all i missed

Les naseaux du jeune entier frémissent alors qu'il parcourt rapidement le golfe d'émeraude, les sens en alerte. Son retour passe encore inaperçu, mais pour combien de temps encore ? Il n'a aucune idée d'où se trouve son père adoptif, et encore moins sa mère. Mais après tout, il n'en a que faire, il souhaite juste rentrer chez lui et reprendre une vie normale.

Il est parti pendant un ou deux ans, ne supportant plus ce que son statut d'enfant indésiré signifiait. Il avait préféré s'exiler, seul, plutôt que d'affronter les regards peinés ou remplis de pitié. Il avait fui tout et tout le monde, le temps de grandir, de se forger une carapace assez solide pour tout supporter. Et maintenant que c'était le cas, le grand pie revenait sur les terres trompeuses, tentant de passer inaperçu le temps de trouver Cyrius.

Ses pas l'ont mené sur le sable du golfe, alors qu'il observe ce qu'il se passe autour de lui, les oreilles pointées en arrière, méfiant. Ce n'est que lorsqu'il est presque sûr d'être seul qu'il s'arrête pour respirer un bon coup, s'imprégner des odeurs qui lui ont tant manquées. Son regard sombre balaye de nouveau les environs et il croit voir une forme équine au loin. Il renâcle et reste immobile, fixant la forme en silence.

Les oreilles de Camporeal frémissent lorsque le hennissement lui parvient. Il hésite quelques secondes, plisse les yeux dans l'espoir vain de reconnaître l'individu qui l'a interpellé. Et mécaniquement, ses pas l'emmènent à la rencontre de l'inconnu. En quelques secondes, il se retrouve devant lui et il le toise de son regard sombre, les oreilles maintenant pointées en arrière.

Tenter de passer inaperçu est un véritable échec. Un soupire se glisse entre ses lèvres tandis qu'il observe l'étalon en face de lui. Sa robe noire et blanche est plutôt élégante, mais le pie n'y prend pas vraiment garde. Son regard se visse dans le sien tandis qu'il plisse légèrement les yeux, les naseaux dilatés. Il tente de reconnaître une odeur, mais rien ne lui vient. Il se doute donc que c'est un solitaire et qu'il n'a rien à faire sur les Trompeuses.

Mais l'entier n'est pas la figure d'autorité de ces terres. Il est peut-être le fils de Nazz'ariah, mais il n'a aucune légitimité et il ne peut donc pas faire régner la loi en ces lieux. Sa queue d'ébène fouette ses flancs alors que le plus jeune recule d'un pas.

- Qui êtes-vous ? demanda-t-il en ne quittant pas le regard de l'inconnu, méfiant.

Campo observe, méfiant. Il est certain d'être tombé sur un solitaire, cet étalon ne lui dit rien du tout, il n'a même jamais entendu parler de lui. Il se doute donc qu'il est arrivé après que lui-même se soit enfuit et caché.

Solitaire qui a d'ailleurs l'air bien plus âgé que lui, ce qui fait que le pie bai se méfie d'autant plus. Il ne le connaît pas, ne connaît pas ses réactions, ni comment il va réagir face à son comportement parfois malpoli. Parce qu'il s'est élevé seul, il a apprit seul, et qu'il ne sait jamais vraiment ce qu'il faut, ou non, dire.

- Camporeal, fils de l'ancienne dominante des terres trompeuses et d'un vagabond, lui répondit-il en haussant un sourcil, jaugeant silencieusement sa réaction avec curiosité.

Les oreilles de Campo oscillèrent légèrement lorsque le pie lui disait qu'il ne connaissait qu'une seule dominante, Ocëan Pearl. Il n'en avait que très peu entendu parler, il savait simplement qu'elle était morte avant sa naissance. Il finit par secouer négativement la tête.

- Non, ma mère se nomme Nazz'ariah, c'était la compagne de Cyrius, lui répondit-il en faisant quelques pas pour se dégourdir les jambes, avant de lui faire à nouveau face.

Lorsqu'il lui donna le nom de son père, le jeune pie bai se mit à creuser sa mémoire. Il se souvenait d'un Cœur Noir, il en avait seulement entendu parler, mais il ne l'avait jamais rencontré.

- Je connais seulement de nom, j'étais encore petit quand je suis parti, donc je n'ai pas connu beaucoup de personnes. Seulement ma mère, Cyrius et Commedia Dell'Arte.

Campo commençait à calmer ses nerfs et à se rassurer, cet énergumène ne semblait pas dangereux, alors il pouvait bien calmer sa méfiance pour une fois.

- Je vois.. Ceci explique cela, lui dit-il en haussant doucement les épaules avec une nonchalance non dissimulée. C'est elle, ne dite pas c'était, elle n'est pas morte.

Il voulait s'en convaincre. Si elle était morte avant qu'il ne puisse la remercier, il s'en voudrait énormément. Campo secoua sa longue crinière bicolore avant d'étirer son encolure et de faire bouger ses épaules pour détendre ses muscles endoloris.

- Vous venez ? Marchons un peu, lui dit-il en faisant quelques pas. Alors, vous venez d'où du coup ? demanda-t-il à l'autre pie, curieux.

Camporeal n'ajouta rien, il n'y avait de toute façon rien à dire. Il était persuadé que Commie était encore en vie, et il avait décidé que sa mission serait de la retrouver pour la remercier comme il se doit. Peut-être qu'elle ne le reconnaîtrait pas, mais il n'en avait que faire, lui savait qui elle était. Ses pas, vifs et rapides, le menaient un peu plus vers l'eau. Le sable fin lui brûlait les pieds mais il ne s'en plaignait pas, il préférait de loin ça plutôt que ce qu'il avait vécu durant son absence.

- Je vois, alors vous êtes rentré chez vous.. Qu'est-ce que cela fait, d'avoir un vrai chez soi et d'y rentrer après une longue absence ? lui demanda-t-il en ralentissant légèrement pour pouvoir tourner la tête vers le pie noir et l'observer.

A sa question, l'entier fronça légèrement le nez. Est-ce qu'il connaissait du monde ? Pas vraiment

- Les seuls que je connaisse vraiment sont Cyrius, Nazz'ariah & Commie, enfin Commedia Dell'Arte, lui répondit-il finalement après un petit temps de silence. Et vous ?

Camporeal l'écouta attentivement, presque captivé par ses paroles. Il aurait tellement aimé ressentir ce que le pie noir avait ressentit lorsqu'il était revenu sur HW. Mais ce n'était pas du tout ça qu'il avait ressenti. Il en était même loin. Lui n'avait déjà pas l'impression de rentrer chez lui après quasiment trois d'absences. Et en plus de ça, il avait eu peur, il n'avait même pas été heureux, non, il n'avait ressenti que de la crainte.

- Je vois, ça doit être étrange de revenir ici et de voir qu'on a plus du tout de famille. Enfin, moi, ça me paraîtrait étrange, lui avoua-t-il en haussant les épaules avec nonchalance.

Le pie bai écouta patiemment la réponse de Fantôme et plus les noms sortaient, plus sa bouche s'ouvrait. Il ne connaissait décidément personne !

- Oh ! Je vois, ça fait beaucoup de monde.. Je crois pouvoir dire sans me tromper qu'Hallelujah est ma grande demi-sœur. C'est la fille de notre mère, mais je ne l'ai jamais rencontré. Il marqua une pause avant de rebondir sur ce que Fantôme lui avait dit. Et qui sont les chevaux qui sont de votre famille ? lui demanda-t-il, curieux.