Jurassic || Ace

Toujours plus de visites. De nouveaux endroits à découvrir. On en entend, des choses, sur les différentes terres du continent, mais certaines intéressent plus que d’autres, au début.

Comme celle-ci.

C’est une montagne tout ce qu’il y a de plus banal. Il a entendu des choses, à propos de cette montagne en particulier, mais ce n’est pas une balade dans les pentes escarpées qui lui a prouvé la véracité des rumeurs. Encore une fois, il est déçu par le produit final.

Certes, il y a beaucoup de brume et il a parfois du mal à y voir. Certes, les rochers sont pointus, et il faut faire attention à ne pas glisser; mais Ace n’a pas été témoin d’une quelconque présence spectrale. Où sont les sacrifices Inca qu’on lui avait promis? Il a pourtant écouté attentivement. Rien. Pas une voix. La déception est grande.

Décidément.

Il en est sûr, un jour il trouvera un endroit parfait, intéressant et répondant à tous les critères promis. Ce n’est pas aujourd’hui, cependant.

Ah, well.

Il tend l’oreille une nouvelle fois, souhaitant donner une dernière chance aux fantômes des sacrifiés de se manifester. Il n’obtient pas le résultat voulu, mais il entend tout de même quelque chose (de bien trop fort, s’il peut se permettre).

Un hennissement. Apparemment, quelqu’un dans le coin n’a rien d’autre à faire que de se prendre pour un loup qui hurle à la pleine lune.

Il n’y a même pas de lune.

Ace est tout de même intéressé, et c’est donc d’un pas enthousiaste qu’il continue à grimper, se dirigeant (il l’espère) vers l’inconnu ayant décidé de briser le silence sans raison valable. La montée n’est pas palpitante, mais il finit enfin par arriver à destination: se tient devant lui un cheval qui, parfait, se retourne pour lui faire face et- GOODNESS GRACIOUS.

Après les fantômes, les zombies. Mais qu’est-ce que c’est que ce pays?

Le cheval en face du pie ne sent même pas le cheval. On dirait qu’il sort d’une année entière à vivre dans les poubelles. Non content de sentir extrêmement mauvais, il est aussi horriblement moche. Il lui manque un oeil, et son statut de zombie est affiché en lettres criardes par le manque d’uniformité de sa peau. Comprenez par là, il lui manque des bouts de chair. Soit il s’est battu une centaine de fois en quelques heures, soit c’est un mort-vivant. Ace ne l’a pas vu marcher, mais il mettrait sa queue à couper qu’il boite.

Dans tous les cas, il aurait bien besoin d’un rendez-vous avec un chirurgien esthétique.

En plus d’être extrêmement repoussant physiquement, Quasimodo a un caractère de chien. A peine Ace a-t-il posé un sabot dans le périmètre que l’étalon (il suppose que c’est un étalon, on ne sait jamais vraiment avec les zombies animaux) se met à crier sur tous les toits qu’il faudrait apprendre à ne pas déranger les inconnus.

Le pie regarde à sa gauche. A sa droite. Derrière lui. Non, pas de doute, il est bien seul avec la momie sur pattes. Tiens donc.

- Pardon, c’est à moi que vous parliez?

Il prend le temps de finir sa phrase avant de faire un pas en arrière, le nez retroussé. L’odeur que dégage son nouvel interlocuteur est définitivement trop odieuse. Il songe presque à lui offrir du parfum, mais quelque chose lui dit qu’un conseil beauté serait mal pris.

I see trouble on the way.

Il est difficile de déterminer l’âge d’une moitié de cheval. C’est ce que se dit Ace en observant son nouvel interlocuteur. Comment peut-il l’analyser quand il lui manque un oeil et plein de peau? Difficilement, voilà comment. Il pense pouvoir affirmer que le cheval est noir (ou du moins l’était, il est dur d’en être certain sous toute cette poussière, sans compter la brume), et sa tête est suffisamment intacte pour déterminer que c’est un arabe.

C’est déjà ça.

Reste le problème de l’âge. Parce que l’étalon (il part maintenant du principe que c’est un étalon, because reasons) n’a pas l’air commode, et il paraît important à Ace de déterminer dès maintenant s’il peut se battre ou s’il devra fuir.

Il n’est pas spécialiste, mais, même sous cette couche de zombie, il en est presque sûr, le cheval a plus de dix ans. Il n’est plus tout jeune. Ace, dans toute sa fougueuse jeunesse de tueur à gages sans regrets, est capable de l’affronter.

Au moins, c’est décidé.

L’autre étalon est définitivement en train de l’analyser aussi, et le pie se retient à peine de lui demander s’il apprécie ce qu’il voit.

Zombie-boy aime la tchatche, il semblerait. Du moins c’est ce qui ressort de son discours à rallonge, probablement censé démontrer son intelligence…? Son sens de la répartie…? Son vocabulaire…? Sa capacité à faire comprendre aux gens qu’ils ne sont pas les bienvenus…? Ou juste, le fait qu’il sache parler. Français. Sans trop de fautes de conjugaison. C’est déjà une bonne avancée. Il n’a pas affaire à un illettré.

L’illettré, cependant, n’aurait peut-être pas pris la parole pour tenter de l’insulter. Remarquons bien le mot tenter, parce que soit il y a été doucement, soit il est vraiment nul en insultes. Est-ce que c’était censé blesser son égo?

T’es étrange, toi. Well, duh? Il dit ça comme si le pie n’était pas au courant. Evidemment, qu’il est étrange. C’est pas tout le monde qui part à tout va tuer des gens avec des noix de coco, tout de même. Enfin, pas à sa connaissance. Peut-être que l’autre aussi a déjà tué quelqu’un avec une noix de coco. Il a l’air assez amoché pour avoir combattu et même tué plusieurs personnes. Pourquoi pas de cette façon, du coup.

Ou alors, peut-être qu’Ace est le seul à avoir déjà commis un meurtre par fruit à coque. Qu’un autre l’ait déjà fait lui paraît relativement absurde.

Et puis surtout, ce n’est pas la seule raison pour laquelle il est étrange. Il lui semble.

- Alors, premièrement: je sais.

Peut-être qu’il avait l’air bête (qui sait, c’est pas comme s’il avait un miroir à sa disposition), mais Ace reste un minimum intelligent. Nom d’un chien. Il est capable de se connaître.

- Deuxièmement: ça faisait beaucoup trop de mots juste pour m’insulter. Apprends à synthétiser.

Sérieusement, le cheval-zombie devrait prendre des cours pour parler moins.

- Enfin, troisièmement: c’est vachement gonflé de la part du cheval qui pousse des grands hennissements au hasard en pleine montagne. Mais moi, j’dis ça...

Son devoir de remise en place accompli, il ne sait plus trop quoi dire. Il en bâille même un petit peu. Lui aussi a tendance à un peu trop parler, manifestement. Il lui faut décidément travailler sur ce point. Note mentale: prendre des cours d’abréviations.

I see bad times today.

Ca y est. Il a compris. On ne peut pas, en toute bonne conscience, se battre au point de devenir borgne et de ressembler à un zombie. C’est du simple masochisme, sans compte que ça doit être épuisant. Et qu’on doit donc perdre les combats. Highlights: c’est donc inutile.

Ace est cependant en train de faire face à un spécimen de ce genre, et il a une théorie: le cheval s’est fait cela lui-même (comment, il n’en sait rien, cependant). Il doit avoir une raison, tout de même, et le pie est presque certain que ce doit être une question de peur. Il ne connaît pas le cheval noir depuis très longtemps, mais il peut déjà voir (et sentir) l’égo surdimensionné. Il ne serait même pas étonné d’apprendre que l’arabe s’est automutilé pour pouvoir faire peur.

Peur à qui, cependant? Il n’est pas très effrayant. Il inspire plus le dégoût et la pitié que la peur, si vous voulez son avis.

Peut-être les poulains? De très jeunes chevaux de quelques mois seraient probablement terrifiés. Mais où est l’intérêt de faire peur aux poulains? Ace ne comprend toujours pas. De toute façon, tout cela reste une théorie.

Il lui faut revenir au présent.

Il a parlé en trois fois, et il a bien l’impression que le cauchemar ambulant a analysé chacune de ses paroles une par une. C’est qu’il est intéressé. Le commentaire sur ses hennissements aléatoires a bien l’air d’avoir touché une corde, et Ace esquisse un petit sourire presque invisible.

Gagné.

Attendant une quelconque réponse de la part de son interlocuteur, il considère l’idée de bouger. Pas qu’il n’aime pas rester debout en tête à tête avec un inconnu, mais dieux que c’est ennuyeux. Il n’a pas le temps de bouger un sabot, cependant, parce que la réponse arrive.

Le zombie devrait travailler sur sa répartie. Aborder le sujet de la maman, c’est so 3 ans plus tôt.

Le pie le regarde, les yeux vides. Il a au moins eu une confirmation: si on en est arrivé à respecte tes aînés, l’autre cheval doit être bien plus vieux que lui. Et il le sait. Tant mieux. Ca fait déjà ça de moins à lui faire comprendre. Avec un peu de chance, la rencontre va se passer calmement. Mais passons: il faut répondre.

Il se demande pendant une seconde s’il devrait aborder le sujet de l’incident à la noix de coco. Il arriverait peut-être à faire rire un mort-vivant? Ce serait une belle addition à son livre de réussites. Est-ce qu’il a déjà ri une seule fois dans sa vie? Ace en doute.

- Maman? Non elle m’a pas appris grand-chose, je l’ai trop embêtée pendant la seule année où j’l’ai connue, et quand je me suis fait chasser après le meurtre elle avait probablement trop peur de moi. Et honnêtement, aîné ou pas, j’suis pas trop dans tout ce qui est respect en général.

Et voilà qu’il parlait encore trop. Heureusement qu’il n’avait pas abordé le sujet de la noix de coco, sinon il aurait pu parler pendant des heures. Et personne n’aime une pipelette. Quoi qu’en vérité, le cheval-zombie n’aimait probablement personne de toute façon. Alors pourquoi faire un effort?

D’ailleurs, maintenant qu’il y pensait, l’autre n’avait pas l’air d’être un grand adepte du respect non plus. Un peu ironique.

I hear the voice of rage and ruin.

La chirurgie esthétique ne pourrait en fait pas faire grand-chose pour ce cheval. C’est la nouvelle pensée d’Ace. Il ne peut pas s’empêcher de méditer sur l’apparence du noir. La chirurgie tout court pourrait marcher, recoudre tous ses trous, mais au final? A moins de remplacer toute sa peau, une chirurgie plastique ne serait pas bien utile.

Et puis, c’était sympa, les cicatrices. Quoique, en avoir trop était probablement redondant.

Le mort-vivant le jauge, et Ace sent que le jugement n’est pas bon. Il décide cependant de mettre ça sur le compte de la jalousie. Il est jeune, beau, propre, et sain d’esprit. Il comprendrait si l’autre l’enviait.

Sauf que l’autre fait comprendre qu’il s’ennuie, avant de lui répondre.

Pour un cheval âgé qui demande le respect, il est tout de même bien irrespectueux. Il manque toujours cruellement de répartie, d’ailleurs. Mais après tout, peut-être que ce genre de réponse est blessant pour certaines personnes. Ca ne frôle même pas l’égo d’Ace, mais tout le monde est différent, n’est-ce pas?

Le plus drôle dans l’histoire est probablement le fait que l’autre étalon a tout retenu de sa réponse… sauf le mot “meurtre”. Soit il est idiot, soit il est moitié sourd, soit il a l’habitude de tuer des choses et le mot ne lui fait plus aucun effet. Ce qui est moyennement rassurant.

Mais qu’importe! Le zombie pense que sa mère l’a abandonné. Et ça, alors ça, c’est la première fois que le pie l’entend. Tout le monde a généralement compris pourquoi il n’a jamais revu sa mère, mais lui? Non, lui pense qu’elle l’a laissé. Ace secoue un peu la tête, se donnant l’air de réfléchir.

- Abandonner, c’est un bien grand mot. J’veux dire, j’ai quand même tué quelqu’un devant ses yeux, je sais pas comment ça se passe dans la tête des gens normaux mais il me semble que c’est mal vu.

Au souvenir de ce moment fabuleux, il commence à sourire. Puis à rire. Jamais il ne se lassera de ce jour. Jamais. Il ferme les yeux en gloussant, et ne peut pas s’empêcher de faire un commentaire sur son premier meurtre.

- C’était quand même drôle, je veux dire, t’aurais vu sa tête! La noix de coco lui a explosé le crâne, il y avait du sang partout, c’était magique. Il est mort tellement vite. Et tout le monde me regardait. Il relève la tête, un grand sourire sur les lèvres. Un conseil, zombie: ne sous-estime jamais le pouvoir des noix de coco.

Il regarde en l’air, toujours souriant. Rire faisait du bien, au final.

Don’t go around tonight.

S’il fallait résumer son analyse de l’inconnu (plus très inconnu, du coup quoi qu’il ne connaissait toujours pas son nom), Ace aurait ceci: un cheval tellement sale et zombifié que même la chirurgie esthétique ne pourrait rien faire, un peu idiot sur les bords, égoïste, imbu de lui-même, irrespectueux, sans répartie, un peu trop vieux, agressif, et bizarre.

Pas mal.

Et voilà qu’il venait à nouveau avec ses réponses fausses.

Meurtrier? Non. Non, il n’aime pas ce mot. C’est tellement en désaccord avec la façon dont il se voit. Non, ça ne va pas. Il faut qu’il le corrige, et maintenant. Il secoue la tête, commençant à contourner l’autre étalon.

- Meurtrier, c’est tellement banal et agressif. Je suis un artiste, moi, monsieur. Un génie. Si tu veux partir pour un surnom aussi banal, je préfère Tueur à gages. Mes clients étaient plutôt satisfaits.

Et puis, l’apothéose. Le Graal. Incroyable. Magnifique. Vive Ace. Il a réussi à faire rire le cheval zombie. C’est discret, et presque impossible à voir, mais il le sait, le visage neutre n’est qu’une façade. Il a trouvé son histoire très drôle.

Gagné, encore une fois.

Il est clair cependant que raconter comment on a tué un cheval avec une noix de coco ne le fait pas remonter dans son estime. C’est vrai, on pourrait croire que c’était un accident. En un sens, ça l’était. Mais il savait à quoi s’attendre. Il aurait pu arrêter la noix de coco avant qu’elle ne tombe. Mais, aussi jeune qu’il était, il avait voulu faire une expérience. Et elle avait marché. Au diable ce que pense ce cadavre ambulant: Ace a beau être étrange, il n’en reste pas moins très intelligent.

Le noir a l’air intéressé par l’histoire, mais ç’en est déjà fini pour le pie. Il a raconté son passé, et ça suffit. Il n’a aucunement l’intention de devenir l’ami de cette horreur sur pattes. Merci, mais non merci.

D’ailleurs, il ne demandera même pas à ce que zombie-boy lui raconte le sien. Quelque chose lui dit que la mort y joue aussi un rôle décisif, et ça fait assez de cadavres pour la journée. Il parle à un mort-vivant, tout de même.

Il s’ennuie de nouveau, du coup, et fait le tour de l’étalon pour observer le vide derrière lui. Rien de bien neuf, des nouveaux rochers à perte de vue, encore plus de brume. Il va lui falloir changer la conversation.

- A part ça, qu’est-ce que tu faisais seul à hennir dans le vent comme un con? Sans offense.

En vérité, il avait très envie de voir ce que donnait un zombie énervé.

Well, it’s bound to take your life.

Passée l’analyse physique et psychique du personnage, Ace ne trouve plus rien à dire sur le cheval en face de lui. Il a déjà tout vu. Tout entendu. La seule chose qu’il ne sait pas à propos de cet étalon, c’est son nom. Et il doute qu’il l’aura un jour. A son humble avis, il peut toujours rêver (mais non, il n’en rêvera pas, parce que ça voudrait dire rêver du zombie et yeurk).

Alors il continue à regarder le paysage, tournant le dos à l’autre.

Il se dit pendant une seconde qu’il aimerait bien aller tout en haut de la montagne, là où il est difficile de respirer, juste pour voir si la brume y est encore plus épaisse. Peut-être que de là-haut, on peut voir tout le continent. Pas juste le territoire autour du mont. Et puis, qui sait ce qu’il pourrait trouver, tout en haut? Oui, il faudrait vraiment qu’il tente de grimper jusqu’au bout, un jour.

Pas aujourd’hui, cependant, puisqu’il doit porter son attention sur un étalon noir caractériel.

Et puis...

Soyons d’accord. Le cheval noir a au moins une dizaine d’années de plus que lui. Il est plus vieux, il devrait donc être plus mature. Plus simple. Alors pourquoi diable Ace a-t-il le droit à un coup de pied dans la cuisse et un faux “oups” de la part de son aîné? Quand est-ce que les rôles ont été inversés? Il se moque de lui depuis tout à l’heure, certes, mais le pie ne lui a rien fait. Il est resté courtois, heck, il l’a même vouvoyé au début. Il n’a pas mérité cela. Pas du tout.

Mais il ne va pas donner une victoire au zombie. Ca aussi, c’est hors de question. Alors il décide tout bonnement de l’ignorer. Après tout, ce n’est qu’un coup de pied. Pour l’instant, tout va quand même bien.

Enfin, il lui semble.

Aucun des deux n’a fait de mouvement pour vraiment attaquer l’autre. Le mort-vivant n’est tout de même pas assez suicidaire pour ça, si? Pas qu’Ace le sous-estime. Non, s’il est encore vivant et en condition relativement correcte dans son état, c’est qu’il est tout de même robuste. Mais il ne faut pas se faire d’illusion: le pie ne perdrait pas un combat. Pas ici. Pas maintenant.

Il a mangé il y a moins d’une heure, il a assez dormi cette nuit, et il est toujours jeune au dernières nouvelles. Ca compte, non?

Assez parlé de combat, cependant. Ils n’en sont pas encore là. Et l’arabe n’a pas l’air de remarquer à quel point Ace se moque de lui depuis tout à l’heure. Alors, pourquoi ne pas continuer? Sa réponse fait du sens, après tout. Il a autant la démonter comme il peut. Il se retourne pour faire de nouveau face à son interlocuteur.

- Certes. J’étais venu dans l’espoir d’entendre des spectres, cependant, pas un cadavre ambulant.

Et il lui donne un sourire des plus innocents.

There’s a bad moon on the rise.

Ace n’a jamais vraiment été mature. Il faut dire les choses comme elles sont. Il n’éprouve pas de réelles émotions, n’a aucune idée de ce qu’est le regret, a tué de nombreux congénères et s’en est souvent amusé, mais malgré tout ça, il n’a jamais été vraiment adulte.

Il faut croire que quitter sa mère après seulement un an ne vous aide pas à grandir correctement. Mais au diable tout cela, il s’en moque, parce qu’il est libre. S’il y a une chose qu’il sait, c’est que les sentiments et les émotions ne font que vous ralentir, vous empêcher de faire certaines choses. Elles vous font douter, penser à deux fois avant de faire quoi que ce soit.

Oui, Ace est libre, il vole de ses propres ailes depuis des années maintenant, et il a vu et vécu plus que de nombreux autres plus âgés. Il pourrait sauter de cette montagne, là, tout de suite, si il n’était pas sûr d’en mourir, juste pour tenter.

Mais il a rencontré ce cheval de cauchemar, ce zombie censé être effrayant, et il se sent moins libre que prévu. L’autre est étouffant, non seulement par son odeur mais aussi par son physique, et même par son psyché.

L’étalon noir devrait avoir plus de sagesse, de par son âge.

A la place, Ace se retrouve face à un mort-vivant qui ne trouve rien de mieux à faire que de le taper ou bousculer, simplement parce que ça l’amuse. Un enfant. Lui qui se pensait jeune.

Le zombie est en train de lui tourner autour, prenant soin d’éviter le vide (dieux qu’Ace est tenté de le pousser dedans), et, bien évidemment, dans toute sa maturité, le bouscule de nouveau. Après la cuisse, l’épaule. Quelle partie du corps sera la suivante? Faites vos jeux!

Il commence sérieusement à lui taper sur les nerfs. Mais Ace n’a pas particulièrement envie de se battre aujourd’hui, et il a remarqué que son interlocuteur n’a pas énormément de patience. Too bad. Le pie en a une tonne. Il pourrait rester là des heures à subtilement l’insulter, sans jamais se lasser. Alors, la solution, c’est de continuer à l’ignorer et à lui balancer des réponses qui ne le mettent pas en valeur. Il finira bien par partir. Peut-être. Et Ace pourra continuer à explorer la montagne.

Imbu de lui-même comme il est, le noiraud pense toujours qu’il est venu ici juste pour lui, que le destin l’a mené à un mort ambulant comme lui. Il se retient de lui crier stop, et décide à la place de répondre de façon calme, posée et mature.

- Malheureusement je cherchais à entendre les cris de sacrifiés humains. Jusqu’à preuve du contraire, tu ne réponds pas à ces critères.

Il secoue l’encolure, cherchant à éliminer quelque poussière ayant bien pu s’y accumuler. C’est que ces roches ne sont pas très propres.

I see a bad moon arising.

Plus il le regarde, plus il le trouve moche. Comment peut-on vivre au quotidien avec l’allure d’un zombie et l’odeur d’une déchetterie? Comment est-il possible de vivre avec soi-même lorsque l’on ressemble à un macchabée? Halloween, c’est fini. Il faut passer à autre chose. Mais non, son interlocuteur a l’air tout à fait à l’aise dans son statut de mort-vivant. Et n’a pas non plus l’air de vouloir acheter du parfum.

Ace songe sérieusement à abandonner la conversation juste parce que l’air commence à être irrespirable.

Mais il a sa fierté, et il se doute bien qu’un abandon de sa part serait une victoire pour l’autre, alors il abandonne cette pensée. Il va rester. Il lui suffit juste de trouver un moyen de ne pas penser à ce qu’il respire. Facile, n’est-ce pas?

La montagne a l’air plutôt accueillante, si on en oublie les visiteurs du genre du noir.

D’ailleurs, le pie ne connaît toujours pas son nom. Il n’a cependant pas l’intention de lui donner le sien, et n’a donc que peu de chances d’apprendre celui du zombie. Pas comme si il en avait quelque chose à faire, de toute façon. A-t-il vraiment besoin de le connaître? (en vérité, oui, on ne sait jamais, ça peut toujours servir)

La remarque d’Ace sur les humains a l’air de faire remonter de lointains souvenirs, et il regarde, abasourdi, le cerveau du noir (s’il y en a un) tourner à plein régime. Il doit se souvenir de quelque chose. C’est la seule explication.

Quand il sort de ses réflexions, l’arabe a l’air extrêmement énervé (pas assez pour effrayer le paint, malheureusement), voir même furieux, et est en train de le tuer avec son regard. C’est que ça devient intéressant.

Sa réponse est presque murmurée, à peine audible, sortie entre des dents serrées, mais le pie réussit à l’entendre quand même.

Apparemment, il a touché une corde sensible. Il a trouvé une faiblesse dans la carapace. Encore un point pour lui. C’est qu’il gagne beaucoup, aujourd’hui. Next step: le faire fuir.

L’étalon a l’air prêt à le tuer sur place (qu’il vienne, Ace est chaud, il peut totalement se le faire), et en même temps il a l’air prêt à partir au grand galop. Le grand méchant loup aurait-il trouvé le chasseur avant d’avoir mangé mère-grand?

Selon zombie-boy, les humains méritent de mourir. Le pie revient sur sa phrase précédente. Il a pourtant bien dit “sacrifiés”. Est-ce que le noir manque de vocabulaire?

- Le principe d’humains sacrifiés, c’est qu’ils sont déjà mort, idiot. Et si entendre des spectres ne t’intéresse pas, grand bien te fasse, écoute. J’ai pas besoin de toi pour faire le tour de la montagne.

Il finit sa phrase avec un grand sourire. L’autre a définitivement envie de le tuer. Il peut voir le flash de meurtre dans ses yeux. Et il a extrêmement envie de voir s’il va agir.

I see earthquakes and lighting.

La Montagne était bourrée de rumeurs. Rumeurs qu’Ace avait entendu il y a peu, des rumeus assez surréaliste- cependant, les terres entières semblaient un peu bizarres. Elles étaient pleines de vestiges d’une civilisation humaine ayant jadis habité ici. Il devrait aller visiter l’Usine, à l’occasion.

La Montagne avait été son premier choix, parce que les on-dit étaient plus intéressants. On dit qu’il fut un temps, les Incas venaient ici faire des sacrifices. On dit qu’ils tuaient les leurs pour des raisons qui sont encore obscures dans l’imagination de la plupart des chevaux. On dit que les spectres de ces sacrifices hantent encore l’endroit, et enfin, on dit qu’on peut les entendre.

C’est la seule et unique raison pour laquelle le pie est ici, maintenant.

Mais s’il avait su qu’au lieu de trouver des spectres, il rencontrerait un être de chair et d’os (surtout d’os) relativement exécrable, il aurait passé son chemin et été visiter autre chose.

Il faudrait vraiment qu’il apprenne à choisir ses visites correctement.

Il a fait une gaffe, manifestement, parce que le noir semble effectivement énervé maintenant. Ace devrait probablement songer à fuir, ou à se préparer à se battre, ou que sais-je, n’importe quoi qui fasse du sens; à la place, il se demande ce qui a vraiment touché le mort-vivant. Il parie sur le “idiot”, mais rien n’est sûr. L’arabe est tellement imbu de sa personne, la simple perspective de ne pas être nécessaire pourrait probablement l’enrager.

Peut-être la phrase entière, du coup.

La réponse ne tarde pas à venir, Ace se fait proprement fusiller du regard. Lui est toujours blasé à souhait, voir un peu exaspéré, parce qu’il avait vraiment envie de visiter cette montagne, dammit. Mais le noir maintient: les spectres, il faut les voir (peut-être qu’il est spécialiste des spectres?), et surtout, le pie a besoin de lui, absolument monsieur, il connaît la montagne par coeur et tu as définitivement besoin d’un guide Ace, surtout un aussi égoïste, chiant, immature et dégoûtant que celui-là.

DÉFINITIVEMENT, ACE. RÉFLÉCHIS DONC.

Le paint ferme les yeux et tente de respirer correctement. C’est qu’il commence à lui taper sur les nerfs, le vieux.

- J’ai l’air d’en avoir quelque chose à foutre, de ta connaissance parfaite des spectres ou de la montagne? Parce que si c’est le cas il faut me le dire, je change d’attitude tout de suite.

Pour seule réponse, l’immaturité légendaire fait son grand retour- à la place d’un coup bien placé, on commence à en arriver aux cailloux.

Reste calme, Ace. Il ne faut pas attaquer. Tu as autre chose à faire. Tu peux éviter le conflit. Ne tente pas de le jeter dans le vide.

Non content de lui jeter des cailloux sur les sabots -s’il veut lui polir la couronne, il faut le dire, hein-, l’arabe zombie décide de lui montrer toute l’étendue de sa capacité à trotter, tournant en cercles autour de lui, la queue en panache (#JustArabianThings).

Bien.

Et il parle, encore, toujours. Il a la délicatesse de reconnaître l’intelligence du pie (eh bien, merci), mais recommence à lui balancer des âneries. Moi, je, je, moi, il parle de nouveau de lui-même, et il se complimente, en plus.

Sérieusement, qu’a donc fait Ace aux dieux pour mériter ça?

Le noir s’arrête au bord du vide, et il faut toute sa force d’esprit pour ne pas le pousser. Non, à la place, il lui faut répondre. Ca va le distraire.

- Honnêtement, Zombie-boy, je m’en fiche pas mal de tes prouesses, ton incroyable immaturité a pris le dessus sur ton apparence depuis quelques minutes.

Faisant fouetter sa queue, Ace fait quelques pas dans la direction opposée, regardant avec grand intérêt le mur de pierre sur le chemin. Au moins, elles ne l’agressent pas.

I fear rivers over flowing.

Les oreilles de son interlocuteur se plaquent sur sa nuque, et il ne trouve rien de mieux à faire que de l’imiter; les oreilles également en arrière, parce que merde, il reste un étalon et il a une certaine fierté, d’autant plus qu’il a tout sauf peur de l’apparence morbide de l’autre.

S’il a envie de lui manquer de respect, ainé ou pas, il lui manquera de respect. Pas comme si il en avait reçu beaucoup, au contraire. S’il y en a un qui devait s’excuser et respecter son interlocuteur, ce n’est sûrement pas lui.

Est-ce qu’il l’a tapé ou bousculé? Non. Non, il n’a fait qu’être poli et respectueux, sans recevoir le même traitement. Alors s’il a envie de s’énerver verbalement, il s’énervera verbalement, nom d’un chien.

L’exaspération d’Ace n’a d’égal que la vulgarité qu’elle a enclenché, et qui n’est manifestement pas au goût du noir. Tant mieux, puisqu’il vient de dire qu’il n’en a strictement rien à faire, mais le même cheval qui complimentait son intelligence quelques secondes plus tôt se retrouve à lui demander ironiquement s’il est surdoué.

Alors le pie lui répond avec la même ironie, parce qu’on a que ce qu’on mérite.

- Ouaip. Un vrai génie, en vérité. T’as juste pas l’air du guide touristique sympa et compréhensif dont on parle dans les brochures.

Le paint ne fait que se détourner pour avoir une meilleure vue, mais l’autre voit ça comme une tentative de fuite.

Partir? Ace est prêt à lui rire au nez. Non, il n’a pas l’intention de partir. Il essaie simplement de réfléchir à comment il pourrait échapper au mort-vivant qui les lui brise depuis tout à l’heure. Mais apparemment, il n’a pas l’air très enclin à lui foutre la paix, donc le paint fait avec. Partir au grand galop vers le sommet de la montagne (c’est qu’il a encore envie de la visiter, pardi) serait probablement une victoire pour son interlocuteur, il est donc coincé.

Il faut qu’il trouve un moyen de le faire partir.

Parler des humains, une corde sensible, n’a pas été assez. Peut-être qu’il pourrait l’exaspérer tout autant que lui l’est déjà. Ou alors briser son ego, qui est tellement gros qu’une représentation physique pourrait rouler le long du chemin sur la montagne en tentant d’écraser Indiana Jones.

Mais l’orgueil de l’arabe n’est qu’une idée, sinon il aurait fait gonfler ses boulets, alors Ace prend sur lui et se contente de répondre avec le ton détaché qu’il tente d’avoir à tout moment de sa vie.

- J’étais seulement en train de songer à ce que je vais manger ce soir. Je pensais à un cake aux carottes. Fifa me laisserait peut-être utiliser la cuisine de la maison hantée, mais j’me disais qu’il y a peut-être une machine qui fait ça dans l’Usine. Faudrait que j’aille voir.

Il ne jette toujours pas un seul regard au cheval-zombie, qui s’approche toujours. Un vrai pot de colle, celui-là.

I hear hurricanes a-blowin’.

Au fond, quel est le nom de l’arabe?

Ace l’a rencontré depuis un moment, maintenant, et il n’a jamais eu une seule idée de son vrai nom. Non parce qu’au bout d’un moment, il arrive à court de surnoms pour lui faire référence. C’est vrai, quoi, le cadavre ambulant est bien né à un moment donné, une maman a du le nommer. Et si non, il s’est forcément donné un nom.

Lucifer discount devrait songer à lui donner. Même juste comme ça, pour la forme. Ca pourrait faire partie de son caractère, quelque chose comme Je m’appelle Machin-truc, prepare to die.

Oui, il aimerait bien savoir quoi employer pour lui parler. Même s’il a un pressentiment que ça ne va pas arriver. Tant pis.

La mention de Fifa semble intéresser le zombie, qui sourit d’une façon qui se veut diabolique. Il a peut-être des plans pour elle. Ace pourrait être méfiant et tout ça, parce qu’il aime bien la jument au fond (elle a tout de même partagé un tonneau de vin avec lui), mais il ne l’est pas. Parce qu’il a rencontré Fifa, et qu’elle botterait la croupe d’un mort-vivant sans problème. Dans tous les cas, elle a un étalon. Ca doit faire du renfort.

Et puis le noir entend le mot Usine, et le paint a manifestement trouvé une autre corde sensible, parce que son attitude change drastiquement et devient agressive- et puis il le menace. Ace n’a apparemment pas le droit de mettre un pied dans le lieu, par peur de se faire couper ledit pied par un cadavre en colère. Pied qui serait ensuite utilisé pour nourrir les poulains qu’Ace n’aura probablement jamais, parce qu’apparemment c’est quelque chose que les chevaux font dans ce pays. Zombie-boy a l’air tout à fait sérieux et l’approche de façon menaçante, probablement pour lui faire peur.

Ace cligne des yeux et le fixe.

Une seconde.

Deux secondes.

Trois secondes.

Et puis il éclate de rire.

Il en a les larmes aux yeux, il baisse la tête, il bouge pour avoir un meilleur appui sur ses jambes histoire de ne pas tomber. Son fou rire est incroyablement fort, il en entend l’écho dans la montagne, il ne songe même pas aux répercussions qu’il peut avoir, parce que c’est beaucoup trop drôle. Parce que juste avant ça, il était exaspéré, et frustré, et il voulait juste partir explorer le lieu, et que toutes ces sensations sortent dans cette hilarité. Il est de nouveau vide de sentiments, il a du mal à sentir sa tête, et le rire est toujours là.

Il renifle, secoue la tête, et son fou rire meurt peu à peu, laissant place au silence habituel de la montagne. Dieux qu’il aimerait pouvoir sécher ses yeux.

S’il ne rit plus, il a toujours un beau grand sourire.

Il jette un regard vers la partie vide de la montagne, là où il peut observer l’horizon, dans l’espoir de calmer ses nerfs vifs, avant de se tourner de nouveau vers son interlocuteur sans pour autant le regarder.

- T’as songé à faire comique? Non parce que te prendre pour le dominant des terres et me menacer, moi, c’était vraiment beaucoup trop drôle. Vraiment, y a une carrière. Trouve-toi un agent, mec.

Il pousse un autre petit rire, ayant tout de même du mal à calmer son amusement. Il faudrait qu’il travaille pour arriver à canaliser tout ça. Ca pourrait lui poser des problèmes. Oh, wait. Il s’en fiche.

- Non, plus sérieusement, pépé, tes menaces va falloir les essayer sur quelqu’un d’autre parce que ça ne marche pas sur moi. Bien essayé, cependant.

Sa queue fouette de nouveau l’air, riant avec et pour lui.

I know the end is coming soon.

Ace a bien ri, ça lui a fait du bien et toute la tension qu’il a accumulé depuis le début de cette rencontre est enfin partie. Il en est libre. Il a tendance à ne pas aimer ce genre de sensations, c’est seulement désagréable et ça n’avance à rien. Maintenant, il est de nouveau détendu, et le mort-vivant peut recommencer à être énervant: ça ira quand même.

Si lui s’est bien amusé, l’autre en revanche a l’air encore plus irrité qu’avant. Est-ce qu’il a une limite d’irritation? Ou est-ce que ça peut vraiment aller crescendo au point où il en fait un arrêt cardiaque? Ca tenterait bien le pie d’essayer, mais il ne pourra pas. Parce que l’autre en a marre, et décide (hallelujah) de se tailler avant de faire une bêtise. Si l’idée est bonne, le fait qu’il se considère comme un roi est tout à fait ridicule, et Ace manque d’éclater à nouveau de rire. Il ne le fait pas, cependant, parce que non content de s’auto-proclamer Roi, l’autre se permet de l’insulter.

Encore une fois.

Cette fois, il le traite de paysan. Mais pour qui il se prend? (ah oui, un roi)

- J’ai hâte d’assister à la révolution des paysans dans mon genre quand tu monteras sur ton trône imaginaire, bébé.

Il aurait du se taire, même si l’autre a déjà décidé de partir et ne reviendra probablement pas en arrière.

Il lui reste un problème: il ne sait toujours pas à qui il a eu affaire pendant tout ce temps, et il serait bien désolé de quitter cette conversation sans même connaître le nom de son interlocuteur d’un temps. Et puis on ne sait jamais, ça peut servir. Il en est sûr. Certain.

Tout en lui crie qu’il ne faut pas le faire, que c’est inutile et qu’il n’utilisera jamais cette information. Sa conscience lui dit qu’il doit pour une fois écouter son égo, puisqu’il ne donnera pas son propre nom, et laisser le zombie partir une bonne fois pour toute. Il a réussi à l’énerver assez pour qu’il s’enfuie, c’est bien assez pour aujourd’hui, non? Il devrait en être satisfait. Mais il ne l’est pas.

Alors il jette un regard à son interlocuteur qui l’a abandonné, et le hèle une dernière fois.

- Eh Walking Dead, juste par curiosité, c’est quoi ton vrai nom?

Il se retourne pour regarder l’autre partir, attendant la réponse pour faire demi-tour et explorer de nouveau la montagne. Il compte bien la finir, sa visite, et il attend toujours le bruit des spectres. Peut-être que si l’arabe s’en va, les humains morts reviendront, et il pourrait enfin voir un vrai fantôme.

There’s a bad. moon. on the rise.