout autant de mérite que mon père. Bien sûr, ils ne me choisiront sans doute jamais avec le comportement que j'ai pu avoir auparavant, mais je prendrai ce rôle par la force s'il y a utilité. Je me prendrai les foudres des divinités, mais je m'en moque complètement.

Remarquant que la silhouette ne bougeait plus, un léger sourire naquit sur mes lèvres. Au moins qui qu'il soit, il acceptait son sort et respectait sans doute la rôle que j'avais aujourd'hui. Une petite pensée vers mon père et mon sourire s'agrandit alors : j'espère sincèrement que cette silhouette est celle de Rekkles. J'ai tant de projets pour lui, sans même le connaître, il en serait sans doute surprit. Bien sûr, je ne savais absolument rien de lui, mise à part qu'il était solitaire et bai. Mais tellement de chevaux solitaires étaient bais de nos jours, donc je pourrais facilement me tromper de destinataire. Alors finalement, sans hésiter une seconde de plus, je commence à amorcer la descente des rocheuses petit à petit. J'espère réellement que Papa ne viendra pas durant cette entrevue, car s'il s'avérait qu'effectivement ce soit Rekkles, il anéantirait tous mes plans et surtout les connaîtrait. Plus la descente se faisait, plus les courbes de l'étalon et sa robe se faisaient visibles. Il était bai. C'était déjà une bonne chose pour lui, peut-être était-il réellement l'étalon que j'attendais. Alors je m'approche rapidement de lui et fais un cercle autour de lui, pour finalement m'arrêter face au bai.

" Qui es-tu ? Que fais-tu sur les Trompeuses, Solitaire ? " dis-je, légèrement sur mes gardes.

Si il me répondait la bonne réponse, alors son sort serait scellé et mes armes seront au sol. Un sourire ne cessait d'être sur mes lèvres, un sourire mystérieux dont même lui ne comprendrait rien. Finalement, je pose un regard sur l'horizon et distingue le soleil se couchant. Parfait, il ferait bientôt nuit.

Cette jument isabelle était la troisième membre du troupeau des terres trompeuses qu'il rencontrait et déjà il pressentait, de par son attitude, que ça n'allait pas lui plaire. Elle dévalait la pente et avalait la distance qui les séparait. Il restait immobile, la queue battant parfois légèrement derrière sa croupe, un postérieur au repos, posé négligemment sur le sol presque comme une provocation.
Physiquement, il n'avait rien à craindre d'elle : elle était fine, typée oriental, petite par rapport à sa grande taille. Elle n'était pas faite pour du combat rapprochée. Ses atouts devaient se trouver dans la vitesse et l'endurance, et l'agilité de ses membres ne faisait aucun doute.
A coté, Rekkles avait l'air plus brutal, plus animal. Ce serait de la folie pour elle de l'attaquer de front, aussi ne s'en faisait-il pas de ce côté-là. Mais il darda ses prunelles derrière les Rocheuses, à la recherche d'une autre silhouette : s'ils l'attaquaient à plusieurs, ses chances diminuaient grandement.

La jument amorça un cercle autour de lui, comme un fauve autour de sa proie. Mais elle n'était pas un puma, et il n'était pas une biche sans défense. Rekkles, déjà lassé par son attitude et quelque peu agacé, ne la suivit même pas du regard. Il ne bougea pas d'un poil, son air désinvolte toujours d'aplomb. Enfin elle s'arrêta face à lui, à une distance raisonnable et il planta son regard dans le sien, sans aucune crainte.
Elle lui demanda de décliner son identité, méfiante, presque agressive pour le coup. Du moins le ressentit-il ainsi.

« Vous êtes toujours aussi agréables, vous les Trompeurs. » répondit-il en relevant la tête quelque peu, revêche. Elle souriait pourtant, mais son attitude n'avait rien de bon. « A moins d'un manque d'éducation, on décline d'abord son identité avant de la demander à autrui. » ajouta t-il, ses oreilles filant vers sa croupe, et son regard brillant d'une lueur frôlant l'énervement.

Rekkles jouait avec le feu, sur ce territoire. Mais d'un autre côté, il n'avait rien à craindre, physiquement, de cette petite jument. Même s'il savait cette rencontre sur un fil, il ne pouvait imaginer se faire manquer de respect de la sorte. Il était un solitaire certes, mais il n'en restait pas moins un cheval comme un autre. Et puis, appartenir à un troupeau, actuellement, ne voulait plus rien dire. Gom Jabbar pouvait en témoigner.

Cet étalon était posé, nonchalamment, comme si de rien était. On aurait presque cru qu'il était sur ces terres depuis sa naissance ... Mais, sincèrement, ça aurait été le cas, je m'en serais rendue compte depuis bien longtemps. Si je connaissais tous les membres du troupeau, mon futur troupeau ? Bien sûr que non. Je sais que N° 13 avait intégré le troupeau ... D'ailleurs, je ne comprends pas pourquoi Papa l'a accepté, mais maintenant qu'il est là peut-être faudrait-il que je le mette de mon côté. Mais bon, vu la sympathie qu'il avait pour moi, cela m'étonnerait que ça arrive. Ou il faudrait que je manie réellement bien les mots. Ensuite, il y avait Sinistros. Mais ce bai était avec Papa ... Ca se voyait comme les naseaux au milieu du chanfrein. Ou alors peut-être qu'en parlant de potager, on s'entendrait bien. Puis, finalement, il y avait Superbia ... La future reine de ces lieux. Ou pas. J'arriverai à prendre sa place, c'était sûr et certain. Mais ça n'arrivera que si j'arrive réellement à mettre en place mon plan. Mon regard se porta sur l'étalon et mes oreilles restèrent dans ma crinière. Il était provocateur vis-à-vis de moi, mais il était hors de question que je craque.

N'avais-je pas promis à Papa de ne plus craquer ? De ne plus m'énerver ? Je tiendrais cette promesse, ou pas. Enfin, il fallait réellement que je manipule Papa, que je lui prouve que je peux être sincère parfois. Bon d'accord, j'ai mal utiliser mes mots, je me suis mal exprimée, mais il était temps que les gens soient surpris de mon comportement. Qu'ils voient réellement mon changement. Non pas que je veuille changer pour eux, mais surtout grâce à eux. Mon changement me permettra de me faire de vraies relations amicales/amoureuses, de pouvoir avoir de bons alliés et surtout d'avoir des chevaux de mon côté. Si c'était utile pour moi ? Bien évidemment, surtout maintenant. Si je voulais réellement gouverner un jour, il faut que j'ai un peuple qui m'aime comme Papa. La fête d'intronisation de Superbia m'a remit les choses au clair dans ma tête, elle m'a permit de voir que la haine ne fera que m'exclure. Et l'exclusion ne fait, en aucun cas, partie de mon plan actuelle. Après un profond soupir, je pose mes quatre sabots au sol et plonge mon regard dans le sien, gardant tout de même mes oreilles plaquées.

" Vous ? Qui avez-vous rencontré mise à part moi ? " demandai-je réellement curieuse. " Hallelujah fille de Cyrius, et vous ? "

Il est clair qu'à une époque, je me serai vantée davantage de mes origines. Mais la vantardise ne fera que nuire mon plan, alors je ne serai que honnête et calme. Gentille ? La gentillesse n'existe pas chez moi, ou tout du moins pas dés le premier abord. Un bruit se fit entendre, je redresse une oreille. Ce n'était ni un cri d'oiseau, ni un hennissement et encore moins un éboulement. J'essaie de chercher d'où il venait mais je ne comprenais pas. Alors, je repose mon regard sur l'étalon bai en attendant qu'il me décline son identité.

Il la sentait tendue, stressée. Nerveuse. Cette jument dégageait une forte personnalité, cela se voyait comme le nez au milieu de la figure. Il pouvait carrément le sentir, elle était un volcan. Quelque part, derrière ses poils dorés, et son regard noir, se cachait une éruption terrible qui ne saurait tarder. Elle demandait à sortir, à cracher son courroux dans le ciel et sur la terre. Elle faisait bouillir ses prunelles profondes, et allumait un feu particulier dans ses yeux.
Il sut, alors. Celle-ci était comme lui. Elle ne vivait que pour sa propre ambition, peu importe ce qu'il s'agissait. Elle était portée par son obsession, et elle ne plierait pas.

En témoignait son accrochage visuel qui ne connaissait pas de réserve. Rekkles ne se priva pas pour la fixer lui aussi. Leurs regards figés l'un dans l'autre, une étrange sensation le parcourut. Ce n'était pas pareil qu'avec Gom Jabbar. Cette isabelle n'avait pas l'expérience et la placidité glaçante mais élégante de l'appaloosa. Elle en possédait pourtant la détermination, mais pas l'aplomb. Une étincelle ferait gronder le monstre qui sommeillait en elle.
En lui.

Les oreilles couchées sur son crâne, elle lui posa d'abord par question à laquelle il décida de ne pas répondre. Il ne donnerait aucune information aux Trompeurs. Et même devant sa curiosité presque sincère, il ne lâcherait pas un morceau. Parce qu'elle était trompeuse, mais plus encore. Parce qu'elle était la fille de Cyrius.
Ainsi donc avait-il devant lui une princesse. En comparaison de son père, elle ne partageait aucunement son sens de l'accueil, bien que la rencontre avec l'alezan ait tourné au vinaigre. Au moins l'avait-il mis à l'aise. Au contraire, Hallelujah de son nom, l'avait pratiquement agressé, du haut de son perchoir de pierre.

Un bruit attira l'attention de la dorée. Rekkles glissa ses yeux derrière sa croupe crémeuse, à la recherche lui aussi de l'origine de ce son. Mais il n'y avait rien à portée de leur vision. Elle se tourna de nouveau vers lui, en attendant qu'il se présente à son tour.
Rekkles ne doutait pas que l'alezan avait du parler de son cas à son troupeau, ou au moins à sa famille proche. Sinon, Fifa n'aurait jamais été aussi méfiante envers lui. La terre entière devait déjà être au courant alors il serait bien étonné, ou alarmé, si la princesse des terres trompeuses n'avait pas eu vent de son nom. Si elle faisait mine de ne pas savoir, elle mentirait, c'était certain. Peut-être se trompait-il en pensant cela, mais le grand bai ne pouvait faire confiance qu'à sa propre réflexion et à son instinct.
Celle-ci lui intimait : "Prudence". Celui-ci lui ordonnait : "Sans peur".

« Rekkles. » lâcha t-il enfin. Il courba quelque peu le chanfrein pour plonger plus intensément son regard dans celui d'Hallelujah. « C'est de famille votre manque de subtilité ? » ajouta t-il dans le seul but de la titiller un peu, un sourire narquois et amusé étirant ses lèvres.

La façon dont elle l'avait abordé reflétait bien celle dont Cyrius avait essayé de le tromper en le dirigeant vers Naëlle alors même que Rekkles venait tout juste de poser ses sabots sur Horse Wild.

J'ai souvent entendu dire qu'un regard était le miroir de l'âme, qu'il permettait de comprendre plus facilement les émotions de l'autre. En me plongeant dans les yeux de cet étalon, je me rendais parfaitement compte que cet adage était véridique. En effet, même si les paroles ne sont que peu présente, je remarque facilement cette lueur dans son regard. Cette lueur qui est commune à la mienne. Cette lueur qui démontre beaucoup de choses : comme l'ambition, la rage mais surtout un objectif qu'il veut absolument atteindre. Bien sûr, je ne connais rien de lui. Je ne connais pas sa famille, sa vie, son passé ou tout(e) autre histoire venant de lui. Mais cette lueur me rappelle tellement moi. J'ai l'impression de me voir en lui, comme si il était mon double masculin. C'est tellement étrange comme sensation. Ca vous prend doucement aux tripes, ça vous les arrache pour finalement les remettre dans votre ventre, mais dans un autre sens. Comme si la vie elle-même se moquait ouvertement de vous. Comme si elle rigolait à chaque pas que vous pouvez faire, à chaque paroles que vous pouvez prononcer et surtout à chaque acte que vous pouvez réaliser. Si je n'étais pas si forte mentalement, je me serais sans doute échappée à la moindre occasion. Mais là, c'était différent. Je voulais en savoir plus sur lui.

Avec curiosité, je laisse mon regard divaguer sur le corps de l'étalon bai. Il était réellement différent de tous ceux que j'avais pu rencontrer. Bien sûr, je suis parfaitement consciente que chaque étalon est unique, mais celui-ci est vraiment différent. Son corps me rappelle celui de Superbia : il paraît trapu, mais pas gros. Il paraît baroque mais pas immonde. Sa robe brille, comme si il s'était roulé dans l'huile et elle a des allures de feu. Je pouvais même distinguer ses chaussettes noires sur ses membres. Il était beau et j'assume parfaitement de le dire. Il me plaît réellement. Bizarrement, mon regard revient très vite dans le sien, comme si j'étais aspirée inconsciemment. Comme si son regard sombre pénétrait le mien, sans même poser la question. Il m'intrigue réellement, comme si je le connaissais intimement. C'est sans doute aussi pour cette raison que j'espérais, timidement, qu'il soit Rekkles. J'espérais que mon ambition trouverait un but avec lui. Que mon plan final puisse se réaliser.

Le bruit disparut. Cependant, je gardais une oreille vers l'arrière, vraiment intriguée. D'où pouvait-il venir ? Je connaissais cet endroit par coeur, alors je savais parfaitement que ce bruit ne venait ni de mon père, ni de la nature. Soudain, un autre bruit se fit entendre, comme une explosion. Je bondit brutalement en avant, les oreilles en arrière et les naseaux pincés, avec la queue entre les cuisses. Mais qu'est-ce que ? Je ne comprend pas. D'où cela pouvait-il venir ? J'avais entendu parler des corps dans l'eau du Golfe, je me souvenais des initiales dans le verger et du bonhomme dans les Braises ... Mais sont-ils vraiment là ? Un nom se fit entendre, puis une question. Un fin sourire malicieux apparut sur mes lèvres ... Il était donc l'Elu. Il était celui qui me permettrait d'accomplir mon plan. Alors à sa question, je secoue la tête et eut un grand sourire, mi enfantin, mi malicieux, avec une pointe de séduction. Je jouais la comédie et j'aimais cela.

" Enchantée Rekkles. J'ai beaucoup entendu parler de vous. " répondai-je, plus calme. " La subtilité ne fait pas partie de mon vocabulaire malheureusement. Et vous, vagabonder sur des terres dominées est-il votre passe-temps favori ? " demandai-je, avec une étrange sensation de peur.

Un regard vers l'arrière mais je ne distinguai rien. Alors pourquoi avais-je aussi peur ? C'était sans doute le volcan qui s'était réveillé n'est-ce pas ? Mais la terre aurait tremblé n'est-ce pas ? Oui, j'essaie de me convaincre comme je peux.

Elle aurait été quelqu'un d'autre il se serait permis de penser à la détailler, de laisser filer et glisser ses yeux sur son corps de demi-sang, sur sa robe aux pommelures sauvages donnant du piquant à sa robe dorée, contrastant avec ses crins fins d'un noir aussi profond que le plumage d'une corneille. Elle aurait été quelqu'un d'autre, il l'aurait trouvé charmante sous son air farouche, avec son visage de poupée qui affichait clairement son caractère de feu. Elle aurait été quelqu'un d'autre, il l'aurait complimentée sans nul doute, aurait été doux et souriant, avenant et peut-être ce serait-il même laissé aller à la séduire.

Mais elle était la fille de Cyrius, et dans son esprit lui interdisait quoi que ce soit. A vrai dire, il était obnubilé par son titre, son ascendance et tout ce que cela entraînait. Il avait devant lui une arme à double tranchant, autant pour l'alezan que pour lui-même. Méfiance, lui criait son être. Mensonge, lui intimait son ambition. Demi-tour, conseillait sa raison.

"J'ai beaucoup entendu parler de vous."
Sans peur, lui ordonnait son instinct. Dont la rage, nourrie par la présence de la princesse des terres trompeuses, embrasait l'indécence.
Il ne pouvait décemment pas faire profil bas devant elle.

Aussi se bornait-il à la fixer le visage fermé mais animé, tout comme son regard, d'un feu vif et rougeoyant. Son foyer n'était autre que sa détermination. Sans limite. Baisser les yeux devant cette jument née avec une cuillère en or dans la bouche ? Jamais. Il lui aurait presque fait bouffer son petit sourire narquois.
Mais il en fallait plus pour le faire sortir de ses gonds et le mettre en rage. Rekkles avait du sang-froid, et dans cette situation, il comptait bien agir avec sa tête plutôt qu'avec son cœur. Se laisser porter par ses sentiments, par sa rage, ce n'était certainement pas le meilleur plan.

Un bruit d'explosion retentit, les faisant renâcler tous les deux. L'étalon bai porta lui aussi son regard derrière la dorée. Elle ne semblait, quant à elle, pas si inquiète que cela et lui envoya une petite pique sur sa condition de solitaire, qui glissa sur lui comme l'eau de rivière sur les galets. Il ne releva pas, trop préoccupé à fixer les rochers derrière la jument. Après quelques secondes, silencieux, Rekkles la contourna, la dépassa et se plaça droit devant le lieu d'origine du bruit, qui n'avait rien de naturel.
Ils étaient encore tous deux assez éloignés, mais il ne se sentait pas en sécurité.

Son corps tout entier se préparait à affronter le danger. L'adrénaline faisait flotter son esprit, et les sensations de sa chair devinrent plus palpables. Il ne prêtait plus aucune attention à Hallelujah. Ce n'était certainement pas des coyotes qui avaient fait ce bruit.

Rekkles prit le pas et s'approcha des rochers.

En réalité, je n'aurai jamais cru pouvoir apprécier son physique. Je le trouvais réellement beau. Ses reflets roux se prononçant petit à petit avec sa robe brune. Ses yeux noirs de jais venant se mettre en avant sur son chanfrein baroque. Mais je pense que son corps est sans doute l'atout me faisant réellement rêver. Il n'était pas arabe, mais il avait réellement tout pour plaire. Ses courbes généreuses, ses oreilles fines, ses membres courts mais athlétiques, ses crins fournis ... Oui, il était superbe et il fallait l'accepter. Oh bien entendu, il n'était pas arabe. Il n'avait pas ces courbes sveltes, délicatement dessinées et ce chanfrein concave que j'appréciais tant. Bien entendu, il n'a pas ce corps fin que possède mon père, ni même les crins fins de ma mère. J'avais promis de ne jamais céder à la tentation étrangère ... Mais cet étalon avait sans doute tout ce que je recherchais chez quelqu'un. Mais je pense que son regard ambitieux, cette lueur - présente aussi dans mon regard - qui brille font aussi en sorte que je tombe dans le piège.

Il y avait un souci : mon ascendance. Mais mon rang aussi. Je ne pourrais jamais céder réellement à la tentation d'un solitaire. Quoique ... Superbia n'était-elle pas une solitaire avant de devenir reine ? N'était-elle pas une simple inconnue avant de connaître Papa ? Il me semble. Alors pourquoi me refuserai-je cela ? Papa me renierait-il ? Poarf. Je m'en fous complètement. De toute façon, depuis qu'il est avec son ibérique, il me renierait pour n'importe quoi. Un faux pas ? Je dégage. Une insulte ? Il me dégage. Un mot un peu trop haut ? Je suis reniée. Donc ouais, dans le fond, que je me tape ou non un solitaire revenait au même. Je me demanderais presque si Papa ne s'en moquerait-il pas. Il s'en fout tellement de moi, de ma vie, que je pourrais faire ce que je veux sans qu'il ne s'en rende réellement compte. Mais ce n'était pas le moment de céder. Pas le moment de me laisser complètement aller à quelque chose que je me refusais depuis un lapses de temps.

Aucune parole. C'était presque comme si je n'existais pas. Pourquoi ne me répondait-il pas ? Se foutait-il tout simplement de mes paroles ? Sans doute. Un ronflement de naseaux passa mes narines tandis que je secouai la tête. Non, je n'avais pas vraiment l'habitude qu'on m'ignore à ce point-là. J'avais l'habitude qu'on me réplique brutalement, qu'on m'insulte ou m'engueule mais là, rien. Il était d'un calme olympien. J'avais l'impression qu'il venait de me clouer au sol sans que je ne puisse y faire grand chose. Comme s'il venait de me coudre les lèvres sans que je ne puisse répliquer. Oui, il venait ouvertement de me clouer le bec. Ca faisait bizarre, mais en même temps je n'avais pas tellement envie de le piquer. Pourquoi ? Je ne saurais vous le dire car même moi je n'en sais pas la raison.

Un regard vers l'arrière et soudain je vis l'étalon faire un pas en avant, me dépasser et aller vers le rocher. Un frisson de peur me prit sans que je ne comprenne et je l'observai. J'avais l'impression que la scène était totalement au ralenti, comme si mon cerveau avait du mal à réagir correctement. Sans que je ne sache réellement pourquoi, mes sabots se mirent en route et je trottai vers l'étalon bai. Là, je me stoppai entre lui et le rocher.

" N'y vas pas. Les humains sont là. Et je ne voudrais pas devoir te sauver. " dis-je avec un ton moqueur, mais on pouvait sentir ma supplique dedans.

Rekkles avait les oreilles pointées vers les rochers, droit devant lui. Un pas après l'autre, doucement et prudemment il avançait. "Prudemment"... Il n'avait pas l'habitude de fuir le danger, surtout lorsqu'il était inconnu. Fuir des fantômes ou des chimères, très peu pour lui. Il n'était pas suicidaire, mais sa vie de solitaire lui avait fait gagner un certain sang-froid. Ajouté à ses valeurs guerrières, cela le rendait parfois très téméraire, sans pour autant être une tête brûlée à foncer dans le tas sans réflexion. Dans tous les cas, Rekkles ne fuyait pas sans raison.
La curiosité portait aussi ses pas.

Hallelujah le rattrapa rapidement et se planta devant lui, lui barrant la route et l'obligeant à s'immobiliser de nouveau. Le grand bai releva l'encolure et plaqua ses oreilles contre sa nuque, trouvant facilement le regard de l'isabelle pour y planter le sien. Ses paroles le piquèrent d'abord, mais il décida de ne pas relever, et coucha simplement un peu plus ses oreilles, cachées près de sa crinière noire. Sa queue fouailla l'air et fouetta ses cuisses, en signe d'agacement certain.
Il aurait pu lui cracher au visage qu'il n'avait besoin de personne, surtout pas d'une princesse en porcelaine. Mais un mot retint son attention parmi ceux de la dorée. L'allemand glissa ses prunelles derrière sa croupe rebondie, observant les rochers avec un intérêt nouveau.

« Des humains ? » répéta t-il à l'intention d'Hallelujah. Il n'était pas au courant que des bipèdes vivaient sur Horse Wild. D'après les rumeurs qui l'avaient porté jusqu'à cette île, il ne devait y avoir qu'eux, et leurs quelques prédateurs. Mais pas d'humains. Il y avait bien des constructions humaines, sur l'île, mais elles avaient vieilli. Alors... Ils devaient revenir.

Rekkles glissa de nouveau ses yeux dans ceux d'Hallelujah, le visage fermé mais pensif. Son esprit travaillait à vive allure.
Des humains sur Horse Wild ? Le plus grand danger que la terre ait jamais porté ? Et les dieux, que faisaient-ils alors ? S'ils existaient vraiment, pourquoi ne protégeaient-ils pas les troupeaux ? Pourquoi, sur les terres trompeuses, les laissaient-ils vagabonder ?
Le bai fit volte-face et marcha sur quelques foulées, son regard déviant sur les Rocheuses, ses sabots claquant quelque peu sur la terre rouge et sèche, caillouteuse. A quoi cela servait-il de vouer fidélité à un dieu, d'entrer dans un troupeau ou de le mener, si ce dieu se contentait de regarder ses soit-disant protégés être capturés ou mourir sous la main de leur plus vile créature ?

Rekkles les connaissait plutôt bien les humains. Il avait eu de la chance, la dernière fois qu'il avait croisé leur chemin. Son compagnon de route en avait eu beaucoup moins. Il ne l'avait jamais revu. Les humains, avec leurs montures de fer et de tonnerre, qui brisaient la terre et le ciel, et qui ne connaissaient pas la fatigue, autant qu'elles rattrapaient quiconque essayait de les fuir. Les humains, partout sur la surface la terre. Les humains qui détruisaient ce qui les nourrissait. Les humains étaient bruyants, ils criaient comme des chacals affamés qui chassaient en meute.
En meute oui. C'était là qu'ils étaient le plus dangereux.

Un humain c'était plutôt fragile, comme animal. Un coup de sabot bien placé et il se cassait en deux. Cependant, ils avaient toujours près d'eux des objets étranges et dangereux... Lorsqu'ils étaient nombreux, il fallait les craindre plus encore que des loups.
Rekkles leva les yeux vers le ciel. Alors, qu'attendaient-ils, eux là-haut, pour réagir ? Attendaient-ils une purge, avant de se décider à chasser les intrus ?

Rekkles tourna la tête vers Hallelujah et la fixa un instant.

« Au fait, je ne vous ai pas permis de me tutoyer, princesse. » lui lâcha t-il, s'éloignant des rochers suspects. Il insista bien sur son titre, histoire de lui faire comprendre qu'elle n'en avait que le rang, mais pas du tout le comportement. Même Cyrius s'était montré mieux élevé. Il lui tournait le dos à présent, et avançait d'un pas sûr. « Quant à mon "passe-temps", je suis un solitaire. Je n'ai pas de maître, l'île entière est mon repaire. »

Et si les dieux préféraient le punir lui qui vaquait sur les terres dominées sans allégeance, plutôt que de botter le cul des humains qui étaient une plus grande menace encore, cela le conforterait dans ses idées. Dans ses valeurs. Rajouterait du fioul au brasier qui faisait vivre son rêve.
Il ne plierait l'échine devant rien ni personne.

La réaction de l'étalon me surprit immédiatement. Mes oreilles se plaquèrent radicalement dans ma crinière tandis que je poussais un couinement en reculant agilement. La méchanceté, la hargne ainsi que la brutalité étaient présentes dans son regard. Bien évidemment, il ne m'avait pas touché mais mon ego le fut. Pour une fois que j'étais gentille avec quelqu'un, malgré ma légère moquerie, je me faisais rembarrer. Bien sûr, il n'avait pas parlé mais je sentais bien que j'avais sans doute agi un peu trop rapidement. Ma queue était plaquée contre mes cuisses, tandis que mes muscles étaient bandés. Je suis gentille et on réagit ainsi ? Très bien, ça m'apprendra à être gentille avec les inconnus. Il était effectivement comme Papa l'avait dit : sauvage. Je pouvais le voir à son comportement mais aussi à son physique. Oh bien évidemment, je suis une jument sauvage aussi, j'en suis bien consciente mais j'avais un physique tout à fait différent. Je prenais soin de moi un minimum. Oh non pas qu'il soit négligé, mais il était différent tout simplement. En réalité, je n'arrive pas à mettre des mots sur la silhouette que je pouvais distinguer face à moi.

Ses oreilles changèrent de position, ainsi que son comportement. Alors une de mes oreilles se redressa et un des naseaux se déplissa. Il avait complètement changé de posture à l'un de mes mots, ce que je ne comprit réellement pas. Comment pouvait-on changer de comportement aussi vite ? D'humeur ainsi que d'émotion ? Etais-je comme ça, moi aussi ? Je ne pense pas. Je faisais toujours en sorte de rester sur mes positions, de choisir des émotions qui correspondaient à la situation ou tout simplement à la personne en face de moi. Oh bien entendu, je sais parfaitement que parfois je peux être impulsive, surtout mauvaise et vulgaire. Mais je faisais exprès de pouvoir contrôler mes émotions. Impulsive ? Contrôler ses émotions ? Oui, c'est contradictoire je suis d'accord. Mais ne suis-je pas contradictoire tout simplement ? Sans aucun doute. Un coup j'aime Papa, un coup je le déteste. Un coup je veux détruire le monde entier, un autre je préfère le préserver. Ouais, c'est compliqué. Ca m'en donnerait presque mal au crâne.

Il allait faire parti de mon plan ? Cet étalon sauvage et aux émotions trop particulières pour moi ? Je me posais la question dorénavant. Serait-il fiable ? Accepterait-il les règles que je lui imposerais ? Je n'en suis pas certaine. Alors que devrais-je faire ? Le virer de nos terres comme j'ai tenté de le faire avec Sefyiade et me faire engueuler par Papa ? Alors qu'il me l'a ordonné ? Ou tout simplement retenter de le manipuler pour qu'il me suive ? Tant de questions ne cessaient de tourner dans ma tête tandis qu'un mot sortit des lèvres de l'étalon. Un fin sourire apparut sur mes lèvres. Alors, il était étonné ? Ce chevalier noir ne semblait pas au courant ? Je faillis rigoler mais je me retins de justesse.

" Oui, tu n'es pas au courant ? Les humains sont la rumeurs qui traîne actuellement. Mais j'ai des preuves qu'ils sont là, personnellement. " dis-je énigmatique.

Je revoyais encore mes trouvailles, mes preuves ainsi que les scènes que j'avais pu vivre depuis des années. Mais cet étalon était-il censé le savoir ? Non. Vu sa mauvaise humeur, comment il se braque, il était hors de question que j'ouvre mon coeur. Mes trouvailles resteront pour moi, Aurore et Rosie. Nous sommes trois, ou quatre avec Blake, à les avoir découvert et c'était suffisant. Soudain, il se mit à marcher et mon regard le suivit presque immédiatement. Il semblait inquiet, mais surtout dans sa bulle. Tant mieux. Peut-être serait-il dans de meilleures dispositions pour m'écouter. Quoique ... Ses paroles me piquèrent dans le coeur. Il voulait m'apprendre le respect ? Lui qui souillait les terres de mon père en tout impunité ? Mes dents mordirent ma lèvre inférieure tandis que je tentais de calmer mes nerfs. Il se foutait littéralement de ma tronche là. Je m'ébroue pour tenter d'adoucir mes tensions.

" Très bien mon seigneur, dorénavant je vous vouvoierez si vous le désirez. " dis-je en appuyant sur son titre comme il venait de le faire. " Et sinon, les paturons vont bien ? Vous arrivez à marcher sans tomber ? L'île entière rien que ça ... Laissez-moi rire. " Et effectivement, un rire silencieux tordit ma moue.

La princesse des terres trompeuses disait avoir des preuves de la présence des humains sur l'île, ce qui confirmait toutes les pensées du grand bai. Les dominants pourtant, ne semblaient pas avoir encore bougé une oreille concernant cette menace. Rekkles n'avait vu aucun mouvement sur les terres, aucune construction de refuge ou de cachette qui pourrait accueillir les mères et les enfants, ainsi que les chevaux âgés. Les humains n'avaient que faire des chevaux âgés. Quant aux poulains... Rekkles s'égara dans sa pensée un instant, sombre.

La jument dorée l'en tira. Décidément, elle commençait vraiment à lui taper sur les nerfs. Alors qu'il s'éloignait toujours, elle tenta de le piquer encore, comme une enfant. Il pouvait déceler dans ses paroles l'incompréhension totale de son mode de vie : après tout c'était bien normal. Elle avait toujours vécu promise à un trône, n'avait jamais eu à se débrouiller par elle-même, à affronter une solitude parfois totale pendant plusieurs mois. Elle n'avait pas gagné le respect des autres et pourtant, insidieusement, il lui était dû. Comme si son seul titre faisait d'elle une personne respectable.

Rekkles ne croyait pas en cela. Pour lui, roi, reine, prince ou princesse. Dominant. Cela ne voulait rien dire tant que l'individu n'avait pas prouvé sa valeur à protéger et servir son peuple. En cela, il lui semblait n'avoir pas entendu grand chose de bon de la princesse des trompeurs. On la disait comme sa mère, bien qu'il ne l'ait jamais connue. Rekkles ne s'attardait pas vraiment sur les rumeurs, surtout lorsqu'elles étaient négatives. Les bonnes en revanche, changeaient rarement. Aussi soupçonnait-il Hallelujah de ne pas avoir réalisé grand chose pour le troupeau de son père.
En cela, elle n'était pas plus princesse pour lui que l'était Gom Jabbar. Surtout étant donné l'étroitesse de son esprit.

« Qu'est-ce que vous me voulez, au juste ? » lui demanda t-il, lassé par son comportement immature.

Rekkles prenait la direction des terres secrètes, à présent, là où à l'origine, il voulait se rendre. Manque de bol, il avait fini sur les Rocheuses à force de réfléchir, et de tomber sur cette princesse pot de colle, qui n'avait visiblement rien d'autre à faire que de le prendre de haut à longueur de temps.
Personne ne lui avait appris l'humilité à celle-là. Princesse, princesse... Elle ferait une reine en carton si elle montait sur le trône un jour, c'était certain. Rekkles fut content de ne pas faire partie du troupeau, rien que pour ne pas avoir à subir les caprices qu'elle devait faire. Elle semblait bien du genre à en faire. Elle semblait penser que tout lui était dû. Qu'elle avait simplement à lever le petit doigt et qu'il allait plier le genou devant sa magnificence.
Elle se le mettait dans l’œil, son petit doigt.

S'il y avait bien un comportement que Rekkles abhorrait c'était celui-là. Qu'avait-elle fait pour mériter tout ça ? Rien. Elle était née, c'était tout. Elle n'avait rien prouvé. Et en cela, il n'avait rien à lui devoir.

Plus la conversation dérapait en son avantage, plus je me rendais compte que cet étalon n'était pas du tout celui que j'avais imaginé. Papa l'avait décrit comme un opportuniste, un étalon qui souille nos terres sans même se préoccuper des conséquences et il n'avait pas hésité à m'expliciter ses doutes. J'avais eu des espoirs en cet étalon, sans même le connaître et je me rendais compte qu'au final, ses espoirs n'avaient pas lieu d'être. Il n'était qu'un solitaire sans souche. Il n'était qu'un solitaire qui vaquait à ses occupations sans faire attention aux autres. J'aurai du m'en douter en réalité. Maman m'avait toujours prévenu, avant de partir, sur les solitaires. Elle m'avait toujours dit qu'ils n'étaient que des profiteurs sans cervelle, qu'ils ne cherchaient qu'à conquérir un monde qui ne leur appartenait pas, et ne leur appartiendrait jamais. Mais maman n'avait-elle pas été elle-même une solitaire avant de rencontrer Papa ? Si. Et quand je vois ce qu'elle est devenue, je comprend vite qu'elle a voulu que je me méfie de ce qu'elle était devenue plus que des solitaires en eux-mêmes.

Mais lui, c'était différent : lui, j'avais imaginé pouvoir lui promettre monts et merveilles et lui offrir un trône qu'il n'aurait jamais. Mais voilà que je voyais son intelligence, et surtout son mur impénétrable. Je n'ai aucune chance avec lui. Alors à quoi bon continuer ? Mais que devrais-je faire ? Tenter de nouveau de le manipuler ou le chasser ? Dans les deux cas, il se douterait forcément de quelque chose. Il était hors de question qu'on comprenne un minimum de mes intentions. Elles n'appartenaient qu'à moi, et personne d'autres : pour le moment. Oh bien sûr, certains imaginent les connaître, au vu de mes dires enfantins. Mais s'ils savaient ... Tout cela était derrière moi et c'était une certitude. Au regard qu'il avait lorsque je parlai des humains, un fin sourire se prononça sur mes lèvres. J'avais sans doute trouver son point faible sans qu'il ne le sache. Alors à sa question, je m'éloignai délicatement de lui.

" Le troupeau de mon père a besoin d'aide contre les humains. Il n'en parle pas car il a des poires si énormes et un ego surdimensionné ... " Mon sourire s'agrandissait petit à petit. " Mais moi je le sais. Donc accepteriez-vous de nous aider ? Bien sûr, je ferai en sorte qu'il vous offre ce que vous désirez si vous acceptez. "

Si j'espérais qu'il accepte ? Bien évidemment. Si mes paroles étaient vraies ? Légèrement. J'ai le caractère de Papa ne dit-on pas ? Oh pas totalement, mais il faut bien des ascendants pour créer un caractère n'est-ce pas ?

Le troupeau de mon père a besoin d'aide contre les humains. Il n'en parle pas car il a des poires si énormes et un ego surdimensionné ... Mais moi je le sais. Donc accepteriez-vous de nous aider ? Bien sûr, je ferai en sorte qu'il vous offre ce que vous désirez si vous acceptez.

Un instant, aucune réaction, il resta de marbre guettant si elle se moquait de lui. Mais elle avait l'air très sérieuse avec son petit sourire de vainqueur.
Rekkles ne tint plus. Il éclata de rire, détourna son regard de la jument dorée. Hallucinant. Lorsqu'il s'adressa à elle, le rire n'était plus là, ni même le sourire. Ne restait qu'une colère sourde, battante, terrée derrière le reste de nerfs qu'il lui restait. Il bouillonnait. Ses yeux se plantèrent dans ceux de la princesse.

« Vous êtes bien la digne fille de votre père. » lui cracha t-il, glissant son regard de haut en bas sur son corps fin. « Lui aussi, à notre première rencontre, m'a pris pour un petit con. »

Rekkles s'avança d'un pas brutal vers elle, le poil presque hérissé sur son dos, s'il avait été un loup. Le poitrail se soulevait sous l'émotion volcanique qui faisait battre le sang dans ses veines.

« Il pensait que j'allais me jeter à vos sabots ? Que j'allais dire amen à vos yeux de biche, comme tous les autres entiers ont dit amen à votre mère ?! » Rekkles tapait là où il savait que ça faisait mal. La Commère n'avait pas manqué de lui parler de la mère de la princesse des Trompeurs. Elle avait fait le tour des étalons de l'île avant de s'en aller la queue entre les jambes. « Qu'il crève étouffé dans son orgueil. »

La chaleur insupportable de la colère avait laissé place à une froideur insoutenable. Le bai s'éloigna dans un geste de rage, les oreilles couchées dans sa crinière noire.
Cyrius lui envoyait sa propre fille dans l'espoir de le repêcher, de l'utiliser avant de mieux le laisser pourrir au fond d'un trou, pour ne pas se pisser dessus de savoir son trône en danger. Quel lâche. Plus le temps passait, plus Rekkles le détestait. Ce personnage, incapable de protéger lui même son royaume. Ce faux-roi, drogué, jetant en pâture sa propre fille à qui voudra bien l'aider à faire le travail à sa place.

Le grand allemand se retourna pour faire face à l'isabelle.

« Et vous, vous acceptez de dire de telles conneries à des inconnus, des solitaires ? Vous n'avez jamais pensé que ça mettait votre liberté en danger, votre vie ? » haussa t-il le ton, se laissant emporter. « Un autre, opportuniste, aurait dit oui, à condition de vous couvrir, et vous auriez fait quoi alors ? »

C'était noble, ou débile à voir, de sa part que de donner son cul pour les beaux yeux de son père. Rekkles ne comprenait pas cette princesse pourrie gâtée. Cela ne semblait pas la gêner le moins du monde que de quémander l'aide de solitaires qu'elle abhorrait, pour nettoyer les terres de Monseigneur tandis que ce dernier se refaisait le fessier aux côtés de sa nouvelle compagne.
Un solitaire conquérant, sans valeur aucune, aurait sauté sur l'occasion pour se taper la princesse dorée. Y avait-elle pensé ? "Je ferai en sorte qu'il vous offre ce que vous désirez"... Rekkles fulminait.
Cyrius était le pire dominant d'Horse Wild.

L'étalon posa ses yeux sur la princesse, fouaillant de la queue, fouettant ses flancs bruns. Ce n'était pas contre elle qu'il était en colère. La colère passait, laissait place à une forme étrange de compassion, ou de pitié.
Princesse, désespérée à ce point de redorer son image auprès de son père ? Au point de s'offrir au premier venu ?

" Je vous emmerde ! Je vous emmerde tous autant que vous êtes : que ce soit mon père incompétent qui sait même pas tenir un trône, ou alors ma mère qui se tape tous les étalons du coin comme vous le dîtes si bien, ou même tous ces chevaux de cette île ! Vous ne me connaissez pas, vous ne savez rien alors vous ne devez dire de telles choses ! Je vous déteste tellement que je pourrais vous tuer sans même que vous vous en doutiez ! " 

Mes mots traversaient mes lèvres sans que je ne m'en rende réellement compte. La colère glissait dans mes entrailles sans que je ne puisse le contrôler. La haine naissait dans mon sang alors que je tentais de la faire disparaître. Cet étalon avait touché un point qu'il n'aurait jamais du toucher. Comment avait-il pu être au courant pour ma mère ? Comment pouvait-il savoir autant de choses sur ma famille ? Comment pouvait-il dire de telles choses sur mon père ? J'avais envie de le tuer et en même temps de pleurer. Mon coeur se serrait et en même temps il frappait ma poitrine à m'en faire mal. J'avais trouvé plus méchant que moi et il avait réussi à me briser sans que je le vois venir. J'étais vraiment trop jeune, en fait. Je m'en rendais compte maintenant. Je voulus me mordre la langue mais mes dents ne cessaient de se serrer. J'avais envie de bondir et en même temps de fuir. Je ne savais plus quoi faire, réellement. J'étais encore qu'une gamine, en réalité.

L'étalon s'était éloigné mais il était hors de question que je le suive. Il m'avait réellement fait mal. Finalement, mon sabot frappa le sol et mes yeux plongèrent dans l'horizon. Mon royaume s'effondrait petit à petit et je ne pouvais rien en faire. Ma famille s'était brisée et je n'avais rien pu contrôler. Ma haine naissait et je ne savais comment la contrôler. Brutalement, je pris le trot et me pointa devant l'étalon, les oreilles dans ma crinière et mes naseaux pincés.

" Vous n'êtes qu'un solitaire de pacotille ! Vous semblez avoir de l'ambition mais vous ne faîtes absolument rien pour pouvoir l'accomplir, alors que moi j'ai une ambition et je sais comment l'accomplir. Vous parler n'était pas pour mon père puisque je veux son trône ! Il va mourir, il disparaît des ondes petit à petit et je prendrai sa place. Je vous parlais pour que vous fassiez partie d'une guerre que je gagnerais. Mais apparemment vous n'avez que de la gueule, n'est-ce pas ? "

Voilà, j'avais tout avouer. Mais je m'en fous royalement. Maintenant, je n'avais absolument plus rien à perdre. Mon père avait disparu de ma vie, ma mère s'était cassée avec l'un de ses gigolos encore une fois, je suis sûre. Alors, non, je ne cacherai plus rien. C'était terminé. Finalement, je me recule à nouveau et resta campé. Mes muscles étaient bandés au possible, tandis que la tension faisait bondir mon coeur. Je voulais le tuer. Mais j'avais besoin de lui. Son rire m'avait brisé quelques secondes, mais il m'en fallait bien plus pour me détruire. Je n'avais qu'une fissure. Et les fissures ne font pas tomber les fondations, n'est-ce pas ? Soudain, sans prévenir, je claque la mâchoire devant son chanfrein.

" Ma mère est une catin, certes. Mais mon cul n'appartient qu'à moi et personne n'y touchera, crois-moi. " 

Je l'avais tutoyer mais je m'en fous royalement. Je ne serai jamais comme elle. Personne ne pourra plus jamais me comparer à elle. Je recule une seconde fois, fait demi-tour et pars brutalement au galop. S'il me suivre, qu'il vienne, mais sinon je m'en fous. Il ne sert plus jamais à rien.

Bang, boum. Touchée.

Elle explosa, littéralement, dévoilant sa véritable nature de princesse pourrie gâtée qui n'avait jamais eu à se battre pour avoir ce qu'elle voulait et qui voyait ce qu'elle désirait le plus lui échapper totalement. La voici donc, la véritable Hallelujah, qui avait d'une façon très maladroite tenté de le manipuler comme son père avant elle. La voici, la véritable Hallelujah, hurlant la souffrance, la haine, la douleur.

Elle le rattrapa, fit son manège devant lui. Il n'en réagit en rien. Qu'elle s'énerve, elle perdait de l'énergie, elle perdait du temps. Elle perdait de la crédibilité. Ils ne devaient pas être loin, niveau âge, pourtant, elle était d'une immaturité flagrante. Elle l'insultait, sur son statut de solitaire. Rien de nouveau pour Rekkles : il avait toujours vécu comme ça. Les mots coulèrent sur lui et ne le touchèrent pas. Elle était simplement en colère. Elle ne réfléchissait même plus à ce qu'elle disait.
Elle lui parla d'une guerre qu'elle voulait mener contre son père, pour prendre son trône. Et Rekkles sut qu'il ne pourrait jamais se la coltiner.

Elle représentait tout ce qu'il détestait. Elle voulait régner, quitte à diviser. Lui voulait la fin de la monarchie, de la dominance. Le pouvoir, il n'en voulait pas pour lui, il le voulait pour tous. Hallelujah parlait sans le connaître lui non plus, lui dit qu'il ne faisait rien pour accomplir son ambition. Et elle, que faisait-elle si à la première difficulté, elle faisait un caprice comme une pouliche colérique ?
Elle claqua des dents devant lui, il coucha ses oreilles en arrière. Elle était juste une adolescente en colère qui pensait que tout lui était du. Qu'il suffirait de lui vendre un plan foireux qui se sentait à deux mille, pour qu'il la suive en lui léchant le cul. Rekkles n'était pas dupe.


Elle fit volte-face après lui avoir craché une dernière fois sa colère. L'étalon bai hésita un instant à lui partir après pour lui faire entendre raison. Mais à ses yeux de princesse, il n'était qu'un solitaire sans ambition.
A ses yeux à lui, elle n'était qu'une jeune jument complètement paumée, qui avait joué avec le feu et s'était brûlée. Elle avait voulu le manipuler, se le mettre dans la poche en lui vendant quelque chose de complètement contre ses valeurs, sans essayer de le connaître auparavant. Elle s'en mordait les doigts à présent. Qui voudrait suivre une princesse en colère qui crachait sur tout ceux qui osaient lui dire non ?

Rekkles reprit sa route vers les terres secrètes.

[Out si tu veux rien ajouter ]