Le crépuscule guette

La nature est moins accueillante par ici, et Haunter s’aventure au milieu de nulle part. Tout autour, la végétation est pauvre et sèche, des recoins escarpés d’un côté et de l’autre, des étendues ensablées. Haunter n’a pas envie d’aller se perdre dans le désert, ni de tenter sa chance dans la plaine désertique au sud de l’île, alors elle oscille à la frontière des deux territoires.

Le crépuscule la guette et sa robe s’assombrit avec le ciel. Elle aperçoit quelque chose au loin, mais ne reconnaît pas l’ombre à la forme étrange. La pouliche s’arrête, les sabots bien alignés, et penche la tête sur le côté tandis qu’elle pèse le pour et le contre. Il se fait tard, et elle est seule. Isolée.

Est-ce une bonne idée d’aller examiner la chose de plus près ?
Haunter n’en est pas certaine.

Réservé:

- A - Aodhagan a pris une route incertaine. Il avait quitté une plaine abondante de nourriture pour se familiariser avec d’autres lieux. Peut-être une chance de trouver un peu plus de monde ? Toujours est-il que le noir navigue en terre inconnue. Et ces terres, ne le rassure en rien. Parfois, il entendant des cris de singe et il doit prendre sur lui pour ne pas partir en courant pour retrouver la verte plaine. Mais non, il avait soufflé un bon coup, fermé les yeux, c’était bouché les oreilles en les enfouissant dans sa parfaite crinière et avait redressé la tête. « Je suis roi, personne ne ferait de mal à son roi. » Lâche-t-il pour lui avec affectation. Marchant droit vers la frontière une forme étonnante, perdue au milieu de rien l’attire. Comment un si grand arbre a-t-il put survivre à une telle catastrophe. Puis il réfléchit. Peut-être qu’ici, le volcan n’a simplement pas réussi à tout détruire.

Mais, un étrange cri le sort de ses pensées. Oh, si ce n’était pas le volcan, c’était autre chose, de tout aussi mortel semblait-il. Les singes. Ces créatures ingrates et violente, il en avait même vu certain manger des restes d’équidé ! Finalement, son cœur rata un battement, et lâche en lui, ou simplement son instinct de survit prit le dessus, et il tourna les talons, fonçant droit vers la sortie de cette terre maudite, sans même voir, dans la pénombre naissance, la petite chose devant lui. Ça allait faire mal.

Un cri effroyable retentit. Haunter tressaille, jette un regard en coin à droite, puis à gauche. Personne. Tout est calme, vide. Elle ferait mieux de partir, Haunter songe, mais la décision n’est plus de son ressort. Au loin, une silhouette fuit le coucher de soleil au grand galop.

Haunter pivote sur ses gambettes, l’avant-main légère le temps d’une pirouette, et décampe. L’autre équidé est plus âgé cependant, et la rattrape en quelques foulées. La pouliche fait deux enjambées, presque trois, que l’étalon la dépasse déjà. Il a l’air noir, mais la nuit tous les chevaux sont gris.

« Qu’est-ce qu’il y a là-bas ? » s’exclame-t-elle, à bout de souffle.

- A - Le mâle galope quelques instants sans réfléchir. Souhaitant juste sortir de cet endroit infernal. Il lui fallut d’ailleurs une ou deux secondes pour se rendre compte quelque quelqu’un essayait de galoper a côté lui. Il ralentissait doucement l’allure pour finalement daigner baisser ses yeux sur la petite chose à côté de lui. Un poulain, non une pouliche à l’odeur. Chouette chouette chouette, un nouveau sujet dans son royaume ! Il la regardait, esquissant un sourire ravi. C’était toujours plus amusant avec des poulains ! Ils pouvaient jouer ensemble à prétendre tant de chose. Il s’ébroua vivement avant de commencer « Des grands monstres horribles ! Ils ont envahi mon royaume et fait fuir tous mes sujets ! » Il marqua une pause, lança un regard dramatique à l’arbre. « Ils sont énormes et mangent les chevaux ! Ils poussent des cris effroyables. Ils ont pris mon trône et maintenant, m’en voilà dépourvu. Mais, maintenant que tu es là, je ne suis plus seul ! »

Il s’écarta doucement pour la toiser. « Tu es petite, mais je suis sûr que je pourrais te trouver une place dans ma coure. Et tu sauras te montrer utile ! » Il n’attendait pas de refus de la part de la pouliche, ni même de réponse. Il avait vu ça comme une évidence. Il était roi. Et tout le monde obéissait à un roi ! Sous peine de se faire exécuter. Non ?

Haunter est essoufflée lorsque le mâle commence à ralentir, et elle parcoure la distance qui demeure entre eux au pas, étirant ses gambettes. Elle a une crampe, et boite jusqu’à l’étalon noir. Haunter bat des cils plusieurs fois, et froncerait les sourcils si elle en avait car ce que l’inconnu raconte n’a pas grand sens.

« Au risque de vous surprendre, je ne crois pas au fantômes. »

A ce moment précis, un nouveau cri éclate dans le ciel nocturne et résonne autour d’eux. Haunter sursaute et se rapproche de l’autre équidé à contrecœur. Il fait presque nuit maintenant, et dans le noir les monstres qui n’existent pas semblent toujours prendre plus de place, comme une présence qu’on ne peut pas tout à fait ignorer.

« De quel trône parlez-vous ? Où ça ? »

Elle hésite, car si le mâle est rassuré de ne plus être seul, Haunter doute de sa capacité à la protéger. Les adultes ne devraient pas avoir peur, et même s’il n’y a rien à craindre, il ne semble pas très sûr de rester avec cet inconnu qui n’est même pas digne de confiance pour le moment. En plus, il veut utiliser Haunter !

« Quel est votre nom ? » demande-t-elle au lieu de questionner les projets de l’étalon.

- A - Le noir lève un sourcil. Avait-il parlé de fantôme. Oh non. Ceux qu’il évoquait étaient bien réels. Il rire moqueur s’échappe des lèvres du mâle tandis qu’il regardait l’arbre.

« Ai-je donc mentionné des fantômes ? Je n’en ai pas le souvenir, non. Je vous parle là de monstres bien réels, bien vivant ! Ils mangent les chevaux et plantes des têtes sur des piques ! »

L’effroyable cri fit tout de même dresser le poil sur sa peau fine. Mais il ponctuait si bien son récit. Il continua d’ailleurs, la voix sombre et lourde.

La nuit semble appuyer son histoire un peu plus. Mais pourtant, il n’a pas tout à fait tort non plus. Les monstres sont bien réels. Peut-être pas aussi monstrueux que ça. Les Singes étaient présents et il mettrait son sabot au feu que l’un d’entre eux les regarde, ou même plusieurs. Finalement, il reporte son attention sur son sujet, un peu plus bas que son regard.

« Mon trône ! Le trône de mes terres, de mon royaume ! Il a été pris et détruit par ces monstres. Mais un jour, j’arriverais à le reprendre. Si on me donne un coup de main, évidemment. » Lâche-t-il, faignant d’être sans grand enthousiasme. Mais au fond, il jubile de pouvoir jouer avec quelqu’un.

Elle élude sa question sans même prendre le temps d’y répondre, mais pour une fois, il n’en tient pas compte. Ah ! la jeunesse. Elle papillonne d’une idée à l’autre oubliant la première.

« Je suis Aodhagan, pour vous servir, et vous ? » annonce-t-il avec respect. Peut-être un peu trop même pour être fiable.

Mais elle n’est qu’une pouliche, trop jeune pour réellement comprendre ? Et si au contraire elle montre un peu plus de jugeote, ce sera une bonne surprise !
Un nouveau cri fait plaquer les oreilles du mâle dans sa crinière, maudissant de manière fleuri, l’auteur de ce cri.

L’inconnu parle toujours de monstres, ou bien fantômes, c’est du pareil au même pour Haunter. Elle n’y croit pas. Elle roule des yeux et décide d’ignorer ces histoires de croque-mitaines. C’est à dormir debout, et Haunter dort déjà peu de toute façon. Elle a mieux à faire, comme explorer l’île. Elle ne sait toujours pas ce qu’il y a là-bas et sous le couvert de la nuit, l’étrange forme qu’elle a aperçut au loin a disparu. L’ombre se fond dans le noir, et l’étalon ne semble pas prêt de lever le mystère.

Haunter reviendra demain.

Ses oreilles sont mobiles, à l’affût d’un nouveau cri ou pire, d’un bruit de pas. Il n’y a pas de fourrés dans les environs, c’est déjà ça songe-t-elle. Personne ne peut s’y cacher, et elle n’a pas non plus l’impression que l’étalon à ses côtés cache quoi que soit, à part peut-être une araignée au plafond. Haunter aime bien les araignées.

Elle penche la tête sur le côté aux paroles du mâle. Il n’a pas l’air d’avoir de grandes aptitudes à diriger s’il s’attend à ce que les autres fassent tout le travail pour lui. Haunter en sait beaucoup là-dessus, car son père n’a besoin de personne pour se déplacer malgré sa cécité. Elle admire Blind Spot pour cette raison.

« Vous avez besoin d’une princesse alors, » Haunter lâche soudain.

Elle se campe fermement sur ses quatre sabots et bombe le torse, le poitrail gonflé de fierté. Voilà qui est déjà plus intéressant ! Haunter veut bien jouer. Pas question de faire le sale boulot, par contre. Elle offre un sourire à Aodhagan lorsqu’il se présente, et montre toutes ses dents en gage de bonne foi.

« Haunter, princesse en devenir. »

Elle doute qu’Aodhagan puisse faire grand-chose pour l’aider à faire passer sa crampe, et pour un roi, il a une façon bien étrange de se présenter. Ne devrait-il pas intimer aux autres équidés de le servir lui ? Haunter soupire, et se conforte dans l’idée de jouer les princesses.

Haunter lève le postérieur droit et botte dans le vide dans l’espoir de se débarrasser de sa crampe. Avec un peu de chance, elle peut l’envoyer valdinguer comme ça. La douleur lancinante revient en force alors que la pouliche étend sa jambe au maximum, et elle couine avant de reposer son sabot au sol, prudemment.

- A - Aodhagan se fiche bien qu’elle y croit. Il aime juste en parler. Bon, si, il aimerait quand même qu’elle puisse y croire un petit peu. Il soupira doucement en la voyant totalement ignorer son histoire. A moitié conte, à moitié réalité. De nouveaux cri retentissent, comme un nouvel avertissement. Celui de quitter les terres, mais il n’en avait que faire. Il avait qu’à venir s’il voulait. Le pangaré n’avait aucune envie de bouger d’ici pour le moment. Peut-être que s’ils restaient assez longtemps, les Singes seraient décidés à partir ? Il avait bon espoir.

Il tourne un instant la tête. Lançant un regard à l’arbre où le silence était finalement revenu. Il souffla un peu, se détendant un instant. Ils ont l’air tranquille pour le moment. Alors l’étalon repose son regard sur l’enfant, un peu amusé quand même. Sa présence d’esprit l’amuse.

« Une princesse ? Effectivement. Ce serait un bon départ, tu ne crois pas ? » s’amuse-t-il en souriant, contente qu’elle rentre dans son jeu, ou peut-être dans son esprit.

Il la regarde en souriant. Elle a fière allure cette petite, c’est vrai. Peut-être qu’elle pourra être utile un jour ? Et puis une princesse, c’est utile pour représenter le pays ? Le royaume même. Alors il hoche vivement la tête pour approuver, le sourire aux lèvres. Il ne sait pas qu’elle rôle il lui donnera et peut-être qu’elle trouvera sa place toute seule aussi.

« Tu pourrais être utile ! Effectivement. Enchanté Hunter ! Il faut bien commencer par quelqu’un part. » lâche-t-il doucement. Il la regarde s’agiter et agiter sa jambe. Il fronce les sourcils. « Tout va bien ? »

Les cris se calment, mais le cœur d’Haunter galope encore dans son poitrail. Il fait nuit noire, et ses yeux s’ajustent à la pénombre tandis qu’elle observe le pangaré près d’elle. Elle remarque l’ombre d’un sourire sur les lèvres d’Aodaghan, un éclat de lune coincé entre ses dents.

« Tout à fait ! » elle acquiesce et hoche la tête vivement.

Elle se demande ce que doit faire une princesse. Pas grand-chose sûrement, et surtout pas de dur labeur (ce n’est pas pour rien qu’elle se dit princesse), mais les journées doit être longues. Haunter peut être une princesse à temps partiel, car elle a beaucoup à faire.

Haunter tourne son sabot arrière droit d’un côté, puis de l’autre, tâchant de chasser sa vilaine crampe. Aodaghan remarque son problème lorsqu’elle agite la jambe, et s’inquiète pour elle. Il n’est donc pas totalement égoïste, c’est bon à savoir songe-t-elle.

« Juste une crampe. Vous courrez vite, » elle glousse. « Votre trône était là-bas ? Pourquoi l’ont-ils pris ? »