Promenade entre les lacs

Le vent glissait délicatement dans ma crinière tandis que je fermais les yeux. Avais-je peur de galoper dans l'obscurité ? A une époque, oui, mais aujourd'hui c'était différent. Aujourd'hui je galopais avec un étalon qui m'avait choisi, avec quelqu'un que j'appréciais réellement, et surtout avec l'âme qui serait mienne pour le reste de sa vie. Sincèrement, je n'aurai jamais imaginé pouvoir trouver quelqu'un tel que lui dans ma vie. Si je l'aimais ? Je ne saurai vous le dire, puisque je n'y connais rien en l'amour. Mais une chose est sûre, c'est que je me sentais véritablement bien à ses côtés, que j'étais heureuse dés qu'il me souriait et surtout que je ne voulais pas qu'il s'en aille. Bien sûr, s'il disparaissait, je m'en remettrais comme je m'en remet toujours, mais ce serait beaucoup plus dur que l'anormal. Sur une échelle de dix, combien lui faisais-je confiance ? Huit, je dirais. On avait jamais réellement confiance en quelqu'un n'est-ce pas ? Peut-être qu'avec le temps cela viendrait ... Qui sait ?

Mes sabots se posèrent brutalement dans une flaque et mon regard se posa sur l'horizon. Nous étions enfin arrivés à destination et cette galopade m'avait épuisé. Galopade ou chaleurs ? Je ne saurai vous le dire. Car soyons francs, depuis quelques jours, je me sentais bien étrange. Oh bien sûr, je connaissais les chaleurs puisque je les avais déjà eu mais aujourd'hui c'était différent. Aujourd'hui, je les avais en présence d'un étalon que j'appréciais et je ne voulais pas tout gâché avec cela. C'est pourquoi, je plaquai ma queue sur mes cuisses pour éviter qu'elles se sentent. Malheureusement, le vent était contre moi. Un sourire naquit sur mes lèvres tandis que j'hoche la tête et m'approche des rives du lac. Là, je penche l'encolure vers le bas et commence à boire l'eau.

" On sera tellement bien, ici. " dis-je en lui adressant un franc sourire.

Je me sens vraiment étrange aujourd'hui. Mes cuisses étaient engourdies, mes flancs me faisaient mal et une chaleur bizarre s'installait au fur et à mesure dans mon corps. Oh je sais parfaitement que les chaleurs peuvent provoquer tout cela, mais je ne l'ai jamais ressenti de cette façon. Est-ce la présence de Fantôme qui influençait tout cela ? Est-ce les choses que je ressentais pour lui qui ne m'aidaient pas ? Que ressentais-je exactement pour lui, d'ailleurs ? Je ne saurai le dire. Peut-être qu'un jour je le saurai, mais aujourd'hui je n'avais pas envie de chercher. Une pointe dans mon flanc gauche me fit baisser les oreilles et fermer les yeux. Finalement, je secoue la tête ... C'est dur d'être une jument, vraiment, croyez-moi. Je secoue la tête en rouvrant les yeux et frissonnant lorsque l'étalon vint se placer près de moi et frôler mes flancs. Normalement, je devrais aimer ce contact mais aujourd'hui j'avais vraiment mal partout. Et en même temps, j'avais envie de me coller à lui, plus qu'à l'anormal. Je ne savais vraiment pas quoi faire. Un soupir las passa mes lèvres tandis que je m'écartais légèrement, secouant la queue et la replaquant immédiatement contre mes cuisses.

" Cette galopade m'a épuisé et en même temps ... J'ai envie de marcher. " Un sourire naquit sur mes lèvres tandis que je me mettais en route. " Tu viens ? " demandai-je en tournant la tête vers lui.

En réalité, je ne comprenais vraiment pas mon changement de comportement. Comment des troubles hormonaux peuvent-ils changer autant quelqu'un ? Comment des douleurs physiques peuvent-elles influencer autant mon caractère ? Bon bien sûr, je n'étais pas naïve. Je sais parfaitement que la douleur peuvent rendre les gens agressifs, aigris ou complètement fous. La preuve avec mon père dernièrement : il semblait souffrir, alors il était presque trop cash, presque trop franc et surtout sans filtre. Oh, il l'avait toujours été, mais pas à ce point-là. D'ailleurs, je le remercie de m'avoir offert ce côté de sa personnalité, ça permettait aux gens d'être sûrs d'une chose sur mon compte : je n'étais et ne serai jamais une menteuse. Finalement, lorsque l'étalon accepta de me suivre et vint me rejoindre, je lui adressai un tendre sourire. Ca me faisait réellement plaisir un tel engouement : ça me prouvait qu'il serait capable de me suivre au bout du monde ... Tout du moins, je l'espérais.

" Dis, Fantôme ... Tu serais prêt à me suivre jusqu'où, toi ? " demandai-je avec une voix légèrement enfantine.

" Je te demande ça car je ressens tellement de choses en ce moment, que ce soit pour toi ou concernant l'avenir ... Donc j'ai besoin d'avoir un pilier, savoir que quoiqu'il advienne, où que j'aille, tu seras là ... " répondai-je avec plus de sérieux. " Mais je suis heureuse de l'apprendre, vraiment. " murmurai-je ensuite pour lui déposer une lèche sur les naseaux.

Ca me faisait du bien de savoir que je pouvais compter sur lui, qu'au fil des jours il devenait bien plus qu'un compagnon de route. Il était devenu mon pilier, le seul en qui j'avais vraiment confiance. J'avais presque plus confiance en lui qu'en moi ... Oui, j'ai bien dit presque. Il représentait l'étalon dont j'avais réellement besoin dans ma vie, celui à qui je pouvais tout offrir sans avoir peur des conséquences. Finalement, avec une petite pointe de gaminerie dans le regard, je pose un sabot dans l'eau et le balance vers Fantôme : l'arrosant légèrement. Et avant même qu'il ne puisse répliquer, enfin je pense, j'étais partie au galop en ayant un rire empli de joie.

L'herbe chatouillait mes glomes, tandis que le vent s'infiltrait dans ma crinière durant ma course folle. J'étais réellement bien. J'avais l'impression que mon enfance revenait d'un seul coup, que je redevenais cette gamine qui jouait avec tout et n'importe quoi. Cette gamine que je n'avais jamais été en réalité. Mon cerveau s'était complètement éteint, laissant mes pensées s'envoler et mon coeur vivre le moment pleinement. C'était tellement plaisant. J'entendais la voix de Fantôme derrière moi et un rire sortit de nouveau de ma bouche, tandis que je continuais de galoper. Finalement, je stoppe net ma course et fait volte face brutalement, posant mon regard sur l'étalon.

" Attrape-moi si tu peux ! " dis-je tout en faisant demi-tour et repartant de plus belle, la queue en panache et les oreilles en avant.

Soudain l'étalon se cabra devant moi et je me permis de me délecter de cette vision. Il était si beau. Je pouvais distinguer ses muscles rouler sous sa peau, ses veines grossir sous l'effort et ses crins se coller à sa peau. Oui, c'était une superbe silhouette qui était devant moi. Puis, sans que je ne puisse y faire grand chose, il se posa dans l'eau et m'éclaboussa de tout son poids. J'eus un grand rire et m'ébrouai vigoureusement, essayant de décoller ma crinière présente sur mon encolure. Finalement, je finis par rendre son contact sur son chanfrein et sortit de l'eau, faisant glisser ma queue le long de son poitrail.

" Le hasard fait bien les choses n'est-ce pas ? " dis-je en pensant à notre couple.