I put my hand on a stove [PV]

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To see if I still bleed

La rivière s'était élargie, une veine devenue artère dans laquelle le sang ruisselle et gronde, écume, tente de percer la peau pour se répandre et former une cascade. La rivière s'était élargie et elle emportait tous les êtres qu'il avait connu. Certains n'avaient pas de visage ; d'autres n'étaient que des hurlements, des voix qui s'étaient lovées, il y a une éternité, au creux de son tympan, et qui surgissaient tout à coup pour percer son crâne, s'y loger plus profondément encore qu'autrefois.

Querouane était jeune, une pouliche encore, et c'est lorsqu'il la vit qu'il s'élança le long de la berge, tentant de lui dire une chose dont il ne connaissait même pas le sens, hurlant plus fort que les voix mais étouffé pourtant par le grondement de ses sabots, de l'onde qui riait, hilare, et l'emporta trop loin bien vite, le dépassa, la fit disparaître dans un monde auquel il n'avait pas accès. Sorrow s'arrêta, fourbu, tenta de retrouver son souffle. Déjà, d'autres fantômes se précipitaient dans l'onde et voguaient jusqu'au précipice qu'il devinait plus loin mais dont il ne pouvait imaginer la chute. Kuro, une masse blanche sans yeux, sans bouche, sans oreilles, qu'il regarda se noyer à moitié, impassible et comme gourmand, heureux de le voir disparaître, puis Shiro, dont le corps était étrangement distordu, comme écartelé entre l'âge adulte et l'adolescence. Mélodie, un nuage de fumée plus qu'un être, passa tellement vite qu'il n'eut que le temps de sentir les relents d'un parfum qu'il avait inventé, n'ayant jamais eu l'occasion de retenir le sien.

Hyuna', adulte et les yeux fiers, l'entraîna à nouveau au galop. Il voulut se jeter à l'eau pour l'en tirer, mais une force invisible le maintint sur la rive où il du la regarder, impuissant, alors qu'elle était engloutie à son tour et rejoignait sa mère qu'il avait imaginé pourrissante il y a quelques minutes de cela, un corps qui s'est désagrégé sous le soleil du désert après avoir été assassiné et qui accuse de ses orbites crevés par les vautours.

Il fut à nouveau abattu par la fatigue.

Un poulain voguait jusqu'à lui. Il ne le connaissait pas. Il n'avait pas conçu cet enfant. Mais il savait qui il était. Sa version fantasmée de Raven, le poulain de Geisha, dont la mort avait failli déclencher une guerre. L'enfant maudit. Le seul qui pourrissait véritablement au fond de la rivière, lui et l'amour de sa mère fuyante.

Une mélodie, insistante et presque criarde, vint couper en deux le songe. Sorrow remua, grogna. Il refusa de se réveiller, tenta de rattraper le cour de sa rivière imaginaire, mais ne fit que tomber tête la première dans la réalité. Était-ce la boîte à musique ? Oui, il avait peut-être ouvert la boîte à musique, pour attirer le sommeil et la nuit...

Il ouvrit les yeux. Ce n'était pas la boîte à musique. Pas sa petite danseuse gracile, qui tournicotait sans jamais s'essouffler. Non.

C'était un caneton.

Qui le fixait. Avec insistance.

Sorrow ferma les yeux. Oui. Il devait rêver. La réalité ne l'aurait pas acculé avec un caneton criard. Il avait échangé les deux mondes...

Le frison rouvrit les paupières pour découvrir un jeune animal dans l'expectative. Il soupira, songea à l'écraser - mais se contenta de se relever avec toute la grâce d'un ours mal léché, fixant toujours le phénomène qui l'attendait et n'était manifestement pas effrayé par sa taille et son poids.

Il observa les alentours. Nulle canne, nul ribambelle d'autres oisillons qui eut justifié la présence de celui-ci.

Son attention se reposa sur la boîte à musique, logée entre deux racines de l'arbre sous lequel il avait dormi.

Puis retomba sur l'oisillon.

" ... Tu as de la chance que les canards ne puissent pas se noyer. "

Sa menace manquait cependant de son mordant ordinaire.

Maha marchait au bord du ruisseau, écoutant le doux bruit de l'eau ainsi que le bruissement des feuilles et des herbes sur son passage. Elle s'approcha de l'eau pour venir en boire goulûment, appréciant l'eau bien fraîche qui passait dans sa gorge. Portait-il vraiment bien son nom ? Ce serait une bonne idée d'aventure avec Zefyr ça. Mais elle savait qu'elle ne le verrait pas de si tôt. Elle lâcha un petit soupire contrit et elle ferma les yeux quelques secondes.

Elle entendit une douce mélodie et elle leva la tête, intriguée par ce bruit étrange. Elle s'en alla donc vers ce bruit amusant, les oreilles pointées en avant. Elle aperçut d'abord un cheval noir, puis un petit caneton, et enfin une boite à musique. Elle s'en approcha, la renifla et ronfla avant de venir voir l’oisillon qui couinait bizarrement. Elle mit son nez vers lui et d'ailleurs celui-ci sauta dans sa crinière pour venir se bloquer dans sa crinière rousse. En voilà un nouvel ami sympathique ! Ensuite, elle plaqua ses oreilles contre sa nuque quand elle comprit que les paroles de l'étalon était pour la jument.

- Non mais dite donc, ça va pas ? Il ne vous a rien fait à ce que je sache ! dit-elle en plissant les yeux tandis que son nouvel ami poussait un petit cri approbateur. Mais c'est vous, c'est vous qui n'avez pas aidé les autres qui étaient coincés dans la boue ! grinça-t-elle.

Il venait de se réveiller. Il ne méritait pas de tels ennuis.

Sorrow ferma les yeux, compta lentement jusqu'à dix. Lorsqu'il les rouvrit, l'herbe avait été foulée, le ruisseau s'était mis en sourdine, et se tenait devant lui non pas seulement un caneton braillard, mais aussi un cheval roux qu'il contempla en se demandant s'il ne rêvait pas à nouveau, bien qu'il n'ait jamais véritablement eu d'attraction particulière pour les rouquines.

Le fantasme ouvrit son grand bec - alors que le caneton fermait momentanément le sien et se glissait dans sa chevelure - et poussa un cri qui rivalisa de désagrément avec celui qui l'avait réveillé.

Ses oreilles avaient disparu dans sa crinière. Celles du frison se pointèrent en avant.

" Les traits d'humour solitaires, " entama-t-il d'une voix encore embourbée dans le sommeil, " Sont souvent mal reçus par les oreilles vagabondes. "

Il cilla. La boue ? Quelle boue ?

" Je n'ai pas la moindre idée de ce dont quoi vous me parlez. Ou vous êtes une agressive menteuse, ou vous pouvez me décrire précisément dans quelles circonstances j'aurais du sortir je ne sais quels individus de la boue. "

- Vous n'avez rien d'un solitaire, l'odeur des terres Orphelines est présente sur vous. Et je ne suis pas vagabonde, je fais partie des Orphelins, dit-elle en haussant un sourcil imaginaire, les naseaux pincés.

Effectivement, la renarde s'était déjà habituée à son nouveau lieu de vie, et elle était très contente d'appartenir à un troupeau finalement. D'ailleurs, elle connaissait déjà l'odeur de sa nouvelle famille et elle savait parfaitement si elle se tenait devant un Orphelin, ou devant un solitaire.

Quand il lui dit mentir, elle fulmina encore plus. Mais pour qui se prenait-il ? Elle n'était pas une menteuse ! C'était lui qui était de mauvaise fois. Le caneton resta silencieux entre ses deux oreilles tandis qu'elle toisait le frison du regard.

- Vous connaissez les pluies perpétuelles, mon.., elle marqua une pause, indécise, ami Zefyr était coincé dans la boue avec un étalon pie alezan. Il y avait Commedia, Cyrius et VOUS ! siffla-t-elle, mauvaise.

Qu'avait-il fait pour croiser successivement toutes les furies les plus déchaînées d'HW ? S'agissait-il des Érinyes ? Était-il poursuivi par un esprit vindicatif qui, à défaut de se manifester, lui jetait dessus des juments furibondes ? Celle-là n'avait pas encore évoqué la possibilité de lui arracher les yeux, mais elle l'invectivait avec toute la verve et la hargne de quelqu'un qui serait passé à l'acte s'il n'avait pas eu un caneton niché dans la chevelure.

Elle déforma par ailleurs ses propos. Il soupira.

" Non, non, ce n'est pas ça. Le trait d'humour est le solitaire : il est lâché dans la solitude. La vagabonde, c'est vous, que vous ayez le plaisir d'appartenir à ce troupeau ou non. Vos oreilles traînaient alors que je ne m'adressais pas... "

Il la contempla finalement d'un air consterné et choisi de ne pas pousser son explication plus loin. Il était fort possible qu'elle ait un cerveau aussi petit que celui de son piaf.

" Et MOI ! " singea-t-il avec un petit rire.

Sorrow fut surpris d'apprendre qu'il dégageait encore le parfum des Terres Orphelines. Il ne les avaient après tout rejointes qu'il n'y a quelques jours de cela, après les avoir longuement quittées. Fort heureusement, le musc nauséabond des Terres Secrètes n'avait pas collé à sa peau.

" J'aimerais beaucoup m'émouvoir de vos accusations, " dit-il, les prémisses d'un sourire aux lèvres, " Mais ce n'est pas en crachant sur le pécheur qu'on le ramène dans le droit chemin. "

Il arracha deux brins d'herbe qu'il mâchonna pensivement.

" Vous connaissez Cyrius ? " demanda-t-il finalement avec un certain intérêt.

La renarde leva les yeux au ciel, excédée. Qu'est ce qu'il était chiant celui-là ! Elle avait vraiment le chic pour se trouver des chevaux peu agréables. Sa queue se balança contre ses flancs nerveusement tandis que l'oisillon se préparait à dormir dans ses crins roux.

- Vous êtes un vil personnage, dit-elle en râlant. Oui, très rapidement, et en quoi ça vous intéresse ? Mais d'ailleurs, est-ce que ça vous regarde ? grogna-t-elle en levant de nouveau les yeux au ciel.

Sorrow la fixa d'un air soupçonneux. La vagabonde aurait-elle pu vagabonder depuis plus longtemps qu'il ne l'avait cru ? Elle venait de répéter les exacts mots qu'il avait servi à Nazz'ariah lors de leur rencontre.

Peut-être était ce le vent qui chuchotait et insufflait dans les esprits ce qu'il avait chapardé la veille...

Ou alors elle n'était qu'une vulgaire voyeuse qui prétendait se placer sur un piédestal de moralité.

Sorrow fit un pas en avant. Ses yeux se plissèrent.

" Ou vos oreilles traînent plus encore que je ne le pensais, " murmura-t-il, un début de menace dans la voix, " Ou vous êtes d'une perspicacité remarquable... "

Il la dévisagea un peu plus, cherchant à imprimer sur ce visage une quelconque méchanceté. Elle n'avait pas l'air particulièrement malsaine ; mais lui-même n'exsudait pas non plus le Mal, comme l'aurait appelé Nazz'ariah, avec ces grands mots dans lesquels on fourre un peu tout et qui perdent, à cause de cela, leur signification.

" Cyrius est le nouveau dominant des Terres Trompeuses et j'ai un certain intérêt pour la politique, ayant moi-même été dominant. "

Il engloba les alentours d'un regard satisfait.

" De ce territoire. "

L'alezane ne recula pas au contraire, elle se planta fermement devant lui, le toisant de toute sa maigre hauteur. Elle fut outrée de ses paroles, et elle balança son pied dans le but qu'il n'avance pas plus, premier avertissement.

- Je suis plus intelligente qu'on peut le croire, et je n'en air rien à faire de vous, je ne suis pas une vulgaire vagabonde qui laisse traîner ses oreilles un peu partout. Je dis juste ce que je pense, et si ça vous dérange, tant pis pour vous ! dit-elle en levant les yeux au ciel.

Les chaleurs n'arrangeaient certainement pas son énervement, c'était même encore pire. Ses paroles ne firent que l’exaspérer un peu plus, il était un ancien dominant et alors ? Devait-il se permettre de la prendre de haut comme cela ?

- Oh, tant mieux pour vous, dit-elle. Mais ça ne m'intéresse guère de savoir votre palmarès, ajouta-t-elle. Et vous êtes qui monsieur le dominant déchu ? demanda-t-elle avec un petit sourire insolent sur les lèvres.

Oh, un peu de mordant, de feu. Mais elle était plus petite que lui et malgré son âge, il l'aurait facilement précipitée dans le ruisseau qui, impassible, continuait sa route sans leur adresser le moindre regard. Il avait sûrement pris l'habitude d'ignorer les sornettes des êtres qui sont assez fous pour côtoyer sa rive.

Un parfum particulier s'éleva au-dessus de celui de l'herbe et des fleurs qui maculaient encore la plaine, malgré les températures particulièrement élevées des derniers jours. Les chaleurs. Sorrow baissa la tête pour frotter ses naseaux contre son antérieur. Pas la peine d'être perturbé par ce parfum-là.

" Soit, " admit-il finalement, pour qu'elle cesse enfin de déverser sur lui une pluie de postillons.

Il fit un pas sur le côté et échappa aux effluves de la donzelle - dont il ignorait toujours le nom - préférant se couvrir sous l'arbre sous lequel il avait dormi, et contre lequel il vint s'appuyer à nouveau avec une certaine satisfaction. Ses yeux retombèrent sur la boîte à musique.

Au moins, cette jument là n'était pas intéressée par sa possession.

" Vous devez être nouvelle, " lâcha-t-il après un long silence. Elle ne lui disait rien, et si elle avait rejoint l'hypothétique troupeau des Terres Orphelines il y a longtemps, il aurait déjà eu affaire à elle et à ses élucubrations mal lunées. Une ancienne n'aurait eu qu'à le voir de loin pour avoir son nom au bout des lèvres.

Les choses changeaient. Il n'était pas sûr de les apprécier.

Il avait cru trouver un certain plaisir en retournant une dernière fois ici. Jusque là, il n'avait croisé qu'amertume et déception, plus à cause des autres qu'à cause des choses, qui avaient changé sans devenir, elles, méconnaissables.

Légèrement satisfaite, elle observa l'étalon noir quelques secondes et un sourire encore plus satisfait s'accrocha à ses lèvres. Il s'éloignait et elle savait très bien pourquoi. Ça devait être désagréable d'être un étalon et de ne pas avoir ce que l'on veut non ? En tout cas, ça ne dérangeait pas le moins du monde la renarde. Son regard se posa quelques secondes sur l'étrange boite, mais elle ne s'y attarda pas le moins du monde.

- Effectivement, je suis arrivée il y a un gros mois, lui dit-elle en haussant légèrement les épaules. Mais ça ne me dis pas qui vous êtes et je ne peux pas le deviner, vous vous en doutez bien.

Devinant un sentiment étrange, ses oreilles remuèrent légèrement et elle haussa un sourcil imaginaire. Elle secoua sa crinière et elle s'approcha d'un pas, amusée.

- C'est Fifa qui vient de me faire rentrer chez les Orphelins, lui apprit-elle. Et finalement, elle ajouta : Je m'appelle Maha.

Un autre fantasme émergeait. Celui d'effacer le sourire de l'inconnue avec du vitriol, ou un acide particulièrement puissant, qui la laisserait avec des traces et certainement chauve autour de la bouche. Il n'avait jamais croisé ce look et il était très tenté de le voir porté par la rouane. Cela la rendrait sûrement plus attirante encore... Pour les canards vivant alentour.

Elle confirma ses soupçons et il lui accorda un sourire désabusé. Sa perspicacité avait apparemment des limites. Et si elle ne connaissait pas son nom, cela signifiait qu'elle n'avait pas tendu l'oreille lors de sa rencontre insolite avec Nazz'ariah.

Sorrow profita de l'écorce de l'arbre pour se gratter vigoureusement l'encolure.

Un nom sortit de la bouche de la rouquine. Le frison laissa un sourire, celui-là béat, éclore sur ses lèvres, alors qu'il continuait à se débarrasser de quelques poils d'hiver tenaces. Fifa ! Il aurait pu tout de suite taper dans sa rancune, mais le ridicule de la situation le condamnait à fulminer de manière invisible : les érynies le poursuivaient bien, et elles avaient toutes des noms qui finissaient en a.

" Ma chère belle fille, " murmura-t-il, les yeux mi-clos, " Quel zèle admirable. "

Il se détacha de l'écorce, fit un bondissant pas en avant.

" C'est Hadès qui m'a fait Orphelin, " entama-t-il, toutes dents dehors, " On m'appelle Sorrow. "

- Je viens de vous dire que je n'en ait rien à faire, vous n'écoutez donc pas quand je vous parle ? lâcha-t-elle en levant les yeux au ciel, excédée par le comportement hautain de l'étalon frison.

Elle balança de nouveau son antérieur en avant pour le faire reculer. C'est elle qui rompait la distance, pas les étalons. Les oreilles couchées en arrière, elle lâcha un soupire et un sourire mutin vint s'accrocher à ses lèvres charbonneuses. Elle fit donc un pas en avant, parce que c'était elle qui devait le faire et pas l'inverse.

- Très bien Sorrow, et que faites-vous donc ici à part importuner les canetons et les demoiselles ? demanda-t-elle en haussant un sourcil, le regard moqueur.

Pour quelqu'un qui feignait avec tant d'intensité le désintérêt, elle passait beaucoup de temps en sa compagnie.

" J'écoute. Malheureusement, c'est ce que vous dîtes qui représente pour moi un grand désintérêt. "

Un antérieur vint le frôler. Il demeura immobile et le regarda se balancer près de sa propre chair, notant la différence de taille entre ses propres antérieurs et les siens. Vraiment ? Etait-elle vraiment arrivée à la conclusion que c'était une bonne idée ? Menacer le grand frison faisant deux fois sa taille et son poids ? Il ne reculerait pas.

La voilà qui amenuisait l'écart qui les séparaient. Sorrow baissa les yeux, plus proche de ses cils à elle, se demandant bien ce qu'elle tentait de faire. L'intimider physiquement ? Devait-il réitérer à quel point l'idée semblait farfelue ?

" Hé bien, j'allais retrouver la mère de ce jeune caneton, " entama-t-il d'un ton tout aussi moqueur que le sien, " Mais puisque vous avez décidé de vous en faire un chapeau et de le laisser lentement mourir de faim sans un de ses semblables pour le nourrir, je vois que ma mission est finie avant d'avoir commencé. "

- Nous ne sommes pas si différents finalement, lui dit-il avec un sourire insolent collé aux lèvres.

Elle n'avait pas voulu que cette rencontre tourne au cauchemars, mais elle ne savait pas comment faire pour que ça ne soit pas un désastre. Alors elle le toisa simplement sans rien ajouter d'autre, les oreilles pointées en arrière. Effectivement, même si elle se montrait désintéressée, au fond d'elle c'était pourtant tout le contraire. Finalement, ses oreilles vinrent se redresser et elle recula d'un pas, la tête relevée pour être à sa hauteur.

La petite étincelle qui avait luit s'était éteinte aussi rapidement qu'elle s'était allumée et il savoura le moment alors qu'elle reculait d'un pas et les mettaient au même niveau, la toisant avec dédain pendant un long moment. Il avait pris goût à la dominance, certes, mais il n'avait jamais eu grand appétit pour l'insolence des solitaires. Et c'est ce qu'elle resterait pour lui : une étrangère. Elle ne faisait pas partie de ses Terres Orphelines.

Il se demanda pourquoi elle choisissait de s'insulter - ne l'avait-elle pas qualifié de vil ? - en affirmant qu'ils n'étaient pas si différents que cela, mais il choisit de ne pas répondre, pas entièrement convaincu par sa rhétorique.

Sorrow se détourna, peu séduit par l'éventualité de se changer en statue, et revint à son point de départ : il s'allongea dans le carré d'herbe dans lequel il avait dormi cette nuit. Ses pensées divaguèrent en direction de la boîte à musique. Deux jours déjà qu'il attendait de libérer son chant pour se jeter dans les tréfonds du ruisseau et rejoindre la crypte. Deux jours qu'il était interrompu et ne trouvait pas le bon moment.

Le port de tête princier, et surtout pour ne pas se laisser faire, elle leva les yeux au ciel et le toisa avant qu'il ne s'en aille se recoucher, un vrai vieux celui-là ! Sa queue fouetta ses flancs, et elle ronfla, quel terrible personnage ! Elle se détourna lentement, ne cessant de jeter des petits coups d’œil derrière son épaule avant de disparaître totalement de la vision du vieux.

Out

Sorrow lâcha un bâillement gigantesque et envoya un clin d'oeil au caneton lové dans la crinière de la jument avant de se rendormir, débarrassé des caquètements du jeune enquiquineur.

Bientôt, il ouvrirait la boîte à musique.

Fin