Au delà des mots

Naëlle continuait inlassablement son exploration des Terres d'Horse-Wild. Le nombre de territoire que comptait cette île était impressionnant et elle commençait à croire qu'elle n'arriverait jamais à tous les parcourir avant de devenir adulte ou avant que des dominants ne soient nommés et qu'elle ne risque de se faire chasser. Mais surtout, en ce moment elle en avait marre des territoires peu agréables, voir hostiles. Entre les falaises abruptes, l'usine abandonnée, le désert aride et le tsunami, elle en avait sa dose des épreuves. Maintenant ce qu'elle voulait, c'était une petite visite tranquille, elle voulait se reposer, se ressourcer avant de repartir pour de nouvelles aventures endiablées. Elle était donc venue dans la grande plaine illuminée, certaine d'y trouver le calme qu'elle convoitait, et surtout, toutes les commodités dont elle aurait besoin et envie.

A peine arrivée, elle se mit à profiter pleinement de tout ce qu'elle pouvait trouver en ces lieux. Elle commença par manger les framboises et les nombreuses baies qui parsemaient la pléthore de buissons qui se dressaient face à elle. Une fois le ventre plein, elle se dirigea vers un lac à l'eau claire et fraiche pour s'y abreuver. Elle en profita pour y plonger ses membres afin de se rafraichir en cette assez chaude journée ensoleillée. Puis elle se coucha à l'ombre d'un arbre dont le feuillage était épais et très bien fournit. Ainsi allongée de tout son long et la peau du ventre tendue, elle profitait de cette quiétude qu'elle espérait voir s'éterniser. Elle se détendis complètement, et entreprit de commencer une sieste bien méritée.

Naëlle glissait lentement dans le monde des rêveries, bercée par le chant des oiseaux, confortablement installée et profitant de la clémence de la météo, elle s'abandonnait peu à peu, sombrant dans un état de semi-conscience, elle était prête à rejoindre les bras de Morphée. L'endroit qu'elle venait de trouver était idéal, elle aurait du venir ici bien avant au lieu de commencer à explorer Horse-Wild par ses territoires peu accueillants. Mais un bruit de pas qui s'approchaient vint troubler sa quiétude. Elle ouvrit un œil pour voir qui venait ainsi la troubler alors qu'elle venait enfin de trouver le repos. Il s'agissait d'une pouliche, d'à peu près le même âge qu'elle. Surement venait-elle simplement pour s’abreuver et qu'elle repartirait ensuite aussi vite qu'elle n'était venue. Naëlle referma son œil avec l'intention de se rendormir. Mais cela ne se passa pas comme elle l'avait prévu. Des bruits de mouvements d'eau se firent entendre et troublaient la pouliche pie, qui ne pouvait se reposer avec un pareil raffut juste à côté d'elle. Elle rouvrit les yeux et leva l'encolure. La pouliche isabelle venait d'entrer dans l'eau et semblait vouloir y faire sa baignade. N'avait-elle aucune once de savoir vivre et de respect?! N'y avait-il pas assez de points d'eau en ces lieux pour qu'elle ne choisisse de ce baigner à quelques petits mètres de là où Naëlle essayait de se reposer? La pouliche ne supportait pas qu'on la dérange, encore moins de cette façon, qui relevait de l'affront.

Naëlle lança un regard noir à la squatteuse, espérant que cela suffise pour qu'elle déguerpisse en s'excusant platement.

Les mots de la pouliche firent sourire Naëlle, cela n'était pas le but recherché, elle en avait bien conscience, mais elle n'y pouvait rien. Elle n'allait tout de même pas se retenir de sourire pour ne pas risquer de vexer la petite effrontée qui se dressait devant elle. Elle invitait même la pie à s'en aller, quel incroyable audace. Alors même que c'était elle qui venait tout juste d'arriver, elle qui venait troubler la tranquillité de la première, elle pensait qu'elle allait se lever et simplement partir, en laissant son petit coin de paradis à cette gueuse? Elle ne doutait vraiment de rien, et c'était cela qui faisait rire Naëlle. Après tout, ne dit-on pas que c'est ainsi que l'on reconnait les idiots? Que ce sont ceux qui osent tout.

Naëlle leva les yeux, plantant ses prunelles dans celles de la crème, ses yeux étaient emplis de mépris.

La question était, en avait elle les moyens? Elle semblait faire partie de ces gens qui pensent qu'avoir du caractère est synonyme de gueuler sur tout ce qui bouge et qu'une joute verbale ne se gagne qu'en insultant copieusement son opposant. Elle ne semblait donc pas en mesure d'apprendre quoique ce soit, la capacité de sa matière grise devait être proche du minimum vital.

Naëlle considéra pendant un court instant la remarque que la petite effrontée venait de formuler. En fait, il semblait que ce soit dans ses habitudes de commencer une interaction avec une nouvelle personne en l'agressant... Collapsing, Fifa, un peu Cyrius... En même temps elle n'avait jamais prétendue être douée pour interagir avec les autres et donner une bonne première impression. Peut-être devrait-elle travailler un peu sur son entrée en matière à l'avenir. Quand bien même, ce n'était pas de sa faute si la quasi totalité des personnes sont agaçantes. Dans le cas présent en tout cas, elle n'était pas fautive et elle tenait à le faire savoir.

Tout avait commencé à partir de là, c'était de sa faute à elle et pas de celle de Naëlle. De toute façon la pie n'est jamais responsable de quoique ce soit de négatif, ce sont toujours les autres les responsables, les fouteurs de troubles, ou qui l'ont poussés à mal agir. 

Voilà maintenant que la petite isabelle se comparait, voir s'identifiait à Naëlle. Encore une fois, ce n'était pas la première fois que cela lui arrivait. Pourquoi les gens se sentent-ils obligés de se comparer ou de comparer des personnes qu'ils connaissent à Naëlle? Elle qui est pourtant unique, comment peut-elle ressembler, de près ou de loin à autant de personne? A moins que ce ne soit les autres, qui aiment se comparer à elle, s'imaginer qu'ils sont au même niveau qu'elle, qu'ils jouent dans la même coure. Même si cette pensait plaisait à la pouliche pie, de se dire que les autres fantasment en s'imaginant ou en imaginant leur descendance, à son image, le fait qu'ils aient l'audace de se comparer à elle la dérangeait. On ne peut comparer l'incomparable, alors qu'ils cessent de le faire! La pouliche isabelle reprit la parole et Naëlle comprit alors. Elles avaient toutes deux un passé semblable, mais cela ne voulait pas dire qu'elles le sont, nuance! En tout cas, elle formula des excuses et c'était tout ce que la pie souhaitait.

Naëlle fit un petit sourire à son interlocutrice, et se rendit alors compte qu'à cause de leur entrée en matière, elle ne connaissait pas son nom.

Elle s'appelait donc Hoykä. Original. Naëlle en prit bonne note, elle allait devoir retenir chacun des prénoms des chevaux qu'elle croisait et avec qui elle faisait connaissance, elle se devait de bien inscrire se prénom sur la tête de la pouliche pour ne pas la confondre avec quelqu'un d'autre à l'avenir.

Après tout ce temps passé à être réveillée et toute cette agitation, la pouliche pie n'allait pas réussir à retrouver le sommeil avant un bon moment. Elle se redressa et se leva, prenant soin de s'étirer longuement pour bien se remettre en jambes. Elle observa un moment la pouliche isabelle qui se tenait à quelques mètres d'elle. Elle n'avait pas très envie de faire connaissance avec elle, elle aspirait toujours à visiter ce territoire tranquillement, mais elle se sentait un peu obligée de le faire.

Naëlle buva un peu d'eau fraiche, attendant la réponse d'Hoykä.

La réponse d'Hoykä ne se fit pas attendre et elle fut des plus abruptes. Un seul mot, lâché d'un coup, presque comme si elle avait voulu en retenir mais que celui-ci était parvenu à s'échapper. Naëlle redressa la tête et détailla la pouliche isabelle. Elle n'avait pas l'air d'être particulièrement rebutée pour autant, mais son passé devait lui être douloureux ou lourd à porter, à moins qu'elle ne voulait simplement tourner la page. La petite pie voulait en savoir plus à propos de cela, peu importe si son interlocutrice finissait par se sentir brusquée, après tout peut-être que parler de son passé pourrait l'en délivrer.

Les humains généralement (elle prenait son cas pour une généralité), veulent nous garder auprès d'eux, ils aiment nous avoir près d'eux à moins qu'ils n'aiment que le fait de nous posséder. Alors lorsque l'on quitte le monde des humains pour redevenir sauvage, c'est que l'on a fuit, personne ne nous a libérer.

Le regard et l'expression d'Hoykä changèrent complètement au moment où Naëlle lui avait posé la question, son regard était terni par un voile de tristesse. La pie ne manqua pas un instant de cette métamorphose, et cela ne faisait qu'augmenter sa curiosité envers le passé de la pouliche qui lui faisait face. Peut-être que son passé était plus similaire au sien qu'elle ne le pensait, elle avait envie de savoir, pour assouvir sa curiosité. Elle savait qu'au vue de la réaction de l'isabelle, cela allait surement la blesser de raconter son histoire, mais cela ne perturbait pas Naëlle, les sentiments des autres, elle s'en fichait éperdument. Et puis peut-être que raconter son histoire allait l'en délivrer.

Elle s'allongea comme pour illustrer ses précédentes paroles et elle continua d'observer Hoykä.

Naëlle continua de fixer la pouliche qui lui faisait face, attendant de voir sa réaction. Pour sa part, elle restait impassible, dissimulant l'impatience qu'elle avait à l'idée d'entendre cette histoire qui avait l'air d'être très intéressante.

Naëlle sourit à la réponse de la pouliche isabelle, prévisible, mais elle avait espérait que cela ne se passe autrement, qu'Hoyka affronte son passé et décide de le lui raconter, l'acceptant ou le chassant par la parole, mais il n'en fut rien. Elle resta dans son silence, continuant de garder cela pour elle, comme un trésor ou une malédiction, peut-être comme une grenade qui finirait par lui exploser entre les mains si elle ne parvenait pas à s'en débarrasser à temps. Naëlle s'était débarrassée du poids de son passé très rapidement, justement pour ne pas qu'il lui pèse, qu'il ne la poursuive, qu'il ne continue de la hanter et d'entacher son présent. Désormais elle pouvait en parler comme s'il était des plus banals.

Le passé d'Hoyka n'intéressait pas la pie de toute façon, elle avait posé cette question uniquement pour titiller son interlocutrice et voir sa réaction.

Cela par contre, était nettement plus intéressant. Les rêves et ambitions d'une personne qui a toute la vie devant soi, pour laquelle tout est encore possible, où rien ni personne n'a encore entravé la moindre des possibilités. Naëlle doutait du fait que la pouliche isabelle ne soit ambitieuse mais elle avait appris à se méfier des apparences.

Elle regarde la pouliche un peu plus grande qu'elle. Son regard était sans émotions, un regard vide .

Elle tourna le dos à la jument et viens se mettre au petit trot .

Un petit rictus sur les lèvres. Elle se mit au grand galop .

La réponse de la pouliche ne se fit pas attendre et correspondait bien à l'idée que Naëlle c'était faite d'elle. Enfin non pas tout à fait. Elle se doutait qu'elle n'était pas ambitieuse, qu'elle ne rêvait pas de pouvoir, de grandes aventures ou que sais-je encore, mais elle s'était au moins attendue à ce que la pouliche n'espère trouver le bonheur par exemple, sur ce nouveau territoire. Mais non, elle cherchait simplement à vivre, tout comme le font instinctivement les loups, les oiseaux, les petits lapins ou encore les mouches. Elle avait l'ambition d'une mouche. Naëlle ne répondit pas et observa la pouliche qui d'un coup d'un seul lui annonça son départ et partit sans tarder. La pouliche pie resta immobile, tout cela était parfaitement incompréhensible. L'isabelle a un fort caractère et n'a pas peur de se frotter aux autres, mais elle n'utilise pas cela lors du joute verbale et finit par s'excuser, elle est venue chercher ici une nouvelle vie mais continue de trainer son passé comme un boulet et elle vient chercher le contact d'autres personnes mais ne cherche pas à connaitre son interlocuteur et finit par se sauver brutalement. Naëlle resta un moment immobile et pensive, puis elle haussa finalement les épaules avant de s'installer au même endroit où elle dormait avant qu'Hoyka n'intervienne, la journée n'était pas terminée, elle avait encore le temps de se reposer avant de repartir à l'aventure!