Moving Along

Les fleurs ne pesaient rien et pourtant, Fifa avait le coeur lourd, plus que son ventre, qu'elle portait fièrement. C'était la tête baissée qu'elle foulait l'allée de graviers du Cimetière. Elle n'osait formuler les sombres pensées qui l'avaient menée jusqu'à ce lieu austère sans pourtant autant parvenir à se les ôter de la tête. Voilà qu'elle se trouvait là, sa robe crème rendue terne par l'éclat froid des pierres tombales. Il faisait toujours plus frais dans le Cimetière qu'ailleurs sur Horse-Wild et elle frissonna en longeant les sépultures à la recherche de celle qu'elle craignait découvrir un peu plus chaque jour.

Afraid Again.

Fifa s'arrêta et voulu ouvrir la bouche pour s'exprimer, ne trouvant cependant pas les mots. Qu'avait-elle à dire ? Sa demi-soeur n'avait jamais été proche d'elle et elle n'avait même pas veillé sur la fille de cette dernière. Ses yeux bleus dérivèrent à droite, puis à gauche, avec prudence et elle soupira de soulagement. Les pierres tombales qui avoisinaient celle d'Afraid Again ne portait pas le nom qu'elle avait peur d'y lire. Ocëan Pearl était vivante, introuvable mais vivante. Son dernier souffle ne lui avait pas échappé. La future mère déposa les fleurs sur la tombe de sa demi-soeur et se permit un sourire. Son enfant connaîtrait sa grand-mère, elle en était à présent persuadée et surtout, rassurée.

Réservé:

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S’il existait bien une personne au monde pour apprécier cet endroit, c’était Hélium. Non pas qu’il aimait le sinistre, non, les tombes faisaient un bien piètre public et leurs soupirs ne répondaient en rien à ses attaques incessantes. Il aimait qu’on lui réponde ! Ou qu’on s’avoue vaincu par son incroyable supériorité. Les morts ne faisaient aucun des deux.

Ce qui lui plaisait, c’était le froid. Hélium crevait de chaud en cet été et les Terres Orphelines le laissaient peu respirer. La Maison était chaude, le Ruisseau était chaud – il ne s’y baignait pas, par peur de l’eau – et les Pluies ne faisaient que l’alourdir sans le rafraîchir. Ne restait que le Verger, mais il n’arrivait toujours pas à choisir les bons raisins et cela l’énervait.

Ainsi donc le mini-shetland se sentait comme un poisson dans l’eau. La fraîcheur glissait entre ses longs poils et caressait sa peau. Seule ombre au tableau : ce manque total de réaction chez les morts. Il aurait pu crier que cela manquait de vivants dans le coin, mais le cœur ne lui en dit point. Il avait un minimum de respect pour les morts. Ou du moins en aurait-il jusqu’à ce qu’il soit assuré que les siens ne dormaient pas ici.

Soudain, un spectre surgit des tombes et Hélium bondit en avant, trop heureux de voir un vivant. Il ralentit à mi-chemin, l’air suspicieux, en découvrant les formes de la lumineuse apparition. Il la connaissait, il en était certain. Sauf que ce gros ventre qui pendait de partout ne lui disait rien. Encore une dame pleine ! Décidément, ça n’arrêtait plus dans le coin.

Dis donc toi ! (Il l’apostropha de très loin, sans voir de qui il s’agissait.) Faut pas accoucher ici, hein ! C’est un peu glauque pour un microbe, non ?

Il s’approcha à toute vitesse, trop heureux de voir quelqu’un pour le laisser lui échapper maintenant. C’est ainsi qu’il reconnut très vite son amie Fifa. Le choc le cloua sur place, quelques mètres plus loin. La luciole était en cloque. Drame ? Joie ? Il lui avait soufflé pleins de bonnes idées pour s’occuper de son amant, mais il ne savait pas s’il devait être content qu’elle ait écouté ses recommandations.

Ben dis donc ! Le ver luisant a fait frotti-frotta avec la luciole ? Il avait pourtant pas l’air super motivé quand je le lui ai conseillé.

Une ombre se faufilait entre les pierres tombales, à peine plus haute qu'elles et Fifa la suivit des yeux avec un air intéressé. Hélium, es-tu là ? pensa-t-elle dans un sourire amusé. Elle ne s'attendait pas à croiser son (petit) ami dans un lieu si morne mais le poney faisait autant de remue ménage qu'un esprit frappeur et qui de mieux que lui pour mettre un peu de vie dans le Cimetière ? Il l'apostropha -c'était donc bien lui- et son sourire s'agrandit sans qu'elle ne cherche à répliquer. Elle n'était pas à la hauteur pour ça.

L'objet de ses pensées arriva à la sienne en trombe et elle éclata de rire quand il perdit ses allures de poney de course pour s'étonner de sa gestation. Lui qui l'avait pourtant conseillée ! Et si elle en croyait ses paroles, il avait rencontré Kuro... Fifa prit un air conspirateur et s'approcha pour chuchoter (sans baisser la tête, il n'aurait pas fallu le vexer).

« Un peu de vin et des vacances bien méritées, il n'y a que ça de vrai ! Tu croyais que je ne parviendrais pas à mes fins ? Comment oses-tu douter de mes charmes Hélium, voyons ! »

La crème secoua la tête, les yeux rieurs et le ventre rond tandis qu'à l'intérieur, le poulain remuait légèrement.

« Encore un peu et tu vas me dire que tu ne veux plus être tonton ! »

Et elle prit une mine faussement boudeuse, s'éloignant de quelques pas. Elle n'avait plus rien à faire là, les fleurs déposées sur la tombe de sa demi-soeur et le coeur léger. Ce n'était pas le cas de sa démarche, alourdie par la gestation aussi ne s'inquiéta-t-elle pas de semer Hélium. Cela ne risquait pas d'arriver. Le poney était de toute façon plein de ressources et ne se laisserait pas distancer sans rien dire. Il était assez bruyant pour dissuader de l'ignorer le plus coriace des équidés.

« Comment vas-tu, mon ami ? »

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Hélium pinça les naseaux et inspecta la jument crème de haut en bas et de droite à gauche, l’œil critique. Son ventre rond lui allait drôlement bien et il aurait juré que sa robe brillait avec plus d’éclat. La luciole s’épanouissait. Le mini-shetland était fier d’elle et de lui aussi parce qu’évidemment, c’était grâce à lui. Personne ne pouvait prouver que, sans son intervention, elle serait tombée enceinte.

Haha ! T’as bien fait ! (Evidemment, il approuvait.) Ohla ! ma douce. Pour qui tu me prends ! Je ne  doute pas de tes charmes, petite luciole, mais de la capacité de ton ver luisant adoré à y être sensible. C’est qu’il avait l’air un peu coincé, le géant blanc. En plus, il a fait que causer de toi tout du long, pas très sociable, la bête.

Le poney gardait un souvenir mitigé de cette rencontre et l’appréciait ou la dépréciait suivant le jour et son humeur. Kuro se frayait une place dans son estime presque naturellement par sa présence, ses quelques bons mots et ses relations (même si ce dernier point n’avait que très peu de poids pour Hélium). Il faudrait une nouvelle rencontre avec le blanc pour que le mini-shetland se fasse un véritable avis à son sujet. Enfin… « véritable avis »… Il en changeait si souvent que cela ne voulait plus dire grand-chose.

Tonton ?

Les yeux d’Hélium s’illuminèrent et il trépigna sur place, trop heureux pour se contenir. Bien sûr qu’il voulait être tonton ! Quelle idée ! Il ne lui avait pas conseillé de s’occuper de son compagnon pour être rejeté maintenant. On lui devait presque ça, non ? Peut-être pas, mais il n’accepterait pas d’être mis de côté.

T’entends ça la loupiote ! Tonton Hélium va s’occuper de toi !

Mais la belle Fifa s’éloignait et le mini-shetland s’en offusqua, la bouche ouverte sur un « hé ! » sonore qui aurait pu réveiller les morts. Nan mais oh ! Elle n’allait pas l’abandonner maintenant qu’il avait un neveu ou une nièce. Elle ne pourrait plus se débarrasser de lui, tant pis pour elle ! Il avait trop peur qu’elle change d’avis pour la laisser s’en aller. Hélium bondit donc à la poursuite de la jument (qui n’avait, en réalité, fait que quelques pas et n’était pas si loin). Il la rattrapa donc très vite et se maintint au niveau de son ventre pour lorgner sa rondeur excessive. Il espérait secrètement voir quelque chose bouger à l’intérieur.

Mal, mon amie ! Très mal ! s’écria-t-il soudain, ce qui correspondait peu à ses mots. Un cinglé m’a conté les louanges d’une terre que je n’arrive pas à trouver. J’ai fait cent fois le tour du Ruisseau, mais pas l’ombre d’une grotte ! T’es au courant de quelque chose ?

Hélium confirma ses doutes et Fifa sourit affectueusement à sa description de Kuro. Voilà qui était ressemblant, son compagnon était bourru. Mais comment aurait-elle pu s'offusquer qu'il n'ait que son nom à la bouche ? Elle-même l'avait souvent.

Le poney avait lui des étoiles dans les yeux quand elle mentionna son rôle de tonton et elle s'en amusa grandement. N'était-ce pas lui qui l'avait revendiqué ? Bah, elle ne dirait rien, si ça lui faisait plaisir qui était-elle pour tout gâcher ? Et puis, cela l'arrangeait bien, Hélium était une sacré girouette et changeait d'humeur au gré du vent, même quand il n'y en avait pas. Elle rit donc de bon coeur et se laissa contempler sans gêne. Si elle en croyait la longue tirade du shetland lors de leur première rencontre, il n'avait rien d'un voyeur et regardait son ventre, que son ventre et rien d'autre.

« Je suis sûre qu'elle va t'adorer. »

Et elle ne mentait pas, pensait sincèrement que la petite serait une pouliche et s'entendrait bien avec un oncle à sa taille. Elle-même était heureuse de savoir que Kokoï serait bien entourée. Si par malheur il lui arrivait quelque chose ou même à Kuro, leur enfant ne serait pas livré à lui-même. Fifa secoua la tête à cette pensée et la chassa sans attendre pour ne pas attirer le mauvais oeil. Il n'y avait pas de raison pour qu'il arrive quoi que ce soit à qui que ce soit.

Le cri du poney la ramena sur la terre ferme et elle baissa les yeux pour rassembler les pièces du puzzle qu'Hélium disséminait. Une grotte, un ruisseau, une terre qu'on ne trouvait pas... L'île était peuplée de terres mystérieuses et de mystères dont il fallait lever les voiles pour mieux connaître Horse-Wild. Enfin, la lumière se fit et elle sourit, heureuse de partager cette information avec son ami. Peut-être ne serait-elle pas seule à explorer la crypte légendaire.

« On m'a aussi parlé de cet endroit. La Crypte Flamboyante, sous le Ruisseau Sans Fond. Je pense qu'il faut plonger pour la trouver et je m'entraîne à retenir mon souffle depuis quelques temps afin de partir à sa recherche. »

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Bien sûr qu’elle allait l’adorer ! Qui osait en douter ? Personne, évidemment. Tout le monde l’adorait. Ceux qui disaient le contraire ne faisaient que se voiler la face inutilement. La vérité était là. Hélium la connaissait. L’île entière la connaissait.

Le mini-shetland ne fit aucune remarque sur le genre de la loupiote. Une pouliche ou un poulain, pour lui, ça ne faisait guère de différence. Il avait aimé chacun de ses enfants sans s’inquiéter de leur age, de leur sexe ou de quoi que ce soit d’autre de tout à fait idiot. Ce n’était donc pas avec les gamins des autres qu’il allait commencer à être sélectif. Au pire, de toute façon, rien ne l’obligeait à supporter le microbe toute sa vie. Si celui-ci ne lui plaisait pas pour x raison, il n’était que le tonton bien-aimé. Tout le monde sait que le tonton bien-aimé finit toujours pas partir du jour au lendemain pour poursuivre une quête qui ne le rend que plus admirable encore aux yeux de ses neveux et nièces. Hélium sera bien capable de faire ça.

La bouche lui en tomba presque quand la luciole répondit à sa question. Il s’était d’abord réjoui qu’elle soit au courant et avait tendu l’oreille pour capter les ragots directement de sa bouche. Il préférait croire les mots de son amie que d’un idiot croisé au détour d’un pied de vigne. Mais que disait-elle là ? Il ne voulait pas y croire !

Plonger ? couina-t-il, d’une petite voix.

Non, non, non. Il ne plongerait pas. La grossesse lui faisait-elle perdre la tête ? Il devait bien y avoir une autre entrée ! Quelle idée d’avoir foutu ça au fond d’un ruisseau… Hélium savait nager, bien évidemment. Il n’hésitait pas à le faire avant de débarquer sur l’île. Mais quelques risques de noyade – combien de fois déjà ? – le poussaient loin des étendues d’eau. Il ne voulait pas crever pour trouver une vulgaire grotte. À tous les coups, elle n’était pas si belle et il ne ferait que risquer sa vie pour rien.

J’ai peur de l’eau, Fifa, avoua-t-il en lançant un regard à son ventre rond, imaginant la loupiote recroquevillée à l’intérieur. Il était loin le temps où il baignait à longueur de journée sans craindre ni la vie ni la mort. Je ne plongerai pas. Mais si tu y vas – et bon dieu ! ne fais pas ça en cloque ! – reviens me dire ce qu’il y a de si bien là-bas. Peut-être qu’un jour ma peur partira. Qui sait… l’appel de l’aventure, de la découverte, le chant des sirènes, tout ça, tout ça.

Bien sûr, il était déçu. Et un Hélium déçu était à la fois dangereux et extrêmement susceptible.

Hélium ne semblait pas impressionné par sa réponse et plutôt pas rassuré. Fifa lui lança un regard à la dérobée, intriguée et manqua presque ses confidences. Elle l'écouta avec curiosité, surprise d'une telle admission mais ne fit pas de commentaire. D'un côté, elle était touchée d'être jugée digne d'en savoir autant sur le poney, de l'autre elle n'y pouvait pas grand chose et le lui dit à regret.

« Alors, je ne peux rien pour toi mon ami. Cyrius pourra peut-être t'aiguiller, c'est une connaissance fort aimable qui a de nombreux contacts je n'en doute pas, il domine les Terres Trompeuses. »

Elle hocha vivement la tête à cette idée. La crème comptait bien plonger prochainement, pendant qu'elle était encore capable de se porter mais il lui faudrait se montrer prudente. Il n'était pas question de mettre sa fille en danger ! Elle cligna des yeux, leur coin déjà humide rien qu'à l'idée. Et si le Ruisseau les emportait toutes les deux ? Elle serait bien avancée... mais il le fallait.

Comment convaincre Hadès de les nommer eux, Fifa et Kuro, s'ils ne lui prouvaient pas leur valeur ? Le Ruisseau Sans Fond cachait quelque chose, il faudrait le trouver et continuer à veiller sur le troupeau afin que les Terres leurs soient confiées. Si Hélium n'osait pas en faire autant... tant pis pour lui et tant mieux pour eux ! Elle prenait sa candidature au sérieux et ne crachait pas sur un avantage.

« Je n'ai pas vu Ouragant depuis longtemps, tu as de ses nouvelles ? demanda-t-elle soudain. »

La troisième concurrente était en effet particulièrement discrète et tout aussi sympathique. Fifa appréciait sa compagnie et lui souhaitait bien du courage si elle obtenait les Orphelines à leur place. Il lui en faudrait mais Fifa serait là pour la soutenir de la même façon qu'Ouragant l'encouragerait si la tâche lui revenait. Cette compétition amiable donnait une bonne image du territoire et de la divinité, elle en était persuadée.

La dernière rencontre des trois prétendants au titre s'était déroulée à la Maison Hantée et la crème y repensait douloureusement. La chambre d'enfant l'effrayait toujours, elle craignait d'y entrer et de trouver une forme immobile entre les draps humides. Peut-être étaient-ils secs depuis mais l'odeur de sang demeurait probablement et la couleur avait irrémédiablement imprégné le tissu...

« C'était une journée difficile, la dernière fois, confia-t-elle à son tour. Je... je perdais espoir d'un jour pouvoir dire cela Hélium, je n'y croyais plus et pourtant aujourd'hui, je peux dire que je serais bientôt maman. »

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Hélium aurait presque pu s’étrangler avec les mots de son amie. Il en fit un nœud, le passa autour de son cou et plongea dans le vide. La suffocation lui brûla la gorge et le poney reprit une inspiration en grommelant. Il détestait les suicides et les suicidés, mais ce qu’il détestait par-dessus tout, c’était de devoir mettre son ego de côté ou pire, de le piétiner à grands coups de sabots rageurs. Ce qu’elle lui proposait, c’était exactement ça.

Ne me parle pas de ce vil coquin ! cracha-t-il avec toute la haine de son corps.

Le mini-shetland était de mauvaise humeur et préféra médire de son ex-ami. Il gardait pourtant au fond du cœur une vieille fierté tout entière réservée à ceux qu’il appréciait. La nouvelle de la dominance des Trompeuses acquise par Minus lui fit un bien fou et il se détendit. La grande blonde était le meilleur candidat – et il nierait fortement toute insinuation sur ses connaissances limitées de Trompeurs – et méritait ces terres. Le poney prit tout de même un air bougon et fit mine de marmonner quelques insultes à l’adresse de Cyrius. Il fallait garder les apparences intactes. Il ne pouvait pas juste avouer que Minus lui manquait, bon dieu !

Hélium piétina le sol et prit le temps de réfléchir. Tornado, il ne l’avait plus revue depuis la dernière fois et se demandait sincèrement si elle ne lui avait pas menti. Il avait cru trouver un bon garde du corps, mais si elle disparaissait aussi vite, à quoi lui servait-elle ? Il aurait bien aimé la rencontrer en d’autres circonstances et discuter, pourquoi pas, de leur candidature. Fameuse candidature qui ne pourrait être validée que par un saut dans le Ruisseau. Le mini-shetland pesta en revenant à ce sujet. Tout le ramenait toujours à ce sujet.

Ma belle Tornado ! s’écria-t-il avec tristesse. Je n’ai pas de ses nouvelles. Ce n’est pas un garde du corps très efficace. Je me demande bien ce qu’elle a trouvé de plus important à faire que prouver à Hadès qu’elle veut ses terres…

Le poney jeta un coup d’œil à Fifa et retint tout au fond de lui les quelques remarques désobligeantes qu’il aurait pu lui faire. L’heure n’était pas à la rigolade. C’était de vraies peur et tristesse qui brillaient dans son regard. Il préféra garder pour lui que tout n’était pas encore gagné, que tout pouvait encore arrivé. Il avait perdu des enfants lui aussi, il savait ce que cela faisait. L’espoir, la joie, la confiance en elle… C’était tout ce qui pouvait lui arriver de mieux. Elle ne devait pas se laisser démoraliser.

Allons bon, ma petite luciole ! Personne n’en doutait ! Ces choses-là prennent du temps, il ne faut pas perdre patience. (Il hocha la tête au souvenir de ses propres enfants.) T’inquiète pas, va ! T’auras tout le temps de regretter quand ta loupiote te fera chier ! Haha !

Très fier de lui, Hélium prit de l’avance sur la jument. Au fond de son crâne revenait sans cesse la promesse d’un mystère au fond de l’eau. Il devait savoir, peu en importait le prix. Quelque chose le poussait à tenter l’expérience. À crever s’il le fallait, mais à prouver au monde qu’il n’était pas un dégonflé. Hélium plongerait.

Tonton sera là ! (Le poney s’arrêta pour que Fifa le rattrape et reprit le pas avec elle.) À ta naissance, petite loupiote ! Je serai là. (Il ferait tout pour.) Et si je suis pas là… Bah ! c’est que j’aurai sombré au fond du Ruisseau. (Il jeta un regard inquiet à la jument, comme pour la mettre en garde de ne pas tenter l’expérience.) Mais ça n’arrivera pas. Donc je serai là.

Fifa haussa un sourcil hypothétique et étonné à la réaction d'Hélium, qu'elle ne comprenait pas. Avait-il un différent avec Cyrius ? Connaissant le dominant des Terres Trompeuses, il était possible que les deux fortes personnalités ne se soient pas entendues. Il était aussi difficile de savoir s'il pestait pour la forme ou parce qu'il haïssait vraiment l'étalon alezan. Elle décida de ne pas s'en mêler pour ne pas s'attirer les foudres du poney.

Lui non plus n'avait pas de nouvelles de leur amie commune et sourit tristement aux questionnement d'Hélium. Elle n'avait pas de réponses à lui apporter si ce n'était qu'il était facile de se faire oublier sur l'île et se contenta de marcher. Fifa resterait attentive afin de ne pas louper Ouragant si elles parvenaient à se croiser mais elle ne s'inquiétait pas vraiment pour la jument noire. Ce n'était probablement rien de grave.

Elle rit faiblement de la tentative du shetland pour lui remonter le moral et le remercia avec un sourire plus convaincu qu'il ne l'était auparavant. Fifa voulait le croire et ne s'attarda pas sur ce qu'il ne disait pas, c'était inutile. Elle se demanda plutôt si Kokoï l'importunerait vraiment lors d'une crise d'adolescence malvenue et malgré les ennuis que cela promettait, eut hâte de voir ce moment arriver. Un jour sa fille serait grande et elle, fière d'être mère.

La crème était déjà amplement fière et prendrait le temps d'éduquer la pouliche avant tout. Elle ne la verrait probablement pas grandir et espéra qu'elle n'essayerait pas, sans le vouloir, de la faire grandir trop vite. Si ses parents étaient dominants, la petite ressentirait peut-être la même pression qu'elle et Fifa ne souhaitait pas qu'elle connaisse ce sentiment. Elle soupira et rattrapa Hélium qui l'avait distancée, pour mieux le dépasser et s'éloigner.

« Tu y seras le bienvenu. Pour le moment, c'est ici que nos chemins se séparent. Merci Hélium et à bientôt ! »