Demande moi le Nil !

Demande moi le Nil !

pour le fou qui se perd au coeur du désert

Le Choeur : Du sable à perte de vue. Son regard est troublé par les vagues de chaleur qui lui laissent deviner des formes étrangères parmi les dunes. Elle ne se souvient de rien. L'immense étendue qui l'entoure est inhospitalière. L'ombre ne s'étend pas jusque là. Sa gorge est asséchée, sa langue pâteuse. Son poil terni par le sable qui s'immisce dans sa robe dorée et l'irrite. (elle lance un regard désespéré vers le ciel.) Commedia ne sait pas comment elle est arrivée là. Ou du moins, elle a bien une idée mais personne ne la croirait.

Commedia : J'ai soif. (sa voix est rugueuse comme le rocher près duquel elle est arrêtée.)

Le Choeur : L'oubli est un état bien étrange et elle ne goûte pas à la plaisanterie. Ceux qui l'ont enlevée vont le regretter, lorsqu'elle pourra leur dire le fond de sa pensée. Car elle en est persuadée, on l'a enlevée. Pourquoi ? Elle ne sait pas. Quand ? Elle ne se souvient pas. Où ? Quelle importance, elle n'y est pas. Qui ? Quand elle l'apprendra... La jument dorée se met finalement en marche. Elle va les retrouver et leur faire payer cet affront. Elle ne sait même pas où elle est.

Mais quelle idée elle avait eu de s'aventurer ici?! En arrivant sur ce nouveau territoire, tout ce qu'elle avait vu se constituait de sable. Une immense étendue de sable dorée qui filait droit jusqu'à l'horizon, et ce peu importe la direction dans laquelle elle regardait, sauf si elle regardait derrière elle, de là où elle venait. Elle avait alors hésiter. Elle se devait de traverser ce territoire, même si de toute évidence, il n'y avait pas grand chose à voir, que la visite se résumerait à marcher en ligne droite pour traverser ce désert, elle devait le faire afin de pouvoir affirmer sans mentir, qu'elle aurait parcouru l'ensemble des territoires d'Horse-Wild. Mais était-ce une bonne idée de visiter cette terre là seule? Peut-être pas, mais elle était convaincue qu'elle n'avait besoin de personne, alors oui, elle pouvait le faire seule! Mais à son jeune âge c'est différent, elle qui n'a encore que peu de réserves si jamais elle venait à se perdre... Mais la petite Naëlle est une aventurière dans l'âme, alors elle avait prit le pas et avait commencer son expédition à travers le désert.

Elle avait longuement marché, en regardant partout autour d'elle et elle avait beau se concentrer et bien chercher, rien n'y faisais, le paysage était toujours le même. Après avoir autant marcher, rien n'avait évoluer, c'était comme si elle n'avait pas bouger, comme si depuis tout ce temps, elle avait marcher sur un tapis roulant, elle marchait encore et encore et pourtant elle n'avançait pas. Elle en venait même à se demander si elle avait effectivement marché droit devant elle ou si elle avait fait des changements de direction sans s'en rendre compte, après avoir fait une pause ou après s'être légèrement détournée de son chemin tout tracé fictif en voulant observer quelque chose sur le sol ou un rocher qu'elle voulait utiliser comme repère. Encore utile que maintenant, elle avait faim et soif et était fatiguée. Elle en avait assez de ce désert, assez de tout ce sable, assez de marcher, mais elle ne pouvait s'arrêter.

Elle distingua cependant une forme qui se dressait au travers de l'horizon, une silhouette. En s'approchant, elle discerna les contours de cette silhouette et pu voir qu'il s'agissait d'un cheval. Elle s'approcha encore, jusqu'à la voir très clairement. Le cheval était lui aussi couleur sable, il avait juste les crins blancs, et il restait là, sans bouger. Attendait-il que sa cuisson se termine? Etait-il réel? Étrange question, mais en l’occurrence, Naëlle pensa alors à une illusion, le cheval de sable était-il un mirage? Une variante de l'oasis? Elle devait vérifier. Elle s'approcha donc encore du cheval, et s'arrêta à quelques centimètres de lui. Elle tendit alors le museau et toucha le corps du cheval avec. Elle sentit la peau de la jument résister contre la pression de son museau, elle se recula en souriant, contente de cette formidable et inespérée rencontre.

Le Choeur : Les dorures du paysage ondulent avec la brise et irritent sa peau fragile. Commedia distingue des vagues de chaleur et pas l'ombre d'une oasis. Le brûlant est à son zénith mais il semble suspendu au ciel depuis les petites heures du jour. Prisonnier de son sort, le soleil se venge sur la jument dorée. Elle n'a pas remarqué la petite silhouette qui l'approche et sursaute quand de doux naseaux l'effleurent, se tourne à demi vers ce qui se trouve être une pouliche.

Commedia : Le désert ? Comment ai-je atterri dans le désert moi ? D'ailleurs, j'étais où avant  ?

Le Choeur : Elle regarde autour d'elle, confuse, mais son regard revient inéluctablement vers  la petite inconnue. Elle est parée de blanc et de noir, comme pour diviser l'impact de la chaleur sur son petit corps. Commedia la détaille sans vraiment la voir, essaye de se souvenir d'un passé étonnamment effacé de sa mémoire. Que s'est-il passé ? Elle n'en sait rien et soupire profondément et redonne toute son intention à la jeunette, lui souriant aimablement.

Commedia : Qui es-tu ? D'où viens-tu ? Où vas-tu ? Toutes ces questions auxquelles j'aimerais pouvoir répondre...

Naëlle s'attendait à tout sauf à cela. La jument palomino avait l'air complètement perdue, pas seulement par ce qu'elle se trouvait en plein milieu d'un désert et était complètement dépourvue de point de repère, mais sa présence même dans ce désert la troublait. Était-elle amnésique? Enfin bon tout de même, si elle ne se souvenait plus de tout le temps qu'elle avait passé dans le désert, plus comment elle était y arrivé, plus l'endroit où elle avait commencé sa route... cela faisait tout de même un sacré pan de mémoire perdu. Elle n'avait pas pu perdre connaissance non plus, sinon elle se serait très probablement faite grignoter par quelques bestioles affamées, ce qui ne devait pas manquer dans ce genre d'endroit. Il n'y avait que deux hypothèses possible selon la pouliche pie, soit la jument était restée trop longtemps au soleil et se tapait une sacrée insolation, soit elle était complètement cinglée. A croire que la majorité des chevaux peuplant Horse-Wild présentent des troubles mentaux.

Prise sous le flux de questions de la jument palomino, la pouliche ne savait pas trop comment réagir. A vrai dire, elle ne savait même pas si toutes ces questions lui étaient adressées ou si la jument se posait toute ces questions à elle-même, essayant de se souvenir de quelque chose. Bon par contre si elle ne se souvenait même plus de qui elle était, là elle faisait parti des cas irrécupérables. Naëlle ne pouvait fournir aucune aide à la jument en détresse étant donné qu'elle n'en connaissait pas plus à son sujet qu'elle-même et de toute façon elle n'avait aucune envie d'essayer, elle n'était ni psychiatre ni responsable de la SPDM (Société Protectrice des Déficients Mentaux). Elle était venue  à la rencontre de la blonde en espérant que celle-ci pourrait l'aider et visiblement c'était qui avait le plus besoin d'aide ici, elle n'allait donc pas lui être d'une grande utilité. La pouliche n'avait guère envie de s'éterniser plus longtemps dans cet affreux désert, encore moins si c'était pour essayer de retrouver l'identité de Jane Doe.

"- Bien, alors disons que je vais partir par-là" elle pointa du museau la direction qu'elle suivait depuis le début de sa traversée du désert, "et que toi tu vas partir dans cette direction" cette fois, elle pointa en direction de sa droite, traçant un chemin perpendiculaire au précédent. "La première qui s'en sort vivante à gagner!".

Elle marqua un temps d'arrêt de quelques secondes, laissant l'information faire son bonhomme de chemin jusqu'aux neurones de son interlocutrice.

Sans attendre son reste, Naëlle prit la poudre d'escampette, marchant rapidement dans la direction qu'elle avait convenu, tout en priant pour que la cinglée ne la suive pas.

Le Choeur : La chaleur n'a pas eu raison du rôle de Commedia. Elle bat des cils, l'air hébété, lance un regard à la ronde et si elle ne se souvient plus d'où elle vient elle sait très bien qu'elle a visité les Terres Trompeuses dans l'espoir inavoué de trouver son père adoptif. Il lui manque et si elle regrette la naissance de sa fille biologique elle ne peut que désirer garder une petite place dans le coeur de Cyrius. Elle était là la première, après tout... La jument revient soudain à sa représentation et quitte le décor des yeux pour observer celle qui lui donne la réplique. La petite est bien pressée et elle ne peut s'empêcher de la couper.

Commedia : Attends ! Que fais-tu, toi, là toute seule ? (elle suit la pouliche.)

Naëlle trottinait rapidement, essayant de quitter le champ de vision de la ponette rapidement, et que celle-ci oublie son existence par la même occasion. Elle n'avait pas eu envie que cela ne ressemble vraiment à une fuite, donc le trot suffisait, enfin c'était ce qu'elle pensait. Parce que ce qu'avait redouté la pouliche pie se produisit. Alors qu'elle tentait de fuir tant bien que mal, la ponette palomino se mit à la suivre et la rattrapa en moins de temps qu'il ne fallait pour le dire. Décidément, elle n'avait absolument rien compris de ce que la pouliche avait tenté de lui expliquer, ou alors elle n'avait pas écouter, ou fait semblant de ne pas comprendre et ainsi avoir un prétexte pour la harceler! Il y avait tant de possibilité... En tout cas maintenant plus besoin de courir, surtout qu'il fait assez chaud comme cela ici et que Naëlle a déjà assez soif, pas besoin d'en rajouter. Elle repris le pas, marchant lentement en poussant un long soupir. Étant donné qu'elle ne pouvait pas la fuir, elle allait devoir affrontée la cinglée, le mieux étant de sortir du désert rapidement. De toute façon il n'y avait rien d'intéressant à voir ici, Naëlle en avait terminé avec son exploration des lieux, sa soif la poussée aussi à chercher la fin de ce désert rapidement et avec la ponette qui ne savait pas comment s'en sortir non plus... c'était sûrement la meilleure solution. Quoique la fuite avait précédemment été sa meilleure solution...

Avec quelqu'un d'autre ça aurait pu marcher, ce petit bout de phrase non sous-entendu. Mais avec la jument à laquelle elle avait affaire et sa faible capacité de compréhension, elle n'y croyait pas. Elle avait tout de même essayer, sur un malentendu cela pouvait fonctionner, mais il n'y croyait absolument pas.

Le Choeur : Commedia n'oublie pas la pouliche qui s'éloigne. Malgré les grains de sable qui se défilent sous ses sabots, les souvenirs qu'elle vient de former ne s'égrainent pas déjà et elle suit l'inconnue sans douter de ses raisons de le faire. Ses jambes la portent avec une aisance curieuse par cette chaleur et elle se demande depuis combien de temps elle erre dans le désert. Si elle n'est pas fatiguée, c'est que ça ne fait pas longtemps qu'elle y est entrée.

Commedia : On te dérange souvent ? (elle bat des cils, ahurie.)

Le Choeur : Le soleil lui tape sur le crâne et elle secoue doucement la tête pour soulager son encolure de la lourdeur de ses crins pales. Ils retombent bien vite contre son poil et elle se mord la lèvre pour ne pas montrer qu'elle souffre de la chaleur. La petite est dans son ombre maintenant qu'elle l'a rattrapée et elle la dévisage du coin de l'oeil.

Commedia : Je ne sais plus, mais j'ai tout intérêt à explorer la question. (un léger sourire étire ses lèvres.) Et toi ? Quelle est la raison de ton exploration ?

Naëlle douta pendant un instant, elle se demandait si la jument palomino ne le faisait pas exprès, si elle ne jouait pas le rôle de la pimbêche dans le but de l'importuner voir de se moquer d'elle. Mais pourquoi ferait-elle une chose pareille? Pour passer le temps, au détriment de la pouliche, parce qu'elle n'avait rien de mieux à faire présentement au beau milieu de ce désert. C'était tout à fait envisageable. Naëlle observa un petit moment la jument et celle-ci pris la parole. Sa réponse avait beau continuer à convaincre la pouliche qu'elle se moquait d'elle, la palomino avait réellement l'air étonnée par le fait que des personnes puissent déranger la jeune pie. Il n'y avait que deux possibilités, soit elle avait vraiment un gros problème mental, soit elle était très bonne actrice. Mais comment savoir quelle version est la vraie?!

Elle accompagna ses paroles d'un soupir d'exaspération.

Naëlle s'efforçait de marcher au même rythme que celui de la jument. Elle aurait pu marcher vite, presser le pas et ainsi espérer trouver plus rapidement la fin de ce désert et échapper à la blonde, mais en conservant ce rythme de croisière, elle pouvait profiter de l'ombre offerte par la silhouette de la jument. Bien que cela ne changeait rien au fait qu'il faisait une chaleur étouffante, cela lui permettait de ne pas avoir en plus la chaleur directe du soleil qui chaufferait sa peau. Comme quoi, être un poulain et être accompagnée d'un adulte pouvait avoir ses avantages. Depuis que la palomino était devenue son pare-soleil, elle avait renoncée à la semée au plus vite.

La nouvelle réaction de la jument la perturba quelques peu. Pourquoi souriait-elle en disant qu'elle devrait se renseigner sur la fréquence à laquelle elle perd la tête? Cela devrait l'inquiéter, pas la faire sourire! Naëlle voulu commencer son investigation, mais elle ne savait pas vraiment distinguer les incohérences et autres bizarreries dues à un problème mentale de celles dues à une mauvaise plaisanterie.

Naëlle pris une mine faussement déçue puis haussa les épaules.

Le Choeur : Le temps passe lentement dans le désert, tout comme l'eau s'y fait rare et les nuits glaciales. Commedia observe la ligne de l'horizon, le ciel bleu que tranchent irrégulièrement les dunes de sable. Elle bat des cils et revient à sa compagne qui s'exaspère de ce qui ressemble à une vie sociale bien remplie.

Commedia : Certaines personnes donneraient n'importe quoi pour être dérangées, tu sais. A moins qu'on ne vienne t'importuner ou qu'on vienne te faire du mal, je pense que tu as bien de la chance si les gens s'arrêtent pour te parler. Quand j'avais ton âge j'adorais faire de nouvelles rencontres car j'avais horreur de rester toute seule. Mais je ne sais plus pourquoi...

Le Choeur : Elle se mord la lèvre parce que sa langue a fourché et qu'elle a confié un détail de son passé alors qu'elle est censée l'avoir oublié. La jument dorée espère que la pouliche n'a rien remarqué et croit encore à son amnésie ensoleillée. Avec un peu de chance la pouliche aussi est usée par les insolations répétées. Mais maintenant qu'elle profite de son ombre, Commedia en doute un peu.

Commedia : Un trésor ? Pour quoi faire ? Et pourquoi ici ? (elle embrasse l'étendue sableuse du regard.) Je ne m'en souviens plus. Et toi ?

Naëlle écouta la tirade de la jument, elle ne s'attendait pas à ce que cette dernière ne parle autant et encore moins qu'elle ne joue les sages donneuses de morale. Encore utile que ces paroles firent réfléchir la pouliche. Elle se remémora les différentes rencontres qu'elle avait faite depuis son arrivée sur les terres d'Horse-Wild. Elle avait été dérangée à maintes reprises durant les explorations qu'elle avait fait, interrompue par des cris, par des fesses ou simplement par quelqu'un venant lui faire la causette. Mais au fond, jamais personne ne l'avait réellement importunée et encore moins fait du mal. Ces dérangements avaient même parfois aboutis sur d'intéressantes conversations ou sur des éclats de rires, tous lui laissés un souvenir plus ou moins agréables, mais jamais désagréables. Malgré tout elle s'en plaignait et que l'expérience se renouvelle, la conduisant à faire une nouvelle rencontre. Il est vrai que sur Horse-Wild, et contrairement à sa vie d'avant, elle n'avait jamais fait de mauvaises rencontres et personne ne semblait vouloir lui faire du mal d'une quelconque manière que ce soit. Néanmoins, elle savait d'expérience que même si les gens ne veulent pas lui faire du mal, ils trouvent quand même un moyen pour le faire. Et ce sont toujours ceux auxquels on tient le plus qui nous font le plus de mal. Éviter les autres et éviter de lier un lien quelconque avec eux, était sa manière de se protéger, cela la faisait peut-être passé à côté de moments agréables, à côté d'amis qui jamais ne lui causerait du tord, à côté de l'amour, à côté du bonheur, mais c'était pour elle la meilleure chose à faire. Elle avait de la chance que les gens s'arrêtent pour lui parler selon la jument. Peut-être oui, car cela permettait de rendre sa vie moins monotone, mais présentement, la blonde ne lui était pas d'un grand divertissement et elle perturbait sa quête de sortie du désert.

La suite des paroles de la jument n'étaient pas tombées dans l'oreille d'un sourd, et Naëlle s'empressa d'ajouter cela à son investigation nouvellement lancée. La jument avait des souvenirs de son enfance, sa mémoire n'était donc pas totalement grillée, à moins qu'elle ne viennes de faire une bourde, trahissant son interprétation de l'amnésique. C'était également possible que seule sa mémoire à court terme ne soit altérée, elle aurait garder ainsi des souvenirs de son enfance, bien ancrés dans sa mémoire, mais que son cerveau a arrêter d'enregistrer de nouveaux souvenirs à partir d'un moment, elle oublierait donc les évènements au fur et à mesure, ce qui voulait dire que peu de temps après l'avoir quittée, elle oublierait tout de cette rencontre, elle oublierait Naëlle. C'était tout à fait possible, mais quelque chose clochait, il y avait une incohérence. Son prénom. Jusqu'à preuve du contraire, son prénom faisait partit des souvenirs placés dans la mémoire à long termes, et est censé être ancré en elle, encore plus que ces souvenirs d'enfance. La pouliche était de plus en plus persuadée que la jument était une imposteur qui connaissait parfaitement son prénom et comment elle s'était retrouvée dans ce désert.

Voilà que Naëlle se mettait à jouer la comédie, essayant de berner l'actrice par son propre jeu d'acteur. Elle mettait tellement d'enthousiasme dans cette chasse aux trésors, tellement d'envie de connaitre les secrets incroyables qu'il renferme, qu'elle y croirait presque elle-même. Mais la jument face à elle, si elle jouait effectivement la comédie, était très douée, Naëlle n'avait pas douté de son trouble mental au début de cette rencontre, peut-être pouvait-elle facilement discerner une vraie émotion d'une émotion jouée, aussi bien interprétée soit-elle. Peut-être même qu'elle verrait tout de suite que Naëlle ment et que cette histoire de trésor est montée de toute pièce, mais qu'elle ferait semblant d'y croire... Cette histoire perturbait beaucoup la pouliche, elle réfléchissait beaucoup, voire trop et pourtant tout restait possible et envisageable.

La pouliche pie continuait de marcher inlassablement dans la même direction tout en restant dans l'ombre de la jument, elle s'ébrouait régulièrement, essayant ainsi d'aérer un peu son encolure et créer quelques mouvements d'air.

Le Choeur : Commedia parle beaucoup -et fort- c'est un fait. Ses tirades elle les déclame et y verse son âme pour donner vie aux personnages qu'elle incarne. Elle les abreuve de son énergie vitale et se nourrit de leurs rencontres afin que jamais l'inspiration qui l'anime ne se tarisse. C'est un souffle qui gonfle son coeur de joie et elle est fière de se proclamer actrice. La petite fille en elle n'a pas tout à fait grandi mais elle admire ce qu'elle est devenue car il n'a pas toujours été facile d'endosser ce rôle.  

Commedia : Un génie. (elle rit, frappée d'une illumination.) Bonne idée. Je peux t'accompagner ? Il m'aidera peut-être à me trouver un nom. Ne m'en veut pas, je ne te fais pas confiance pour en trouver un bon.

Le Choeur : Elle sourit de toutes dents et croise brièvement le regard de la pouliche. Le soleil tape sur son crâne et dessine au loin l'ombre d'une oasis auquel elle n'ose croire. Ci et là, des rochers parsèment le désert, émergent du sable et se dressent entre les dunes. Ils sont bien réels et elle trébuche sur l'un d'eux, se rattrapant de justesse pour ne pas tomber sur Naëlle.

Commedia : Mais dis moi, es-tu vraiment certaine que même celui qui l'a caché retrouverait un trésor ici ? Tu le dis si bien, on manque de repères et on se perd facilement, comment revenir sur ces pas dans ces conditions ? Regarde, j'ai déjà perdu la mémoire. Cela ne suffit pas ?

La jument demanda à Naëlle si elle pouvait l'accompagner dans sa recherche du trésor... La pouliche pie commença à vraiment croire que tout ceci n'était qu'une vaste blague, la jument était une comédienne dont le rôle était de la faire tourner en bourrique et non loin d'elles se trouvait une caméra cachée filmant les réactions de la petite afin de la tourner au ridicule, à moins qu'il n'y ai un public que Naëlle n'avait pas encore réussi à voir, un public qui riait à chaque réplique de la blonde et en constatant le désarrois de sa victime. Qu'elle ai effectivement un pet au casque ou qu'elle ne soit une actrice, dans les deux cas la jument était étrange et perturbée, sa présence et son comportement exaspérait de plus en plus Naëlle qui, plus que jamais, souhaitait couper court cette rencontre qui ne la menait nul part.

La chaleur qui régnait en ce territoire était de plus en plus insupportable, et la déshydratation la menaçait, sa bouche était complètement sèche depuis un moment déjà. Elle avait fait le tour, normalement, de ce désert et elle voulait en sortir. C'était ce qu'elle comptait faire au moment où elle avait croiser la route de la blonde, et plus que jamais c'était ce qu'elle comptait faire.

Elle coupa sa phrase net, surprise par la soulevée brutale du sable juste devant elles. Cette volée de sable cessa aussi rapidement qu'elle n'avait commencée et laisse place à un cheval multicolore, au physique étrange, celui-ci prit la parole et se présenta à la jument comme étant un Dieu. Ça y est, le soleil avait trop tapé sur son crâne, elle devenait cinglée à son tour. Enfin c'est ce qu'elle pensait avant de voir que la jument voyait aussi ce cheval bariolé. Elle ne chercha pas plus d'explications et profita que la jument était occupée avec l'autre allumé pour reprendre le pas et s'éloigner des deux. Si cette intervention lui permettait de quitter ce désert sans être suivie par la jument, cela lui convenait parfaitement.

Le Choeur : Le sable s'élève brutalement et retombe silencieusement. Là où il n'y avait rien se dresse soudain un être divin et Commedia croise son regard bovin. Elle ne pense à rien, frappée par la vision d'Aléas qui la laisse terrifiée. Est-il là pour la punir ? Hélas, elle ne peut nier qu'elle a déblatéré bien des balivernes. C'était pour rire mais elle ne peut se résoudre à le dire.

Commedia : Je ne sais pas. (elle baisse la tête et admet sa défaite.)

Le Choeur : La pouliche en profite pour s'enfuir et la jument ne la retient pas. Elle craint qu'Aléas ne s'en prenne à elle et ne souhaite pas de mal à Naëlle. Elle s'adresse une dernière fois à la pie qui l'a bien divertie -elle ne sait pas si l'inverse est vrai- et sourit à la divinité, penaude. Au moins pourra-t-elle raconter ses aventures à Cyrius, sans mentir !

Commedia : Je crois que tu l'as trouvé ton trésor mais moi, je ne sais pas si je vais retrouver la mémoire de si tôt ! Prends soin de toi !

Le cheval divin intriguait Naëlle comme il l'effrayait, et sa grande curiosité avait beau lui donner envie de rester pour en apprendre plus sur lui, elle craignait qu'il ne s'en prenne à elle comme il le faisait avec la jument blonde. Elle ne savait pas ce qu'il se passerait lorsque celle-ci lui aura donner sa réponse, mais elle ne voulait pas prendre de risque. Aussi, la chaleur du désert devenait de moins en moins supportable et elle commençait à être déshydratée, elle avait donc de nombreuses bonnes raisons pour partir d'ici au plus vite. Cela pouvait paraitre égoïste, de laisser la blonde amnésique seule dans le pétrin avec Aléas, mais ce n'était pas un soucis pour la petite pie, elle ne devait rien à la jument et sa présence ne lui serait d'aucune aide de toute façon.

La voix de la jument se fait de nouveau entendre et Naëlle s'arrête, entre son envie de quitter ce désert au plus vite et sa crainte d'être ciblée par Aléas, elle en a oublier toutes les règles de politesse et de savoir vivre. Elle se retourne alors et observe la jument palomino. Alors que depuis le début de leur rencontre elle n'avait fait que vouloir la fuir, la voilà qui voulait rester avec elle et qui commençait même à regretter son comportement. Elle sourit à la jument et lui adressa un signe de tête, voulant à la fois lui dire au revoir et lui souhaiter bonne chance, puis repris le pas. Après quelques minutes de marche elle se retourna de nouveau, voulant voir, de loin, comment la situation avait évoluée pour la jument, mais ils avaient tous deux disparut. Elle se pressa alors de sortir de ce désert, craignant qu'elle ne commence à perdre la boule, cette journée était vraiment des plus étranges.