Rencontre Enfantine.

Un bâillement se fait entendre dans le golfe tandis que j’ouvre délicatement les yeux. J’avais dormi combien de temps ? Je n’en sais rien, mais ça faisait tellement du bien, sincèrement. Maman dort encore un peu à côté de moi. Je pose un regard sur elle : elle est étendue de tout son long et ronfle comme un vrai ours. Un petit rire sort de mes lèvres tandis que je me lève doucement. Un fourmillement dans mes jambes me fait comprendre que j’ai besoin de courir, de découvrir les environs et surtout visiter le royaume de papa. Maman m’a toujours dit que Papa allait devenir un grand roi et que je suivrais ses pas, mais ce qu’elle ne sait pas c’est que je n’ai pas envie de devenir reine. Non, j’ai envie de galoper, de me faire des copains, de vivre une vie normale en fait. J’en ai marre de toutes ces règles, des règles que maman m’oblige à suivre. Finalement, sans prévenir maman, je pars au pas pour me diriger en dehors de ce golfe.
Papa m’a toujours dit que le Golfe est le plus bel endroit de son royaume, mais moi je préfère les Rocheuses. On l’a visité une fois avec maman et j’ai adoré. Ces couleurs rouges, ces oiseaux qui volent délicatement, mais surtout le fait que je puisse voir l’île entièrement. Alors, sans même hésiter une seule seconde, je pars au trot vers cet endroit. Il faisait encore froid, car le Soleil venait tout juste de se lever, mais je sais que la chaleur viendra petit à petit. Un dernier regard vers maman et brutalement je pris le galop. J’adorais cette sensation : le vent venant fouetter notre visage et l’air pur s’engouffrant dans nos poumons. Soudain un hurlement. Je me stoppe brutalement, les oreilles en avant et observant les environs. Ca venait des rocheuses. Alors, sans hésiter, je galopai vers celles-ci et vis une autre pouliche de la même couleur que moi, près du vide. Je m’approchai, oreilles en arrière.
« Non mais ça va pas d’hurler comme ça ? Tu veux réveiller les oiseaux ou quoi ?! » demandai-je avec colère. Puis la voyant vers le vide. « T’as envie de voler avec eux ? » demandai-je en rigolant.

Mais c’est qu’elle me crie dessus la bourrique ! Pour qui se prend-t-elle ? On ne me crie pas dessus, moi ! Papa, Maman, ils ont le droit, mais personne d’autre n’en a l’autorisation, non mais ho ! Je plaque mes minuscules oreilles en arrière, avec une moue mécontente, tout en reculant légèrement. Elle me ressemble, mais elle a l’air aussi bête qu’un pigeon celle-là. Un excuse. Elle croit sincèrement que je vais l’excuser si facilement ? Complètement tarée, celle-ci ! Elle avait seulement besoin de crier ? Ah ouais ? Mais pourquoi crier ainsi ? C’est quoi le but, en fait, sincèrement ? C’était complètement débile, sincèrement. Je pousse un profond soupir, pour finalement secouer la tête.
« Hallelujah, future reine des Trompeuses. » dis-je, fière de moi. « Et toi ? T’as un nom ou tu sais simplement crier comme une imbécile ? » demandai-je, un petit sourire moqueur aux lèvres.
Je ne sais réellement pas de qui je tiens ce caractère, mais je suis mauvaise. Peut-être un peu trop, à vrai dire, mais elle m’a gonflé. Je ne la connaissais pas, mais elle criait et ça me saoule. Surtout le matin, quoi ! On ne crie pas dés le matin, c’était interdit, surtout pas avant que j’ai bu ma première gorgée de lait. Finalement, je marche vers elle, soupirant longuement pour ensuite me poser à côté d’elle, silencieuse et observant l’horizon. Ce territoire m’appartiendra un jour, maman me l’a promit.

Même pas un nom, rien du tout ! Elle est sérieuse, elle ? Elle m’agresse sans même donner son nom ?! Mais c’est qu’elle était vraiment abrutie, c’est pas possible. Je suis la future reine des Trompeurs, on ne me manque pas de respect ainsi ! Je prend une moue courroucée, les oreilles en arrière et le regard noir.
« Je suis un bébé, moi m’dame ! Alors grandir, j’ai pas envie, d’accord ?! » prononçai-je avec une pointe de colère.
Je l’entendais, sans pour autant l’écouter. Il y avait une certaine nuance là dedans, c’est Maman qui me l’a dit. Quand on entend, on entend, mais quand on écoute, on fait attention à son partenaire de discussion, hors là c’était tout le contraire. Brutalement, elle me bouscule et je me retrouve les fesses à terre. Vexée, je me relève rapidement et lui mord les fesses.
« Non mais ça va pas ! T’es trop grosse pour passer sans me bousculer ? Elle a du avoir du mal à accoucher ta mère, dis donc. » dis-je plus fort encore.
En fait, j’avais bien changé depuis ma naissance. J’avais peur de rien ni personne : je tenais sans doute ça de mon Papa.

Pourquoi un changement si brusque ? Pourquoi changeait-elle d’attitude si rapidement ? Je ne comprends pas. Pourtant, j’avais juste voulu la faire réagir, faire en sorte qu’elle s’excuse tout simplement. Mais non, elle, elle ne fit que s’énerver. Elle croyait sincèrement que j’allais me débiner et que je ne répéterai pas ? Elle ne me connaissait pas. En même temps, elle n’a pas cherché à me connaître.
«  Ta mère a du vraiment avoir du mal à te mettre au monde vu ton obésité, non ? » dis-je sans même me soucier des conséquences.
J’étais bébé aussi. Je ne faisais pas forcément attention à ce que je pouvais dire. Peut-être aurais-je du, mais là, elle m’avait cherché. Je devrais sans doute faire attention mais là j’ai pas envie. Maman m’aurait sans doute disputer, ou alors aurait fait en sorte que je me taise mais .. Elle n’était pas là. Je ne fis que fixer l’isabelle en face de moi, les oreilles dans la crinière et le port de tête princier.

Bim. Mais c’est qu’elle vient de me percuter la grosse ! Mais elle se rend compte un peu ou pas ? Elle est presque adulte, et moi bébé. Elle se rend compte qu’elle s’attaque à plus faible qu’elle ou elle est réellement bête au point de l’ignorer ? Je l’écoute. Elle croit sincèrement m’attendrir avec l’histoire de sa mère morte ? Okai c’est triste, okai j’aurais pu pleurer, mais elle m’avait chercher la première. Je me relève difficilement, la tête qui tourne.
« Tu ne me connais pas non plus. Tu ne sais ni qui est mon père, ni ma mère. Donc tu ne sais pas quelle reine je ferais. Alors avant de juger, balaie devant ta porte, okai ? » dis-je avec colère.
Complètement folle celle-là, réellement ! Mais maman m’a toujours dit que les excuses sont plus diplomates que la bagarre.
« Je suis désolée pour ta mère, mais tu aurais été plus polie je n’aurais pas attaqué ce qui m’est venait en premier à l’esprit. » dis-je plus calmement.
Finalement, je m’ébroue et la contourne. Là, je passe au trot près d’elle, l’évite un peu pour finalement soupirer longuement.
« Tu me déçois. Je te pensais plus princière, comme toutes les juments que maman m’a décrit. Mais tu n’es qu’un singe dans un peuple d’humain. »

Elle a peut-être raison finalement, mais je ne lui dirais jamais. Je n’avoue jamais mes tords. C’est peut-être pour cette raison que Maman me dispute si souvent … En même temps, Papa m’a dit qu’il fallait être fier dans la vie. Que quand on est roi, on se doit de le montrer. Il le montre, lui, pourtant. Et puis, elle croit sincèrement me faire peur avec son regard ? Elle a juste le même que maman et dans ces cas-là, je … Ris, comme je fais actuellement.
« Je t’ai rabaissé car tu as pété un câble juste à une allusion. Tu te crois adulte mais tu réagis comme moi. Et encore, moi j’aurai gardé mon calme, même si maman est morte. » dis-je calmement.
J’étais en colère, mais maintenant je riais. Elle me faisait rire à vouloir faire le monstre, elle ressemblait plus à une pomme pourrie. Finalement, je soupire.
« Je m’ennuie. » dis-je en murmurant.
Ouais, elle m’ennuyait réellement. Gueuler pour gueuler … Quel intérêt, sérieux ?

Trois phrases. Trois phrases qui vinrent s’ancrer dans mon cerveau ainsi que mon âme. Je prenais sur moi, même à mon âge, mais là, elle a touché la cordes sensibles. Elle n’aime pas qu’on parle de sa mère, qui est morte, alors qu’elle ne touche pas à mes parents. Qu’elle les laisse là où ils sont tout simplement. Je la regarde tourner autour de moi, mais ne m’abaisse pas. Puis brutalement, malgré ma petite taille, je balance violemment mes postérieurs, au risque de tomber avec l’élan.
« Je préfère avoir des parents déçus et vivants, qu’une mère morte. Au moins eux, en changeant de comportement, je pourrais voir dans leur regard qu’ils sont fiers. Que la tienne, elle ne pourra jamais te le dire. » dis-je.
Je me rendais pas compte de ce que je disais, mais j’étais tellement en colère, j’avais tellement de haine envers cette jument. Elle me ressemblait physiquement, mais elle n’était qu’une esquisse de la reine que je deviendrais plus tard.

« Ils n’ont pas honte de moi, tout simplement car je suis le cadeau qu’ils ont attendu toute leur vie. C’est maman qui l’a dit. Et maman ne ment jamais ! » répondai-je en ronflant des naseaux.
Il fallait avouer que je n’étais pas bien imposante avec mon corps de bébé, mes minuscules oreilles et mon corps encore efflanqué. Mais il était hors de question qu’on me dise qui je suis, qui je devrais être mais surtout qui je déçois ou non.
« De toute façon, tu n’es qu’une gueuse. Je ne devrais même pas te parler, tu souillerais ma robe. » dis-je en mettant la tête bien haute.
J’avais, une fois, entendu maman parler ainsi. Elle avait même fait pleurer sa compagne de blablatage, alors j’espère que ça aura le même effet sur l’autre. Car je suis à deux doigts de la taper si fort qu’elle risque de s’envoler au fin fond du ciel.