Cheap Thrills

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La brume gardait férocement les secrets de la Montagne Sacrée et dissimulait sa silhouette infiltrée. Fifa s'était éloignée des Terres Orphelines pour quelques courtes heures, désirant y revenir avec un oeil neuf et un esprit reposé. Les pentes raides et rocailleuses la fatiguaient tandis que son ascension se faisait bruyamment et elle plaqua les oreilles en arrière quand une pierre de plus se déroba sous ses sabots, dévalant le flanc escarpé de la montagne en fracas. Dans un dernier effort la jument crème se hissa sur un sentier étroit mais relativement plane comparé au reste du terrain.

Elle cligna lentement des yeux, tâchant de discerner son chemin dans la brume épaisse qui l'enveloppait comme un manteau. Des filament blanchâtres se retraitaient vers le coeur de la montagne à chacun de ses pas mais la brume immaculée regagnait du terrain derrière elle aussi vite qu'elle en dégageait devant ses yeux bleus. Soudain ses prunelles percèrent le brouillard pour apercevoir un puits de couleur entre les pics. Il disparut aussi vite qu'il était apparu et Fifa se demanda si elle avait rêvé avant de secouer la tête. Qu'il s'agisse d'un mirage ou d'un recoin mystérieux de la Montagne Sacrée, cela faisait bel et bien partie de ses secrets et elle comptait bien le découvrir.

Elle se lança donc à l'assaut du reste de la pente escarpée, motivée par cette découverte prometteuse. Les Terres Orphelines avaient probablement leurs propres secrets à lui confier, pensa-t-elle soudain. Elle s'arrêta net, tiraillée par son allégeance à Hadès et sa curiosité. Les Terres Secrètes étaient sûres de contenir quelques secrets, leur nom le prouvait... Mais le gardien des Orphelins lui avait bien fait comprendre qu'elle devait découvrir les Terres qu'elle convoitait... Hésitante, la jument crème ne remarqua pas la jument qui s'approchait.

Naëlle avait repris des forces depuis son arrivée sur les Terres d'Horse-Wild, elle avait usé et abusé des territoires où la nourriture et l'eau claire sont abondants pour reprendre du poids et retrouver une corpulence normale. Désormais ces côtes n'étaient plus visibles, son garrot ressortait moins également, elle était bien plus jolie ainsi, il n'y avait pas de doute là dessus, et elle semblait moins chétive, moins fragile du fait de son épaisseur plus importante, elle donnait moins l'impression de pouvoir être brisée facilement. Elle s'était aussi beaucoup reposée, elle était maintenant en pleine forme, comme n'importe quel poulain de son âge. Elle avait voulu profiter de se nouveau regain d'énergie et de vitalité sans tarder, et avait entrepris de partir à la découverte des différents territoires qui composaient cette île.

Elle était partie sans savoir où elle allait, se dirigeant vers l'inconnu, et elle était finalement arrivée ici, sur le territoire de la montagne sacrée. Ce n'était pas le territoire le plus beau ni le plus accueillant sur lequel elle aurait pu tomber mais bon, il devait bien y passer de toute façon. Elle allait voir tous les territoires d'Horse-Wild, sans exception. Elle avait entreprit l’ascension de la Montagne, elle n'y voyait rien, la brume était bien trop épaisse pour qu'elle puisse voir ce qui se passait à peine quelques mètres devant elle, et la roche friable se détachait parfois sous ses sabots. Elle préféra alors regarder le sol, faisant très attention où elle mettait les pieds, et elle ne regardait devant elle que brièvement. Alors qu'elle relevait la tête pour jeter un coup d'oeil sur ce qui se passait devant elle, elle fut surprise de se retrouver face à un fessier. Elle s'arrêta net et recula de quelques pas. Elle avait manqué de peu de se retrouver le nez dans les fesses de la jument blanche qui se tenait là, immobile, en plein milieu du passage.

"- Vous voyez pas que vous prenez toute la place? Poussez-vous!"

Elle secoua sa petite queue et soupira, témoignant son indignation à la blanche. Elle envisagea de se frayer un chemin aux côtés de la blanche, mais il faudrait la pousser, et elle ne voulait pas avoir la mort de cette jument sur la conscience.

Fifa fut brutalement tirée de ses pensées par une voix nasillarde. Revenant à elle dans un battement de cils surpris elle se tourna à demi et chercha son interlocutrice -si elle en croyait sa voix aigue- des yeux, les baissant bientôt sur une pouliche exaspérée. Elle était pie noire et la crème ne put retenir une exclamation hilare.

« Oh la vache, qu'est-ce qu'une gamine fait sur les bords escarpés d'une montagne ? »

Elle s'esclaffa encore un peu, amusée par l'expression associée à la robe de la nouvelle venue qui agitait sa petite queue comme un plumeau en colère. Les gosses, ces temps-ci, n'avaient plus une once de respect. Fifa tâcha de calmer son rire, se disant que ça n'aiderait pas son cas si la peste était aussi purge qu'elle en avait l'air.

« Tu vas où comme ça ? »

Etait-ce prudent de la laisser aller plus loin ? Ses parents la cherchaient peut-être, à moins qu'il ne s'agisse d'une orpheline et qu'elle ne soit en quête d'un bon point de vue pour un suicide grandiose. Le doute traversa les prunelles bleues de Fifa qui se fit plus sérieuse, se tournant un peu plus vers l'inconnue, lui bloquant toujours le passage.

La dame blanche tourna sa tête et regarda Naëlle de biais tout en riant lorsqu'elle la vit. Cela ne plaisait pas du tout à la pouliche, en quoi est-ce qu'elle la faisait rire? Qu'avait-elle bien pu faire pour déclencher une telle hilarité? Naëlle n'en avait aucune idée. Les paroles de la jument n'arrangèrent rien, car ces dernières ne plaisèrent pas non plus à la demoiselle. Encore une fois quelqu'un venait de la désigner comme étant une gamine. Décidément, cette île semblait être peuplée d'une myriade d'ignorants irrespectueux. Tout ce qu'ils voyaient en regardant la pouliche, c'était une enfant, une petite enfant à la voix claire qui essayait de s'affirmer en tapant du sabot au sol. Mais ils n'arrivaient pas à voir ce qu'elle était vraiment, ils ne voyaient pas la future jument qu'elle deviendrais, ils ne voyaient pas sa force. Et surtout, ils étaient tous incapable de la respectée comme la noble demoiselle qu'elle était. Tous des ignorants irrespectueux. La pouliche resta cependant impassible, fixant le visage de la blanche d'un air profondément dépité.

La hauteur des montagnes n'était vraisemblablement pas bénéfique pour tout le monde. Cela permettait à certain de s'emplir les poumons d'un bon bol d'air frais et de s'aérer l'esprit, pour la jument, cela n'avait pas l'air d'être le cas, son cerveau avait l'air de souffrir de la situation, pas sûre que la destruction de ces neurones soit réversible. Elle ressentit un peu de pitié envers la jument fantomatique qui lui faisait face, déjà qu'elle avait un physique quelconque, si en plus elle avait un pet au casque, ce serait vraiment pas simple pour elle pour trouver un mâle qui se donnerait la peine de perdre son temps avec elle. Enfin cela n'était pas la question ici. La jument arrêta progressivement de rire, ce qui soulagea considérablement les tympans de la pouliche. La jument se tourna légèrement et bloqua encore plus le passage que précédemment, ne laissant plus aucune possibilité à Naëlle pour passer. Soit elle le faisait exprès, soit elle était officiellement limitée. Cela aurait fort pratique que la cinglée soit vraiment un spectre, cela aurait donné à la pie la possibilité de passer au travers et de poursuivre son chemin comme si cette rencontre ne s'était jamais produite, malheureusement la vie est cruelle et les fantômes n'existent pas.

"- Par là." Dit-elle en pointant devant elle avec son museau.

La blanche l'avait tutoyée sans même se poser de question, directement, comme ça. Décidément celle là n'avait véritablement aucune notion de savoir vivre.

La gamine sembla s'offusquer d'être traitée comme telle. Crise d'adolescence ? Déjà ? A cet âge là ? Eh bien, ça arrivait de plus en plus tôt. Elle rit, de dépit face à un tel constat, mais aussi avec humour face à la répartie de la petite. Fifa pensait qu'elle avait de l'avenir devant elle si elle continuait ainsi et le lui fit savoir avec un sourire.

« En général ce qui fait rire c'est la personne à laquelle on parle mais l'humilité dont tu fais preuve c'est très bien aussi, j'apprécie, continue comme ça petite. »

Elle lui sourit, un grand sourire d'un blanc éclatant et hocha la tête d'un air entendu quand l'inconnue évita sa question en se contentant de montrer la direction dans laquelle elle allait à l'origine. D'humeur magnanime, Fifa décida de l'escorter, pivotant à nouveau et se remettant en marche.

« Tant mieux, moi aussi ! On peut faire un bout de chemin ensemble comme ça, un peu de compagnie ça ne fait jamais de mal. »

Avançant d'un bon pas sur le sentier rocailleux, Fifa fit preuve de maturité en restant près du bord pour que la pouliche marche en sécurité entre elle et la paroi de la Montagne, babillant joyeusement tout en marchant. Il y avait une pointe de taquinerie dans ses paroles, rien de bien méchant.

« Je m'appelle Fifa et toi ? Tu es perdue ou tu vas par là pour une raison particulière ? »

Des cailloux dévalaient les flancs escarpés de la montagne avec fracas, la chute se réverbérant dans le silence brumeux qui les environnait. Fifa ne se laissait pas distraire par un tel concert, faisant simplement attention à où elle mettait les pieds pour ne pas les suivre dans la descente mortelle qu'ils entamaient si bruyamment.

« Même pas peur ? T'es sacrément courageuse dis moi, comment ça se fait que tu es toute seule ici ? »

Son humilité la faisait rire? Était-ce ironique? Naëlle ne comprit pas tellement où la jument voulait en venir, elle se contenta de hocher légèrement la tête à l'affirmative, feignant d'avoir saisi ce qu'il y avait à comprendre. Ce qu'elle compris sans problème par contre, c'était que la blanche l'encourageait à continuer d'agir de la sorte, elle n'avait pas prévu de faire autrement de toute façon mais cela plu tout de même à la petite, de se savoir appréciée. La jument blanche se décala, permettant à Naëlle de poursuivre sa route. Le problème était que la jument s'était mis en tête de marcher aux côtés d'elle, et elle ne pouvais y échapper vu les chemins escarpés sur lesquels elle se trouvait. La pouliche dû se résoudre à prendre le pas et de suivre la jument blanche, elle retint un petit soupir pour ne pas être impolie. C'était surement la première fois qu'elle faisait attention à ne pas paraitre impolie, elle progressait sur le chemin de la sociabilité.

Elle sourit légèrement lorsque Fifa se présenta à elle en reprenant sa dernière parole. Naëlle n'était pas perdue, elle n'était pas en train de chercher son chemin lorsqu'elle avait failli heurter la croupe de la jument blanche, mais en même temps, elle ne savait pas où elle allait non plus, et elle n'avait aucune raison d'aller à un endroit plutôt qu'un autre. Non la pouliche était plus en totale improvisation.

"- Je m'appelle Naëlle. Je ne suis pas perdue, je suis simplement en pleine exploration."

La petite pie regardait le sol, là où les sabots de Fifa se posaient, si proche du vide. La jument s'était placée spontanément du côté du précipice, laissant à la pouliche la position de sécurité contre les parois rocheuses. Elle frôlait cette paroi, se faisant aussi mince que possible, pour ne pas mettre en difficulté la jument qui la séparait de cette fosse. Elle releva la tête pour regarder le visage de Fifa lorsque celle-ci repris la parole, elle lui parlait comme on parle à un petit poulain, pour le rassurer, détourner son attention. Ce qui était justifié puisque Naëlle n'était encore qu'une très jeune pouliche. Elle sourit à la jument, flattée d'être désignée comme étant courageuse.

"- Je viens d'un élevage d'humain. Ils m'ont enlevés de ma mère qui était très malade. Je me suis retrouvée seule, et..." Elle marqua un temps d'arrêt, hésitant sur la manière dont elle devait continuer. Elle décida de ne pas parler des autres poulains et de sa profonde solitude. Pas tout de suite en tout cas.
"- Et je me suis enfuie. Depuis j'ai toujours été seule."

Elle avait gardé son léger sourire, ce n'était pas une histoire triste pour elle. Cela l'avait été, mais plus maintenant. Elle s'était faite une raison, elle s'était habituée à cette situation, et surtout, elle s'était convaincue que c'était mieux ainsi.

"- Tu as des enfants?"

Elle s'était dit que cela n'était pas possible, mais Fifa exprimait un comportement très maternel avec elle. Elle la protégeait du vide, elle lui parlait d'une manière particulière pour l'amadouer, comme si elle savait parfaitement comment s'y prendre.

En pleine exploration. Fifa sourit à cette réponse, satisfaite par la déclaration assurée de Naëlle. Comment pouvait-on reprocher à un poulain de découvrir le monde dans lequel il vivait ? C'était même plutôt bon signe, qu'elle s'intéresse à ce qui l'entourait.

« Enchantée Naëlle. Nous sommes sur la Montagne Sacrée, dans les Terres Secrètes. Horse-Wild est une île immense divisée en plusieurs territoires que tu auras tout le loisir d'explorer avec les années. »

Et elle était bien chanceuse de pouvoir les découvrir, pensa la crème en levant prudemment les sabots pour ne pas trébucher sur un rebord qui n'avait pas l'air bien solide. Après êtres parties du mauvais pied les deux juments se rattrapaient et Fifa en était plutôt fière, écoutant l'histoire de la pouliche avec curiosité.

« Ça ne m'a pas l'air bien joyeux chez les humains... Je n'y ai jamais été, je suppose que j'ai de la chance. »

La plus vieille hocha vigoureusement la tête à cette pensée, persuadée qu'il ne faisait pas bon vivre là-bas, surtout si Naëlle s'en était enfuie à un si jeune âge. Elle ne la questionna pas plus, n'en voyant pas l'intérêt quand la pouliche souriait paisiblement et se contenta de commenter.

« Malheureusement on a quelques vestiges ici, surtout sur les Terres Secrètes mais aussi sur les Orphelines. Et ce foutu Royaume des Singes avec des babouins partout histoire de bien nous rappeler l'existence des bipèdes. »

La question de Naëlle lui rappela qu'elle n'utilisait peut-être pas le langage approprié et elle se reprit tant bien que mal avec un sourire innocent, contemplant la réponse à donner. Finalement, Fifa opta pour ne pas trop en dire, de toute façon elle doutait que la petite ait envie qu'elle s'attarde sur le sujet, on devinait très bien qu'elle en voulait avec sa réponse.

« Non, pas encore. »

Fifa lui présenta le territoire sur lequel elles se trouvaient, elle ne savait même pas que chacun des territoires d'Horse-Wild avaient un nom attitré, précis, elle pensait jusqu'alors, bien naïvement, que chacun lui donnait le nom qu'il trouvait le plus approprié, de manière à ce que les autres sachent de quel territoire il parle rapidement. Mais non, c'était encore plus organisé et simple que cela. La jument blanche lui dit aussi qu'elle aurait l'occasion de faire le tour de l'ensemble des territoires avec les années. Est-ce que cela signifiait qu'il lui faudrait plusieurs années pour parcourir l'ensemble des territoires d'Horse-Wild? L'île était vraiment si grande que cela? Ou elle avait dit cela en ayant en tête le fait que Naëlle passerait sa vie ici et qu'elle avait tout le temps devant elle pour pouvoir poursuivre ses explorations? Cela intriguait beaucoup la pouliche, et lui donna encore plus envie de partir découvrir tous les territoires qui étaient maintenant à sa portée.

La pouliche pensa à sa petite humaine, qui était si gentille avec elle, qui venait toujours lui parler, jouer avec elle, lui donner des friandises. Elle ne pouvait pas dire qu'elle était méchante. Elle ne s'était simplement jamais mise à la place de la pouliche, elle n'avait jamais essayé de la comprendre. Ses pensées dérivèrent ensuite sur les autres poulains avec qui elle avait partagé son pré, ceux qui avaient été jaloux d'elle et qui lui avaient réellement fait du mal.

Naëlle fut surprise et très intéressée par la réponse que Fifa venait de lui fournir. Elle n'avait pas simplement répondu par la négative, elle avait dit pas encore, ce qui sous-entendait qu'elle en aurait bientôt. Elle n'avait pas du tout l'air gestante, elle prévoyait donc une gestation prochainement. La petite pie ne savait pas trop comment prendre la nouvelle, elle n'avait pas envie d'agacer la jument en lui posant des tas de questions sur sa privée, mais en même temps elle était très curieuse, elle voulait savoir, si possible savoir avant tout le monde. Mais en même temps, cela voulait dire que la jument aurait un poulain, hors elle garde de mauvais souvenirs des poulains qu'elle a rencontré jusqu'à présent. La petite se posa alors une question assez simple, à quoi cela servait? Pourquoi les juments voulaient elles toutes engendrer une progéniture, devoir s'en occuper, devoir l'éduquer, devoir assumer la responsabilité des actes de leur descendants... pourquoi s'infliger tout cela? Elle regarda la blanche d'un air interrogateur, vaguement dans l'incompréhension.

Venant d'une enfant, la question pouvait surprendre. Mais Naëlle n'était pas une enfant, c'était une demoiselle mature, une future jument forte et vaillante, une future grande Dame, enfermée dans un corps puéril, trop petit et fragile pour elle, pour ses aspirations.

Fifa n'avait jamais questionné les noms des territoires d'Horse-Wild. Ils lui avaient toujours paru adaptés au lieu qu'ils désignaient et honnêtement, son âme d'enfant avait bien d'autres choses pour l'occuper que des appellations communément admise. Une fois adulte, il n'y avait plus eu de raison de les remettre en question. Elle y réfléchit un instant mais rien ne lui venait. Non vraiment, chaque endroit avait un nom adapté, pour peu qu'on ait pris le temps de le visiter. Elle secoua la tête et sourit à cette pensée, ne regrettant pas de s'être attardée sur le sujet. Il n'y avait bien que les enfants pour pousser les adultes dans ce genre de réflexions. Parfois, cela lui manquait, d'être vierge de toute préconception.

La crème pencha légèrement la tête sur le côté en écoutant la réponse de Naëlle, curieuse. Les humains étaient-ils versatiles ou simplement insensibles aux besoins des équidés qu'ils domestiquaient ? Elle espérait ne jamais le découvrir par elle-même. A ses yeux la pouliche était bien mieux sur l'île qu'avec eux. Elle hocha cependant tristement la tête à la remarque suivante. C'était bien vrai et malheureux.

« Tu as bien raison. N'oublie jamais que tu as le droit et le devoir de te défendre, rien ne t'oblige à te laisser faire, personne n'a le droit de te faire du mal. »

Et ceux qui t'en font devront le payer, pensa-t-elle pour elle-même sans terminer sa phrase. Naëlle était trop jeune pour qu'on lui parle de revanche et de vengeance. Elle tourna plutôt la tête vers la pouliche et sourit de sa confusion, attendrie. Son corps se relaxa tandis qu'elle considérait la question, cherchait ses mots pour expliquer sincèrement et simplement la raison derrière ce désir de maternité.

C'était particulier et universel à la fois, elle aurait pu s'en tirer en lui répondant qu'elle comprendrait quand le temps viendrait mais Naëlle semblait intelligente et au vu de son comportement jusqu'à présent, elle n'aimait pas qu'on la traite comme une enfant. N'était-elle pas déjà un peu adulte si elle vivait seule depuis si longtemps ? Fifa soupira, ne lui enviant en aucun cas son triste sort et se promit de veiller sur la petite si jamais cette dernière le désirait. Peut-être n'était-elle pas si différente d'Ocëan Pearl que ça, finalement. La crème était plus discrète et réservée que sa mère mais n'en avait pas moins bon coeur quand il s'agissait de veiller sur ses proches.

« C'est d'abord et avant tout parce que je suis amoureuse. Mon compagnon s'appelle Kuro et nous nous connaissons depuis aussi loin que je me souvienne quasiment, on avait à peine ton âge quand on s'est rencontrés pour la première fois. elle sourit tendrement à ce souvenir. Nous avons vécu beaucoup de choses ensemble et nous avons beaucoup de projets pour le futur, dont celui de fonder une famille. Puisqu'on est amoureux on veut concrétiser tout ça, tu vois ce que je veux dire ? Porter notre enfant c'est donner une suite à tout ce qu'on a traversé. il lui fallut reprendre son souffle avant de répondre à la question initiale. Après, à quoi ça sert ? Pas à grand chose dans le fond et c'est là tout l'intérêt, même si dans quelques temps je te dirais que c'est vraiment fatiguant de s'occuper d'un poulain, je te l'accorde. elle rit joyeusement avant de conclure. Mais quand mes enfants seront adultes je serais tellement fière d'eux, ça en vaut la peine, je n'en doute pas une seconde ! »

Naëlle leva la tête et la tourna en direction de la jument blanche lorsqu'elle entendit qu'elle lui donnait des conseils pour la vie ici, et pour la vie en général d'ailleurs. Elle ne devait pas se laisser faire et était dans l'obligation de se défendre. A ces mots la petite tourna la tête de nouveau, regardant devant elle, enfin non, plutôt remettant sa tête dans le prolongement de son corps, parce qu'en réalité elle ne regardait pas devant elle, elle ne regardait plus rien, son regard était vide, elle venait de se perdre dans ses pensées. Ce que venait de dire Fifa, elle le savait parfaitement, sa mère le lui avait dit, qu'elle ne devait pas se laisser faire, et Naëlle en était convaincue, elle ne devait pas se laisser maltraiter par les autres, ils n'ont aucun droit de lui faire du mal, elle ne le mérite pas. Mais pour autant, que ce soit dans l'élevage où elle était née ou durant son périple jusqu'ici, jamais elle ne s'était défendue, soit elle avait pris son mal en patience, soit elle avait fui, mais jamais elle n'avait tenu tête à quelqu'un, jamais elle ne s'était défendue. Mais à présent tout était différent! Elle avait muri et surtout, elle avait rencontré Collapsing. L'étalon des ténèbres l'avait pris sous son aile, il lui avait promis qu'il allait lui apprendre à se battre, elle pourrait être capable de se défendre, et même plus, elle serait capable d'anéantir quiconque lui causera du tord. Il allait faire d'elle une guerrière, une dominante, une jument forte et intrépide, une jument que plus personne n'osera importuner. Une lueur d'espoir et de détermination traversa son regard, et elle regarda la jument, affichant un sourire franc à ses lèvres.

Elle continuait de sourire, contente de pouvoir rassurer Fifa quant à son avenir sur cette île. Elle voyait bien que la jument était en train de la couver, cela semblait être plus fort qu'elle, son instinct maternel prenait le dessus à chaque instant. Et au fond cela arrangeait Naëlle, car elle pouvait faire et dire ce qu'elle voulait présentement, jamais la blanche ne lui en voudrai, jamais cela ne lui porterait préjudice, car elle mettrait cela sur le compte de l'ignorance, de l'innocence ou de la naïveté dont font preuve les poulains.

Naëlle réfléchi à ce que Fifa lui racontait à propos de son compagnon, de leur amour, de son envie de fonder une famille avec lui... Elle comprenait mais en même temps elle ne comprenait pas. Elle comprenait que la jument puisse être amoureuse d'un mâle, c'est ce que toutes les juments font après tout, elle comprenait également que la jument veuille concrétiser cette union, transformer ses sentiments conceptuels en une preuve matérielle, quelque chose qu'elle pourrait pointer du doigt, démontrant l'amour qu'elle éprouvait pour Kuro. Mais au fond elle ne comprenait pas, parce que tout cela ne résonnait pas en elle, les paroles de Fifa ne faisait pas écho auprès de la pouliche. Elle ne s’imaginait pas rencontrer un poulain et en tomber amoureuse, d'ailleurs elle ne s’imaginait pas tomber amoureuse, elle ne savait pas encore quel genre de sentiment cela pouvait être, mais elle ne se voyait pas être capable d'aimer quelqu'un tellement fort qu'elle pourrait donner sa vie pour lui. Naëlle hocha alors doucement la tête, essayant de montrer qu'elle avait saisi le truc.

Puis Naëlle se rendit compte de quelque chose. Fifa était gentille avec elle. Cela pouvait paraitre un peu étrange comme illumination, mais pour la pouliche, c'était quelque chose de très particulier. Au cours de son existence, aucun cheval n'avait été gentil avec elle. Il y avait eu sa mère mais elle, elle était obligée d'être gentille, c'était sa maman. Et puis il y avait eu Collapsing, mais lui il avait été gentil parce que c'était dans son intérêt, sa gentillesse était intéressée. Mais Fifa elle, était simplement gentille, juste gentille, comme ça, sans raison, naturellement, comme si c'était normal, habituel. Et c'était la première fois que Naëlle rencontrait quelqu'un comme cela. Lorsqu'elle prit conscience de cela, elle se rendit compte alors qu'il était complètement inutile de se méfier de quoique ce soit, et qu'en dépit de l'endroit où elle se trouvait, elle n'avait jamais été aussi en sécurité que maintenant, en compagnie de la jument blanche.

Avait-elle eu un mentor ? Pas vraiment. Fifa avait admiré son père, prit exemple sur sa mère mais jamais personne ne l'avait pris sous son aile pour la guider sur un chemin quelconque. Après Only Hope, son frère aîné, ils s'étaient forgés à la manière des mauvaises herbes qui creusaient une faille dans le béton, seuls et sans l'aide de personne. Attirés par le soleil, l'éclat de leurs parents dominants, ils avaient grandi dans l'optique de leur ressembler. Ocëan Pearl avait pourtant été l'une des premières à mettre de jeunes juments sous sa protection. Il était étrange qu'elle n'en ait pas fait autant pour sa propre fille.

C'était pour cette raison que Fifa ne s'entendait pas vraiment avec Pearlescence. Certes, sa nièce n'avait pas eu de chance mais Ocëan Pearl lui avait donné tout ce qu'elle n'avait pas et bien plus encore. Et comment la remerciait-elle ? En s'apitoyant encore et toujours sur son sort. C'était insupportable. Pearlescence s'était-elle déjà un jour battue pour quelque chose ? Fifa en doutait. Elle ne réagit donc pas à la réponse de Naëlle, voyant d'un bon oeil sa volonté de s'en sortir et ne réfléchissant pas plus loin que le bout de ses naseaux. Qui lui apprenait à se battre ? Pourquoi ? Ce n'était pas important, seul le résultat comptait et la pouliche avait le mérite de se donner les moyens d'avancer.

Elle sourit pensivement à la question de la pie. C'était bien plus que ça, elle ne le faisait pas seulement pour Kuro et surtout, ils le feraient ensemble.

« Il faut voir plus loin que ça, plus qu'une preuve c'est la réalisation de ce qui nous unit et une façon de prolonger notre amour. Former une famille, une lignée et voir ce qu'elle devient en sachant que cela vient de nous. »

La question suivante agrandit son sourire et le teinta de bonheur à l'idée de voir son compagnon. Quand bien-même Naëlle parlait de le rencontrer elle-même, Fifa ne pouvait s'empêcher d'y voir un avenir plein de promesses.

« Bien sûr ! Il a bien besoin de voir de nouvelles têtes, ce bougre pense que personne ne l'aime parce que je sociabilise plus que lui mais en même temps, il ne sort jamais de son trou. »

Elle rit et prit les devants pour contourner un gros rocher qui barrait le passage. Elle n'osait pas le frôler, craignant que les fissures qui le parcouraient ne s'élargissent et que le sol s'effondre sous ses pieds à la moindre faiblesse.

« En tout cas si tu veux t'entourer tu peux envisager d'intégrer un troupeau. commenta-t-elle. Ils sont rattachés à trois territoires, les Terres Secrètes sur lesquelles nous nous trouvons actuellement, les Terres Orphelines, sur lesquelles je vis et les Terres Trompeuses où je suis née. Elles représentent chacune un dieu, respectivement Poséidon, Hadès et Zeus et seront bientôt dominées par un équidé qui devra veiller sur elles et le troupeau. »

Naëlle écouta avec attention ce que la jument blanche tentait de lui expliquer à propos de l'amour, de son désir d'enfant, de ce que cet évènement lui apporterait dans sa vie et dans son couple... Mais plus Fifa parlait, plus elle tentait d'expliquer et d'éclaircir la vision de la pouliche à propos de ce que la naissance d'un poulain signifiait réellement pour elle, plus la jeune pie devenait perplexe et ne voyait pas l'intérêt. Prolonger leur amour, surement se dire que leur amour vivra encore après leur mort au travers de leurs descendants direct et indirect, cela oui, c'était tout à fait compréhensible. Continuer à exister, d'une certaine forme, et cela malgré notre mort, c'était une bonne motivation. Former une lignée, là encore, la pouliche comprenait parfaitement, que son nom continue à résonner dans les oreilles des autres par le biais de ces enfants, transmettre son rang et sa noblesse pour perpétuer son règne de manière éternelle, cela donnait même des idées à Naëlle, au moment où elle sera dominante, elle devrait y songer peut-être, au cas où il lui arriverait quelque chose, elle ne pourrait pas se permettre de laisser son trône vacant et son territoire à la merci de n'importe quel gueux. Mais c'était là une vision bien utilitaire de la maternité, bien loin de la vision de Fifa. Former une famille... ne pouvaient-ils pas former une famille juste à eux deux? Faut-il vraiment avoir des enfants pour former une famille? Et puis, la mère de Naëlle avait eux de nombreux descendants, et ils ne formaient pas une famille pour autant. D'ailleurs, la pouliche n'a plus de famille, plus personne sur qui compter, plus personne à aimer, et cela ne l'empêchait pas de vivre pour autant. La jument blanche n'était-elle pas complètement heureuse en ayant juste Kuro? Ne lui suffisait-il pas totalement? Dans ce cas, elle aurait besoin d'un petit être insupportable dont il faut s'occuper en permanence pour être comblée? Étrange.

"- Moi je n'ai pas de famille et je m'en sors bien...". Elle ne se plaignait pas, d'ailleurs cela n'était même pas adressé à la jument, c'était plus une verbalisation de sa pensée, prononcée dans un chuchotement adressé au monde entier, montrant qu'elle n'avait besoin de personne.

Elle sortit finalement se cette réflexion et reporta son attention sur la visage de la jument blanche. Elle ne tenait pas particulièrement à la questionner encore et encore sur ce sujet, cela risquerait de lasser la jument déjà, et puis surtout cela ne l'intéressait pas plus que cela. Elle sentait au fond d'elle qu'elle ne pourrait pas comprendre de toute façon ce que Fifa lui raconterait, tout cela ne faisait pas écho en elle. Elle n'était surement pas faite pour toutes ces choses là, ou peut-être était-elle trop jeune, à moins qu'elle n'avait juste pas rencontrer la personne qui lui ferait comprendre tout cela car lui permettant de ressentir la même chose... En tout cas, pour l'heure, elle se contenta de hocher doucement la tête comme si la lumière avait été faite et qu'elle avait parfaitement compris ce que Fifa essayait de lui faire comprendre.

La jument lui parla ensuite rapidement de son compagnon. Naëlle se mit alors à l'imaginer, et les images qui se formaient dans son esprit n'avantageaient pas l'étalon. En effet, elle imagina un mâle vivant seul, terré dans son coin tel un ermite, sa jument étant quasiment son seul contact avec l'extérieur, sa seule activité sociale. Elle le voyait renfermé, peu causant, peu divertissant, aigri et même un peu désagréable si on insister un peu trop pour lui parler. Mais cela n'était pas possible, il ne devait surement pas être comme cela. Fifa était une gentille jument, très sociable, à l'écoute, protectrice et maternelle, elle ne pouvait être tombée amoureuse d'un tel étalon et avoir choisi de lier sa vie à la sienne. Non, son mâle devait forcément être lui aussi très gentil, bien que moins sociable, il devait lui aussi être très protecteur. Il n'y avait qu'un seul moyen de savoir laquelle des 2 version du mâle était la plus proche de la réalité. La pouliche pie sourit alors à la jument.

Elle suivit la jument et contourna le rocher avec application, se concentrant pour ne pas marcher sur un caillou qui pourrait rouler sous son sabot ou sur une fissure. En passant après Fifa elle ne prenait pas trop de risque, si cela devait s'effondrer cela l'aurait fait lors du passage de la blanche et pas lors du sien, mais il valait mieux rester prudente et ne pas être trop confiante. Elle revint ensuite à la hauteur de la jument et l'écouta de nouveau lorsqu'elle reprit la parole. Décidément Fifa ne s'arrêtait plus, elle allait faire un cours complet sur Horse-Wild, ses territoire, son organisation, ses occupants et même sur la vie à la pouliche. Naëlle sourit franchement à la fin des paroles de la blanche, un sourire large, franc et fier.

Elle venait d'affirmer cela fièrement, comme si cela relevait de la certitude, parce que ça l'était pour elle. Elle était certaine que dans quelques années, elle serait la dominante des Terres Secrètes, d'ailleurs elle ne voyait aucune autre jument pouvoir prétendre à ce titre, il ne convenait à personne d'autre qu'à elle, il lui était destiné. Mais dans la bouche d'une enfant, ce genre de paroles sonnent plus comme l'espoir de mener une vie trépidante plutôt que comme une réelle course à la dominance, comme un embrigadement dans un projet qui pour le moment, la dépasse totalement.

Fifa sourit à la remarque de Naëlle. C'était un sourire à la fois triste et amusé, parce qu'elle était malheureuse pour la jeune orpheline mais soulagée qu'elle semble bien vivre sa situation. Elle choisit de ne pas répondre à son chuchotement, ne voulant pas la blesser par maladresse. Que pouvait-elle ajouter de toute façon ? La crème avait eu la chance de grandir dans une famille aimante. Tant mieux, si Naëlle vivait très bien toute seule, heureusement même. Une famille n'était pas un critère essentiel au bonheur de toute façon, le faisait même fuir parfois.

Elle battit lentement de la queue face à la détermination de la pie. Kuro ne savait pas ce qui l'attendait mais Fifa se réjouissait à l'idée que quelqu'un lui tienne un peu compagnie. Ça lui changerait de la routine et qui sait, avoir une pouliche dans les jambes pendant quelques heures pourraient bien l'amener à réfléchir sur le sujet. Devenir parent n'était pas une décision facile et cela se faisait à deux, elle n'allait pas cracher sur un peu d'aide pour donner l'idée à l'étalon blanc.

« Oui et un peu bourru aussi mais je ne m'inquiète pas pour toi, tu sauras te débrouiller. »

Et elle le pensait vraiment. La suite ne fit que la convaincre un peu plus et elle rendit son sourire à Naëlle. Elle la croyait, de la manière dont on encourage un enfant car on ne veut pas l'empêcher de réaliser ses rêves mais sans tout à fait être persuadé qu'il y arrivera. Il fallait bien donner du sens à sa vie et la petite était encore jeune, peut-être que cela lui passerait, peut-être pas. Elle n'était pour le moment pas une menace et de ce qu'elle constatait, Fifa ne voyait pas de mal à ces ambitions. Adulte, Naëlle ferait peut-être une très bonne dominante.

« C'est donc pour ça que tu traînes dans le coin ? la taquina-t-elle affectueusement. »

Fifa lui confirma le fait que son compagnon, Kuro, était étalon gentil. Naëlle ne tint pas compte de cette remarque, pour la simple et bonne question qu'elle n'avait aucune valeur, quelle ne signifiait rien. C'était évident que la jument blanche trouvait son compagnon gentil, elle n'allait quand même pas s'encombrer et se condamner à vivre avec un tyran alors qu'elle serait bien mieux en restant seule. Et puis, quand bien même il aurait été un être vile et sournois, la jument n'en aurait pas conscience étant amoureuse de lui, l'amour rend aveugle. Aux yeux de Naëlle, l'amour est un horrible sentiment dont elle doit absolument se protéger. Elle avait aimé autrefois, elle avait aimé sa mère, elle avait aimé Amélie, sa petite humaine, elle avait aimé vivre avec elles et passer du temps avec elles. Mais à quoi cela avait aboutit? Son étroite amitié avec Amélie ne lui avait apporté que des problèmes, des insultes et des coups. Et l'amour qu'elle portait à sa mère ne lui avait apporté que souffrances et désolation au moment où elles furent séparées. L'amour est un sentiment merveilleux pour ceux qui ne voient que sur le court terme, qui veulent être heureux, là, maintenant. Mais Naëlle, elle, voit les choses autrement, sur le long terme, et est convaincue qu'une relation d'amour ou d'amitié se finit toujours mal. La jalousie, la déception, la trahison, la séparation, la mort... l'amour et la souffrance vont de pair. D'ailleurs c'est bien connu, ce sont ceux que nous aimons le plus qui nous font le plus de mal, juste à cause de l'importance qu'on leur donne. Naëlle fuyait l'amour et toute forme d'attachement comme la peste. D'ailleurs, elle avait beau apprécier la compagnie de Fifa, elle ne la considérait pas comme une amie. Elle trouvait la jument fort sympathique, elle appréciait le moment qu'elles étaient en train de partager, mais elle n'aimait pas la jument pour autant, c'était une connaissance agréable et rien de plus, elle ne s'attachait pas à elle, question de sécurité, et cela sera ainsi avec chacune des personnes agréables qu'elle rencontrerait.

Elle sourit à la seconde remarque de la jument blanche et se souvint alors de ce qu'elle était en train de faire, de ce qu'elle avait entrepris avant que Fifa ne lui bloque la route de son derrière. Elle était en exploration. Celle-ci avait deux buts, le premier, visiter Horse-Wild passait par la visite de chacun des territoires qui la composait, elle était en train d'ajouter celui de La Montagne Sacrée à la liste de ceux dont elle avait déjà foulé le sol. Le second, était d'apprendre à connaitre chacun des lieux constituant les Terres Secrètes, elle se devait de connaitre parfaitement chacun d'entre eux si elle voulait sérieusement prétendre à y régner.

Fifa avait complètement oublié l'origine de leur rencontre. Elle qui bloquait le passage quelques temps plus tôt ne se souvenait pas de ce qui avait pu la pousser à faire ça. Un éclat de génie, probablement.

Elle se contenta de rire joyeusement des déclarations de Naëlle, bienveillante. Elle ne s'inquiétait plus pour la petite et s'arrêta lorsque le chemin se divisa à un croisement. L'un ses sentiers s'enfonçait au creux de la Montagne tandis que l'autre en dévalait les flancs. Fifa fit quelques pas vers celui-là et se retourna vers la pouliche qui allait sûrement continuer son exploration.

« Eh bien je te souhaite bonne chance ! Pour cette fois, mon chemin s'arrête là. Je reviendrai te rendre visite pour voir où tu en es en tout cas ! »

La crème lui sourit affectueusement avant de la saluer une dernière fois et de se détourner pour suivre le sentier abrupte qui la ramènerait au pied de la Montagne Sacrée. Les Terres qu'elle-même convoitait l'attendaient, il était grand temps qu'elle les rejoigne.

Les deux dames étaient arrivées à un croisement, c'était le moment où Naëlle devait choisir entre quitter ce territoire et aller en explorer un autre, ou s'enfoncer encore plus dans la montagne en emprunter d'autres chemins tortueux. Elle n'eut même pas à réfléchir, elle voulait connaitre par cœur ce territoire, et pour cela elle devait en faire le tour, passer par chacun des chemins possibles et savoir comment tous les relier entre eux. Elle se devait de continuer son exploration. Fifa elle, choisit de s'en aller, elle voulait surement rejoindre son amoureux, Kuro afin de passer le reste de la journée avec lui.

Naëlle sourit sincèrement à Fifa et repris sa marche, prenant le chemin de gauche, se séparant ainsi de la jument blanche. Elle se retrouva de nouveau seule et profita du calme ainsi retrouver pour se concentrer sur ce qu'elle voyait et sur le chemin qu'elle prenait. Il était question de retenir l'organisation de ce territoire, mais aussi de ne pas se perdre.